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Au malheur des dames

Publié le 01 juin 2019 par Morduedetheatre @_MDT_

Au malheur des dames

Critique de Hors la loi, de Pauline Bureau, vu le 31 mai 2019 au Théâtre du Vieux-Colombier
Avec Martine Chevallier, Coraly Zahonero, Alexandre Pavloff, Françoise Gillard, Laurent Natrella, Danièle Lebrun, Claire de La Rüe du Can, Sarah Brannens, et Bertrand de Roffignac, dans une mise en scène de Pauline Bureau

J’attendais ce spectacle avec une grande impatience. Parce que j’avais été globalement déçue de la programmation du Vieux-Colombier cette saison, j’espérais finir sur une note positive. Parce que je suis Pauline Bureau depuis quelques années maintenant, j’avais hâte de découvrir son travail aux côtés des Comédiens-Français. Mais aussi parce que le sujet, qui ose revenir dans l’actualité américaine aujourd’hui, est de premier ordre. Parce que ce droit fondamental ne semble finalement pas une évidence. Il y avait quelque chose à faire, quelque chose à dire. Simplement, je ne l’aurais pas fait comme ça.

Le spectacle se divise en deux parties : la première expose le malheur de Marie-Claire Chevalier, jeune adolescente de 15 ans qui, après avoir été violée, tombe enceinte et cherche à avorter. On suit sa souffrance, sa quête d’un réseau clandestin lui permettant de se débarrasser de l’embryon, et puis l’acte en lui-même : pose d’une sonde, douleurs atroces, évacuation du foetus. La seconde partie présente son procès : découverte comme avortée, elle comparaît devant la justice mais est soutenue par Gisèle Halimi ainsi que le mouvement féministe Choisir qui naît à cette époque.

Ce spectacle est pour moi l’illustration du fait que traiter d’un grand sujet ne suffit pas pour écrire une grande pièce. Si on parvient jusqu’à la fin du spectacle sans trop s’ennuyer, c’est grâce au talent des comédiens plus que grâce au texte. Et encore, on les a connus mieux dirigés. Ils font ce qu’ils savent faire – ils ne sont pas engagés dans le Premier Théâtre de France pour rien – mais ne parviennent pas à me toucher vraiment. Ils sont très bons quand ils pourraient être déchirants. J’aperçois même parfois les comédiens derrière les personnages, et c’est gênant.

Alors évidemment, on ne peut être insensible devant pareille pièce. Parce qu’elle nous présente une partie de l’Histoire, parce qu’elle revient sur le combat de ces femmes pour obtenir ce droit décisif, parce qu’elle nous remet face à ce qu’on pouvait considérer, de manière légère, comme quelque chose qui était acquis, dans les consciences, dans les moeurs. Ce spectacle peut ainsi faire figure de piqûre de rappel – pourquoi pas.

Au malheur des dames

© Brigitte Enguérand

Seulement voilà, j’ai du mal avec le fait que Pauline Bureau ne nous présente qu’une piqûre de rappel. Pour connaître un peu son travail, j’attendais quelque chose de plus incarné, de plus saisissant, comme avait pu l’être Mon Coeur sur l’affaire du Mediator. Je me retrouve face à un théâtre documentaire de qualité, derrière lequel on sent les recherches et l’authenticité de ce qui est présenté, mais ça s’arrête là. Le spectacle qui nous est présenté ressemble davantage à un travail d’historien que de metteur en scène : il n’était pas nécessaire de faire appel à Pauline Bureau pour pondre pareille pièce.

La première partie est quand même d’une grande banalité tant textuelle que scénique, handicapée par une lenteur dérangeante : je conçois parfaitement que le temps s’étire pour montrer les jours qui passent et faire passer cette sensation de temps infiniment long, mais le problème est qu’ici il ne s’agit pas d’un rythme lent mais d’une quasi-absence de rythme. Cette lenteur permet, à mon avis, de rallonger une partie qui, faute de texte, serait sinon expédiée en une vingtaine de minutes. Alors on étire jusqu’à atteindre l’heure, et quand on arrive à la seconde partie, on commence déjà à gigoter un peu sur sa chaise.

La seconde partie présente, probablement assez fidèlement, le procès tel qu’il a eu lieu en 1972. Je le suis avec intérêt, mais sans passion ni émotion. Je le regarde comme on regarderait un documentaire, comme on lirait un témoignage. Quelle est la valeur ajoutée ? Certes, j’ai davantage de plaisir à apprendre sur cette période de l’histoire aux côtés des Comédiens-Français, mais je n’en apprends pas plus. Je ne vis pas le moment. Il ne restera pas gravé en moi. D’ailleurs, je ne sais pas trop ce qu’il en restera.

Déçue…

♥

Au malheur des dames

© Brigitte Enguérand


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