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Mon ombre assassine par Estelle Tharreau

Par Ettoitulisquoi @ettoitulisquoi

Mon ombre assassine par Estelle Tharreau

Retour des chroniques, après avoir bien malgré moi, délaissé cet exercice. Mon travail dans la vie réelle a pris le pas sur ma passion. La faute a des patrons toujours plus exigeants… Mais je ne suis pas là pour m’épancher, je suis là pour partager le plaisir de mes lectures et mettre de côté le reste !

Je vais commencer cette chronique en remerciant chaleureusement les Éditions Taurnada et particulièrement Patricia pour cette lecture, et ce service presse impeccable comme toujours. S’il y a un point récurrent et invariable chez les Éditions Taurnada c’est bien leur service presse parfait et la qualité des lectures qui sont proposées. Donc : merci, merci, merci.

Pitch de départ :

En attendant son jugement, du fond de sa cellule, Nadège Solignac, une institutrice aimée et estimée, livre sa confession. Celle d’une enfant ignorée, seule avec ses peurs. Celle d’une femme manipulatrice et cynique. Celle d’une tueuse en série froide et méthodique. Un être polymorphe. Un visage que vous croisez chaque jour sans le voir. Une ombre. Une ombre assassine.

Détails techniques :

Auteur : Estelle Tharreau

Éditeur : Taurnada

257 pages

Vous pouvez l’acheter ici.

Lien vers le booktrailer : https://www.youtube.com/watch?v=l_quEdaHCFM&feature=youtu.be

Ma note : 20/20

Mon avis :

Avec ce roman, je suis clairement sortie de ma zone de confort et de ma zone de prédilection. Ce qui me fait penser que le risque pris était énorme et pour moi et pour la maison d’édition au final ! Si le thriller proposé n’avait pas été à la hauteur, nous allions droit dans le mur, et ce genre aurait pu finir au rebut pour moi définitivement.

Vous l’aurez donc compris, le roman d’Estelle Tharreau a donc sans le savoir et sans le vouloir relevé le défi, haut la main qui plus est !

Comme à mon habitude (mauvaise habitude ?) je me suis lancée sans avoir vraiment fait attention au synopsis. Je suis déjà tellement contente de la confiance que m’accordent les Éditions Taurnada, que je fonce.

En commençant ma lecture, j’ai cru avoir affaire à un traité sur les femmes meurtrières. Tout en pensant « pourquoi pas ? » j’ai également eu peur de m’ennuyer.

Puis, les choses ont pris une autre tournure dès que j’ai rencontré Nadège Solignac. Quand l’histoire s’ouvre, Nadège est en prison et c’est elle qui nous explique pourquoi, en commençant par le menu, à savoir son enfance tragique et sombre, semée d’ignominies, jalonnée de douleurs et piégée par un simulacre de parents : un père absent, une mère dépressive et tout simplement inapte dans ce rôle qui ne lui convient pas et qu’elle n’aurait jamais dû avoir. Ce portrait de l’enfance de Nadège est dérangeant et pose la base de ce qui fera d’elle l’ombre assassine, telle qu’elle s’est elle-même surnommée.

Nadège Solignac est donc, au commencement, une petite fille que l’on a tout simplement envie de plaindre et d’accueillir chez soi pour lui faire oublier ce début d’existence désastreux.

Nadège a un grand frère, Julien, le chouchou de son père. Puis, viendra une sœur, Manon, qu’elle n’appellera jamais par ce prénom au fil de l’histoire, puisqu’elle lui a trouvé un prénom qui lui sied mieux : le monstre. Sa petite sœur est un être difforme, lourdement handicapée, incapable de parler et qui ne s’exprime que par des cris. Ce calvaire qu’elle représente au quotidien pour la petite fille qu’est Nadège, nous le vivons avec elle, à tel point qu’on en oublie la narration. On oublie qu’il y a une auteure derrière, on est avec Nadège et le reste n’existe plus. Nadège prend possession de tout, de votre esprit et de votre réalité.

La narration est entrecoupée d’interrogatoires sur l’enquête en cours : le meurtre de Fabien Bianchi dont Nadège est présumée coupable.

Jalonnent également le récit, des articles de presse qui nous permettent de suivre l’évolution de la procédure, tout en suivant le fil chronologique de la vie de Nadège jusqu’à arriver à ce qui l’a menée là, derrière les barreaux d’une prison.

Une fois que cette période couvrant son enfance est passée, on rentre pleinement dans le vif du sujet. Nadège nous livre le fond de sa pensée, nous décrit son cheminement intérieur, son modus operandi, cette mission dont elle se sent investie : assassiner les gens qui ne méritent pas de vivre soit parce qu’ils l’ont faite souffrir, soit parce qu’ils sont un obstacle sur son parcours. Elle a semble-t-il une préférence pour les parents qui n’auraient jamais du, selon elle, avoir d’enfant. Elle donne l’impression de remplir une mission de service public.

Là où tout va basculer, et où vous allez prendre conscience de l’horreur de la chose c’est quand elle va décider quel costume d’agneau conviendra le mieux pour déguiser un loup. Ce n’est donc pas par hasard qu’elle choisit de devenir enseignante. Nadège, dès que ses parents ont compris l’intérêt qu’il y aurait à la mettre à l’école, s’est découvert une passion pour la culture, le travail, et s’est avérée douée, intelligente et donc redoutable.

Le contraste est saisissant entre ce tableau dur, réaliste et cruel du milieu social dont elle est issue et la manière dont elle va progressivement s’en éloigner pour tomber dans l’obscurité la plus profonde.

Certains passages m’ont presque fait penser à certains jeux vidéos, notamment quand elle est en pleine crise de folie meurtrière ou de rage passagère et qu’elle cherche à rejoindre la « zone neutre » c’est à dire un état relativement stable où elle retrouvera un semblant de calme. Je visualisais ça comme une carte sur laquelle l’espace sécurisé se réduit à un cercle en mouvement constant et duquel il ne faut pas sortir.

Les premiers meurtres qu’elle commet lui apportent une forme de jouissance, et de toute puissance qui la confortent sur cette voie : elle est née pour cela. Le plus sidérant lors de la narration des premiers meurtres, n’est pas tant l’acte en lui-même pour nous lecteur mais plutôt cette forme d’indulgence que l’on veut lui accorder, ces circonstances atténuantes qui nous viennent à l’esprit puisque nous savons maintenant que son enfance était une condamnation à basculer dans la folie.

J’ai été très perturbée de me retrouver à penser que je comprenais pourquoi elle avait commis certains homicides et pire de penser qu’elle avait bien fait !

Nadège nous prend dans ses filets, nous convainc ou tente de nous convaincre du bien fondé de ses méfaits et on acquiesce bêtement.

Toutefois, plus on approche de la fin du récit, moins on éprouve de bienveillance à son égard. On perçoit de plus en plus, la folie, l’esprit tortueux et l’intelligence redoutable dont elle fait preuve quand elle dégote une cible à abattre.

Le dénouement, après un dernier rebondissement, n’est selon moi, en aucun cas prévisible. Les dernières lignes vous font froid dans le dos, et quand vous franchirez le seuil de votre maison après l’avoir lu, croyez-moi vous ne verrez plus vos voisins comme avant !

En résumé, je ne peux pas dire que j’ai adoré parce qu’on parle d’un thriller quand même, je vais plutôt dire que j’ai été terrifiée par Nadège, ce personnage criant de vérité qu’a créé l’auteure.

Toutefois, je peux vous dire sans retenue que j’ai adoré l’écriture, et le style de l’auteure. C’est une affaire rondement menée. L’écriture est juste brillante et parfaite. Chaque mot compte. Aucune ponctuation n’est laissée au hasard. Nous sommes dans du très très haut niveau ! Je n’ai aucun absolument aucun reproche à faire sur la qualité d’écriture, l’orthographe parfait, les recherches spécifiques faites par l’auteure, et on sent l’esprit brillant et cultivé de l’auteure tout au long. Un grand bravo à Estelle Tharreau que je ne connaissais pas et qui est, sans conteste, tout simplement exceptionnelle.

Je vous propose aussi deux petites citations extraites du livre qui ont retenu mon attention :

« En effet, de quoi se repaissent les crimes, selon vous ? Le crime prend irrémédiablement racine dans vos faiblesses, vos défauts, vos mauvaises habitudes petites ou grandes. Il s’en inspire, s’en nourrit, jusqu’à les phagocyter et vous engloutir avec elles. »

Et

« L’instant d’après, je jouissais à nouveau de la vague ardente de toute-puissance que m’avait conférée la mort, mais aussi d’une plénitude nouvelle et enivrante : celle de l’impunité »

A lire !

Lucie


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