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Sylvia Plath – Méduse

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Sylvia Plath – MéduseLoin de cette langue de terre obstruée de cailloux,
Tournant de l’oeil à la vue des cannes blanches,
Recueillant l’incohérence de l’océan au creux de l’oreille,
Tu héberges le trouble en ta tête – sphère divine,
Cristallin charitable,

Pendant que tes doublures
S’accrochent frénétiquement à l’ombre de ma coque,
Pressantes comme des coeurs,
Stigmates rouges en plein centre,
Et chevauchent les flots déchirés jusqu’au plus près du point de départ,

Laissant flotter leur chevelure de Sauveur.
Me suis-je vraiment tirée d’affaire ?
Le fil de ma pensée s’entortille autour de toi,
Vieil ombilic ventouse, câble transatlantique,
Et mon esprit se préserve, il semblerait, par pur miracle.

En tout cas, tu es toujours là,
Souffle fébrile au bout de ma ligne,
Rondeur aqueuse qui se précipite,
Ravie, reconnaissante, sur la perche que je n’ai pas tendue,
Et tu touches et tu suces.

Je ne t’ai pas appelée.
Je ne t’ai même jamais sonnée du tout.
Pourtant, pourtant,
Tu t’es lancée sur moi à toute vapeur,
Avec ton rouge gluant, placenta

Paralysant les ardeurs des amants.
Cobra illuminé
Du souffle arraché aux cloches sanglantes
Des fuchsias. Je ne respirais plus,
Morte, fauchée,

Surexposée comme un rayon X.
Pour qui donc te prends-tu ?
Une hostie, une ortie, une adipeuse Marie ?
Tu ne me feras plus rien avaler,
Bouteille dans quoi je vis,

Vatican de malheur.
Ce bain chaud salé me rend malade à crever
Tes désirs verts comme des eunuques
Sifflent mes péchés.
De l’air, va-t’en, tu poisses, tentacule !

Il n’y a rien entre nous.

*

Medusa

Off that landspit of stony mouth-plugs,
Eyes rolled by white sticks,
Ears cupping the sea’s incoherences,
You house your unnerving head—God-ball,
Lens of mercies,

Your stooges
Plying their wild cells in my keel’s shadow,
Pushing by like hearts,
Red stigmata at the very center,
Riding the rip tide to the nearest point of departure,

Dragging their Jesus hair.
Did I escape, I wonder?
My mind winds to you
Old barnacled umbilicus, Atlantic cable,
Keeping itself, it seems, in a state of miraculous repair.

In any case, you are always there,
Tremulous breath at the end of my line,
Curve of water upleaping
To my water rod, dazzling and grateful,
Touching and sucking.

I didn’t call you.
I didn’t call you at all.
Nevertheless, nevertheless
You steamed to me over the sea,
Fat and red, a placenta

Paralysing the kicking lovers.
Cobra light
Squeezing the breath from the blood bells
Of the fuchsia. I could draw no breath,
Dead and moneyless,

Overexposed, like an X-ray.
Who do you think you are?
A Communion wafer? Blubbery Mary?
I shall take no bite of your body,
Bottle in which I live,

Ghastly Vatican.
I am sick to death of hot salt.
Green as eunuchs, your wishes
Hiss at my sins.
Off, off, eely tentacle!

There is nothing between us.

16 October 1962

***

Sylvia Plath (1932-1963)Collected Poems (Faber & Faber, 1981) – Edited by Ted Hughes – Ariel

(Gallimard, 2009) – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Valérie Rouzeau.


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