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Analyse de General Motors Co (GM:NYQ)

Publié le 17 juin 2019 par Chroom

Comme il devient de plus en plus difficile de trouver des titres de qualité qui s'échangent à bon prix, je me suis dit que j'allais vous parler aujourd'hui d'une valeur bien connue des investisseurs orientés dividendes, General Motors. Avant qu'elle ne fasse faillite en 2009, elle faisait en effet partie des fameux "Dogs of the Dow", soit les dix titres du Dow Jones qui paient les plus juteux dividendes. GM a eu le mérite à l'époque de faire comprendre à une partie de la planète financière que se focaliser uniquement sur le rendement en dividende est bien souvent une très mauvaise idée, même lorsque l'on a affaire à une grosse capitalisation qui possède une centaine d'années d'existence.

Aujourd'hui, après avoir été sauvée par l'Etat américain, elle poursuit sa route à nouveau seule et paie de jolies royalties à ses actionnaires. L'investisseur qui s'arrêterait sur les ratios financiers usuels pourrait vite se sentir tenté par son dividende et son prix bon marché. GM est bien malgré elle à nouveau aujourd'hui un très bel exemple de ce qu'il ne faut pas faire en matière d'investissement. Le diable se cache dans les détails et l'histoire semble vouloir se répéter.

Valorisation & dividende

Voyons pour commencer ce que nous disent les ratios de valorisation traditionnels. De prime abord, GM est une véritable opportunité puisque le titre s'échange à :

  • 6.03 fois les bénéfices récurrents courants
  • 6.41 fois les bénéfices récurrents moyens
  • 1.5 fois les actifs tangibles
  • 1.28 fois la valeur comptable
  • 0.34 fois les ventes

Imaginons qu'on veuille estimer la valeur intrinsèque de GM à partir de la méthode de Benjamin Graham. La formule (nombre de Graham) est la suivante : √(22.5 x bénéfice par action x valeur comptable par action), soit √(22.5 x 6.43 x 29.12). On arriverait ainsi à 64.9$, alors que le cours actuel est seulement de 35.6$.  WOW. L'action s'échange à presque la moitié de sa juste valeur! Presque trop beau pour être vrai...

Au niveau du dividende c'est tout aussi intéressant, avec un rendement de 4.26% et un taux de croissance annuel moyen de 4.84% sur ces cinq dernières années. Malgré cette générosité, le taux de distribution reste très prudent, puisqu'il se monte à seulement 25.69% des bénéfices récurrents courants et 27.30% des bénéfices récurrents moyens.

Tous les voyants sont donc au vert. Enfin en tout cas ceux du panneau "Investisseur lambda". Parce que si on s'arrête sur les ratios moins usuels, la situation est toute autre. D'abord le free cash flow est négatif depuis plusieurs années. Ceci s'explique par des dépenses en capital très importantes, représentant près de 3 fois les bénéfices en moyenne ces cinq dernières années. Autrement dit, GM ne parvient pas à transformer son bénéfice en liquidités disponibles qu'elle pourrait retourner à l'actionnaire d'une manière ou d'une autre. Cela se constate sur le dividende qui n'a pas bougé depuis 2016 et qui pourrait même être remis en question, au moins partiellement, dans le futur.

L'autre point intéressant, c'est la structure du capital de GM, avec un endettement important et très peu de réserves de liquidités, comme on le verra plus loin. Cela a un impact non négligeable sur sa valorisation puisque l'EBIT et l'EBITDA ne représentent que 3.37% de la valeur d'entreprise. Autrement dit cette dernière équivaut à près de 30 fois les bénéfices avant intérêts et impôts, ce qui contraste singulièrement avec le PER très attractif de 6 que nous avions ci-dessus.

Bilan & résultat

Ces cinq dernières années le bénéfice a progressé et la valeur des actifs a fait de même. Le dividende, comme nous l'avons déjà mentionné, a commencé par s'accroître avant de plafonner à partir de 2016. Quant aux réserves de cash, elles ont plutôt tendance à décliner. General Motors rencontre donc quelques difficultés pour créer de la valeur pour ses actionnaires, ce qui se ressent sur le cours qui végète depuis 2013.

Les liquidités immédiatement disponibles sont très faibles, avec un current ratio de seulement 0.92 (en très légère hausse) et un quick ratio de 0.8. Voilà qui pose déjà quelques sérieuses questions en termes de solvabilité. Les besoins en dépenses d'équipement énormes de GM aspirent littéralement toutes les rentrées d'argent et l'entreprise se retrouve coincée avec des engagements à court-terme supérieurs à ses actifs courants. Le géant américain de l'automobile n'a dès lors guère d'autre choix pour l'instant que de recourir aux banques, aggravant du même coup sa situation (et celle de ses actionnaires), comme nous le verrons plus loin.

La marge brute est faible, avec seulement 9.12% (en baisse assez marquée depuis 2017). Étonnamment, la marge nette se monte à tout de même 5.63%, ce qui n'est certes pas énorme, mais encore relativement bon étant donné la situation. Par contre, inutile de vous faire un dessin sur la marge de FCF, bien évidemment négative.

Là où cela devient comique, c'est lorsqu'on s'arrête sur la rentabilité, puisque le ROE grimpe carrément à 21.3%. Là encore, l'investisseur lambda, généralement assez friand de cet indicateur, pourrait se dire que décidément GM en plus d'être très bon marché (en apparence), et très profitable. Attention cependant car comme nous l'avons déjà évoqué, la structure du capital de General Motors s'appuie fortement sur l'endettement. Si le ROE est aussi élevé, c'est surtout lié au fait que les fonds propres sont faibles! Le ROA, avec 3.64%, et le CFROA, avec 6.71% nous dépeignent effectivement une image bien moins glamour.

Arrêtons-nous à présent un moment sur la dette qui semble intimement liée à GM et qui lui pose également quelques "petits" soucis. Le taux d'endettement à long terme par rapport aux actifs et très important, à 32.14% (en hausse). La totalité de la dette, qui ne fait que grimper depuis plusieurs années, représente 2.7 fois les fonds propres. Etant donné que le constructeur de voitures ne génère pour l'instant pas de free cash flow, il est impossible de dire quand et même s'il pourra un jour rembourser cette montagne de créances. Sur ces cinq dernières années, le recours à l'endettement a représenté un rendement annuel moyen négatif de -23.75% pour les actionnaires! Voilà qui rend le "juteux" dividende de 4.26%, bien moins intéressant. Notons tout de même un petit point positif, la diminution du nombre d'actions en circulation, qui redonne un petit 2.5% par an en moyenne à l'actionnariat.

Conclusion

Le rendement annuel moyen des propriétaires de General Motors, en tenant compte du dividende, de la réduction du capital-actions, mais aussi du recours à l'endettement, est misérable depuis cinq ans, avec -17.25%. On saisit bien là la limite d'une approche qui ne se focaliserait que sur le rendement en dividende, qui paraît dans ce cas au premier abord très intéressant. De toute évidence, GM paie ses factures, ses rachats d'actions et ses dividendes en contractant de la dette. Il doit y avoir là un tout nouveau modèle économique qui vient de voir le jour. D'habitude on voit ça chez les startups, sauf qu'elles ont plutôt tendance à émettre des actions et ne pas payer de dividende...

Pour bien enfoncer le clou, le Z-Score (Altman), avec seulement 1.03 (zone rouge), nous dit tout simplement que GM risque de faire faillite. Le F-Score est heureusement meilleur, avec 6 points sur 9. A y regarder de plus près néanmoins, deux de ces points sont obtenus de manière in-extremis. Donc on se retrouverait à 4, ce qui est déjà nettement moins glorieux.

Ajoutez-encore là-dessus une volatilité annuelle de 29%, pour un beta de 1.37 et tout cela devient explosif.

Bref, GM est une valeur exceptionnelle, non pas pour ses fondamentaux, mais pour les leçons dont on peut en tirer. Si on s'arrête sur les ratios et indicateurs usuels, elle est semble être une très belle opportunité. Si on creuse un peu plus, c'est un véritable cauchemar.


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