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Tunis ou les sévices de l’opinion

Publié le 28 juin 2019 par Le Journal De Personne
A Tunis, on dit que le pays ne dit jamais ce qu'il vit mais vit de ce qui se dit. On opine, on copine puis on expose son opinion dans une vitrine jusqu'à ce que tous les malentendants l'entérinent.

Le raconté y a plus de d'impact que le vécu. En vertu du principe selon lequel un drame n'a de sens que pour celui qui a le sens du drame. Il y a toujours eu deux clans qui s'affrontent : ceux qui dramatisent, les gouvernés et ceux qui dédramatisent, les gouvernants.

En vérité, ce sont les gouvernés qui gouvernent et les gouvernants qui les bernent. Classique comme dialectique : le maître devient avec le temps l'esclave de son esclave. Même le plus incongru, se décide dans la rue, de bouche à oreille, car seul le téléphone arabe est encore capable de produire des merveilles ou de faire, avant que le mort ne soit mort, son deuil.

L'opinion n'écarte pas les faits, mais s'éclate avec, les transforme en cauchemar ou en conte de fées. Et en fonction de la cible, on change de fusible. Parce que l'opinion à Tunis est une boîte à trois vitesses : l'opinion spatiale qui murmure qu'elle a déjà enterré le président de la République Tunisienne, l'opinion temporelle qui murmure que son état est stationnaire mais qu'il bénéficie des meilleurs soins dans un hôpital militaire, et l'opinion atemporelle qui murmure qu'il est mort mais qu'il ne faut surtout pas dire qu'il est mort.

Et en vérité, c'est souvent l'invraisemblable qui est tenu pour vrai. En effet, dans cet adorable pays, les nouvelles vont vite mais pas aussi vite que ceux qui les relayent ou les balayent. Tout le monde sait que tout le monde ment mais pour le tunisien, c'est loin d'être un objet de tourment, c'est plutôt une occasion rêvée de créer l'évènement. Les choses n'arrivent pas toutes seules, mais arrivent à ceux qui le veulent. Tout dépend comment on se raconte l'histoire.

Qu'a retenu l'opinion de l'attentat suicide qui vient encore une fois de ternir l'image de l'avenue Bourguiba ?

L'opinion ne fournit pas de réponse mais affine la question : de trois choses l'une,

Soit, c'est l'œuvre des faux frères : les fanatiques religieux,

Soit, c'est la couleuvre des mauvais frères : les politiques véreux,

Soit enfin, le chef d'œuvre des adversaires ; les cyniques arabo-sionistes.

Mais les trois hypothèses ou prothèses reviennent au même paradoxe : Tunis est peut-être le seul endroit au monde où chacun estime que son opinion particulière ne peut être dupe de l'opinion générale.

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