Magazine Cinéma

Le Pub (Juillet 2019) – First Man

Par Le7cafe @le7cafe

21 juillet 1969 - Neil Armstrong devient le premier Homme à poser le pied sur la Lune.

Ah, la Lune. De tous temps, elle a nourri les fantasmes des Hommes, astre scintillant se détachant au milieux des nuées stellaires sur le ténébreux ciel nocturne. En littérature, Johannes Kepler ( Somnium, 1608), Cyrano de Bergerac ( Voyage dans la Lune, 1657), puis plus tard bien évidemment H. G. Wells ( Les Premiers Hommes dans la Lune, 1901) et Jules Verne ( De la Terre à la Lune, 1865), y enverront leurs héros parcourir les plaines inconnues du satellite. Suivant leurs traces au cinéma, ce sont les personnages de Georges Méliès ( Le Voyage dans la Lune, 1902), Fritz Lang ( La Femme dans la Lune, 1929) ou plus récemment Duncan Jones (, 2009) qui se lanceront dans les plus extraordinaires expéditions spatiales. Pourtant, si la science-fiction nous ouvre les portes des contrées insondables du rêve, la réalité se révèle parfois tout aussi époustouflante, comme le prouve , la véritable histoire du premier homme sur la Lune.

FIRST MAN

Réalisateur : Damien Chazelle

Acteurs principaux : Ryan Gosling, Claire Foy

Date de sortie : 17 octobre 2018 (France)

Pays : États-Unis

Budget : 70 millions $

Box-office : 105,7 millions $

Durée : 2h21

LA LA LUNE

Décembre 1961. À bord de son avion X-15 secoué de toutes parts, Neil Armstrong s'élève vers la stratosphère, perçant les nuages de la pointe de son fuselage et de son regard. Soudain, le vaisseau stoppe sa course. Il a atteint l'espace, la dernière frontière. Là, au sommet du monde, le pilote observe sereinement la silhouette splendide de la planète Terre qui se dessine sur son cockpit et se reflète sur son viseur. Un instant suspendu dans l'espace et le temps. Déjà pourtant, il faut repartir. Armstrong commence sa manœuvre, mais les lois de la physique étant ce qu'elles sont, l'avion rebondit sur l'atmosphère et recommence à prendre de l'altitude, dévoilant la terrible perspective d'une dérive éternelle au delà des étoiles. Avec un calme olympien, le futur astronaute se lance dans une opération à haut risque pour sauver sa peau. Après quelques minutes de tensions intenses, le X-15 se pose non sans fracas dans le désert du Mojave, et le héros rescapé in-extremis nous gratifie de ses premiers mots...

" ARMSTRONG - I'm down. "

Avec cette première séquence ahurissante, Damien Chazelle ouvre son film en grandes pompes et pose les bases de son épatante odyssée humaine. Car plus que le récit d'un des évènements les plus célèbres de notre Histoire, First Man est avant tout l'histoire d'un homme qui n'aura de cesse de braver la mort pour que l'exploit impensable soit accompli. Neil Armstrong, un homme qui, le premier, posa le pied sur la Lune, mais un homme avant tout.

Bien qu'encensé par la critique, First Man a eu un succès très modéré au box-office, et n'a reçu que quatre nominations mineures aux Oscars l'an passé (Meilleur Son, Meilleure Montage Sonore, Meilleurs Décors et Production Artistique, Meilleurs Effets Spéciaux), quand il en aurait sans doute mérité une poignée de plus. Il aurait certainement bénéficié de sortir un an plus tard, aujourd'hui, pour profiter de l'engouement suscité par le 50ème anniversaire de la culmination de la mission Apollo 11. Car assurément, le film est une réussite totale, dans la lignée du métrage précédent de Chazelle, La La Land, dont par ailleurs une grande partie de l'équipe collabore ici à nouveau avec le réalisateur, avec Linus Sandgren à la cinématographie, Tom Cross au montage, Justin Hurwitz pour la bande originale et bien entendu Ryan Gosling en tête d'affiche.

La réalisation est millimétrée et les cadrages soigneusement choisis pour engendrer des plans lourds de sens et évocateurs, utilisant à merveille le principe du storytelling visuel. La cinématographie travaillée de Sandgren constitue le glaçage délicat de ce gâteau savoureux, notamment à travers le grainage subtil et volontaire de l'image pour nous replonger dans une époque révolue, ainsi que par la finition formidable de la lumière, donnant naissance à des clairs-obscurs profonds et majestueux. Enfin, la palette de couleurs complémentaires mettant l'emphase sur l'orange et le bleu, pourtant appanage classique de la majorité des blockbusters (si si je t'assure, tu peux vérifier), magnifie ici les lueurs artificielles des complexes et instruments scientifiques, et l'océan solitaire et mélancolique clairsemé d'étoiles qu'est l'espace.

Dans l'ensemble, First Man est extrêmement fidèle à la réalité historique, même si quelques exceptionnelles scènes, notamment une dont nous reparlerons plus avant, se permettent des extrapolations scénaristiques au profit de la trame narrative, sans pour autant proférer des mensonges flagrants comme certains biopics se le permettent. Une attention toute particulière a été portée aux détails les plus infimes, des costumes soigneusement confectionnés aux décors magistralement reconstitués, en passant par la ressemblance physique entre les acteurs et leurs personnages, jusqu'aux choix musicaux, avec en premier lieu la scène de danse dans le salon au son du vinyle de Les Baxter bien titré " Lunar Rhapsody ", que le couple Armstrong appréciait réellement, et dont les envolées futuristes au thérémine servirent de base à l'inspiration de la superbe bande originale éthérée de Justin Hurwitz.

DE LA TERRE...

À n'en pas douter, Ryan Gosling était le choix idéal pour incarner Neil Armstrong. Avec son stoïcisme caractéristique, dont il fait preuve dans beaucoup de ses films et au plus fort à mon sens dans Blade Runner 2049, l'acteur reflète parfaitement le côté secret et calme de l'astronaute, connu pour être un homme de peu de mots. Cela renforce d'autant plus par contraste les rares scènes d'émotion, et les pleurs solitaires et tragiques d'Armstrong dans son bureau après le décès de sa fille, poursuivis bien plus tard par les dernières larmes qui coulent face à l'immensité de l'astre lunaire. Face à lui dans le rôle de sa femme Janet Armstrong, Claire Foy n'est pas en reste et livre une performance tout à fait épatante, d'une finesse sans pareille, et qui aurait définitivement mérité une nomination à l'Oscar de la Meilleure Actrice ou de la Meilleure Actrice dans un Second Rôle.

Assez ironiquement, la plus grande partie du film se passe sur Terre, ne consacrant qu'un peu moins de sa dernière demie-heure au déroulement véritable de la onzième mission Apollo. Et pour cause, comme dit précédemment, First Man s'intéresse plus au voyage émotionnel de l'homme qu'à l'accomplissement de sa mission extraordinaire. Ainsi, l'on comprend mieux la lueur d'espoir que représente la clarté enchanteresse de la Lune par rapport à une Terre envahie par la mort et rongée par le deuil.

En effet, sur Terre, la mort est omniprésente. Si dès les premières minutes du film, Armstrong manque de se tuer dans l'incident de son X-15, c'est le décès absolument tragique de sa fille Karen, à peine âgée de deux ans, des suites d'une tumeur cérébrale, qui va annoncer le début d'une série funeste qui marquera de façon indélébile l'astronaute. La faucheuse frappe implacablement, par un montage brutal qui fait suivre directement sans transition le visage de Karen et celui miné par le chagrin de sa mère lors de son enterrement, au son grinçant des poulies qui font descendre le cercueil dans la tombe. À partir de là, la vie d'Armstrong ne sera plus qu'une longue et inlassable fuite pour échapper à la mort ; la sienne, qu'il frôle à de nombreuses reprises, mais surtout celles de ses proches.

D'abord l'incident du vol suborbital, et le décès de Karen, dans le premier quart d'heure du film. Puis Charles Bassett et Elliot See se crashent lors d'un test de pilotage, un sort qui manque également une nouvelle fois Armstrong quelques années plus tard. Il y a également l'incendie de la maison Armstrong en 1964, dans une scène coupée du film, duquel les deux fils de Neil réchappent de justesse grâce aux efforts de leur père et de son voisin et ami astronaute Ed White. White qui, justement, atteint le paroxysme de la série funeste en périssant dans les flammes aux côtés de Gus Grissom et Roger Chaffee, dans le terrible accident du test d'Apollo 1, d'une violence abasourdissante pourtant sobrement représentée dans le film par la porte blindée de la capsule déformée par l'explosion. Le coup d'estoc final porté à la NASA et surtout à Armstrong, ultime deuil qu'il aura à surmonter en plus de tous les autres qui ont précédé.

... À LA LUNE

" JOURNALISTE - Do you question whether the program's worth the cost in money and in lives ? "

La question, posée par une journaliste lors de la conférence de presse suivant le crash d'Armstrong avec le prototype du module lunaire, est légitime. Est-ce que tout ceci en valait le coût, financier et humain ? On pourrait avancer l'argument des progrès scientifiques, de la course à l'espace avec la Russie, de l'intérêt national, voire planétaire, et bien d'autres choses encore. Mais ce n'est pas ce qui nous intéresse. Car ici, nous parlons de Neil Armstrong. Et pour lui, oui, ça valait le coût. Précisément parce que ce n'est qu'en atteignant la Lune, qu'en rejoignant ce paysage désolé et infini, en bravant la mort une dernière fois, qu'il peut faire son deuil. Ce n'est qu'ainsi qu'il peut faire ses deuils.

Les scènes du décollage de la fusée et de l'alunissage constituent le climax de First Man et le paroxysme de la bande originale de Hurwitz avec deux compositions fantastiques, les sobrement intitulées " Apollo 11 Launch " et " The Landing ". Dans une épiphanie orchestrale dantesque, la fusée Saturn V perce les cieux, valse dans la Voie Lactée, se décompose, et les modules partent à la dérive ou continuent chacun leur mission, jusqu'à ce que l'Aigle enfin se pose dans la poussière et y impose son empreinte éternelle. Alors Armstrong s'extirpe du module, et descend lentement l'échelle qui le mènera à la postérité.

Après avoir prononcé sa célèbre citation que je ne te ferai pas l'affront de te rappeler, Billy, l'astronaute s'éloigne et se place au bord d'un cratère creusé sur la surface. Il étend sa main, solennellement, et ouvre sa paume pour y révéler un minuscule objet : le bracelet de sa fille perdue, depuis toujours réceptacle de son deuil inconsolable. Et, dans un plan d'infinie poésie, il le libère, et le laisse tomber avec la délicatesse permise par la faible gravité de l'astre lunaire pour aller se nicher tout au fond du cratère. Cette scène est une pure invention des scénaristes pour appuyer l'impact émotionnel de ce moment ; en revanche, elle aurait tout à fait pu se produire, et ce pour deux raisons. D'une part, on ne sait pas ce qu'Armstrong avait emporté avec lui dans son bagage personnel sur la Lune parce qu'il a perdu sa liste, donc un bracelet appartenant à sa fille pouvait très bien pu y figurer, d'autre part il est effectivement allé au bord de ce cratère mais la caméra ne l'observait pas à ce moment là donc il n'est pas possible d'affirmer ce qu'il y a fait. Toujours est-il que laisser partir le bracelet, c'est métaphoriquement enfin laisser s'en aller Karen, en étant allé aussi loin de la mort qu'humainement possible, et avec elle Bassett, See, Chaffee, Grissom et White.

Lorsque Armstrong retrouve Janet dans la dernière scène de First Man, ils sont séparés par une vitre confinant l'astronaute en quarantaine après son retour sur Terre. Ils se regardent. Ils ne se disent rien. Et ils n'ont pas besoin de mots. Car voilà un Homme qui est allé là où nul Homme n'était jamais allé, voilà un Homme qui a affronté la mort et l'a vaincue après une bataille acharnée, voilà un Homme qui a laissé son deuil au fond d'un cratère, sous la forme de cinq petits cubes enfilés sur un mince fil et gravés de cinq lettres tragiques. Voilà un Homme qui est ressuscité, dans un dernier voyage de la Lune à la Terre, de la Mort... à la Vie.

LE MOT DE LA FIN

D'une façon intimiste et infiniment tragique, First Man dépeint la face cachée d'un des hommes les plus célèbres du monde. Neil Armstrong, le premier Homme qui a marché sur la Lune, pour braver la mort et revenir à la vie.

Note : 8 / 10

" ARMSTRONG - That's one small step for man... One giant leap for mankind. "

- Arthur

Tous les gifs et images utilisés dans cet article appartiennent à Universal Pictures, et c'est très bien comme ça.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Le7cafe 77 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines