L'écriture est un premier jet de néant ; la pulpe de rien ; une concentration de vide.
Tel est l'un des multiples traits que Jean-Pascal Dubost délivre tout au long de ce livre. Recueil d'aphorismes, commentaires, réflexions, citations, éléments de journal, notes de lecture, travaux en résidence, pensées, nécrologies... (l' etc... prend toute sa valeur après cette accumulation incomplète). Donc, il y a un travail de " compositions " pour mettre tout cela en forme dans le même ouvrage. La citation liminaire pourrait faire croire à un certain découragement, où le pessimisme germerait. Ce serait faire fausse route. L'auteur accueille tout ce qui, dans son for intérieur, a rapport avec l'écriture. Et le doute, qui l'envahit parfois, fait en creux partie de cet ensemble. Mais le curseur se situe ailleurs, plutôt dans l'amour de la langue, dans le bonheur de la langue et dans le trésor de la langue.
Jean-Pascal Dubost est un amoureux de l'ancien français, un fin médiéviste, si près des mots, quel que soit leur âge, ce qui lui fait écrire doncques ou élider le si on... en s'on, ou mon écriture en m'écriture, par exemples. Il y a l'histoire des termes d'un côté et les niveaux de langue de l'autre qui l'intéressent également, d'autant plus qu'il aime les " rabouter ". N'est-il pas à se renseigner sur la langue purinique, le purin, le normand purin, ou le gros normand, [...] langage argotier, grossier, cynique......Quand on superpose ces deux éléments, horizontaux et verticaux, les combinaisons deviennent infinies.
Ces appareils étant mis en place, la cible demeure très aiguë : l'écriture, autour de laquelle son esprit est sans cesse en train de butiner, quitte à y revenir plusieurs fois. J'ai repéré trois entrées où l'auteur tourne autour d'une même visée, il dit dans un premier temps :
Cette sensation renouvelée d'être, à la fin de chaque poème, sur le seuil de quelque chose.
Qu'il reprend et questionne ensuite autrement :
Et si le grand vide auquel se heurte la fin d'un poème achevé n'était pas autre chose qu'une porte ouverte ?
Qu'il tend à synthétiser et résoudre un peu plus loin :
Une évidence est au bout du poème.
C'est tout l'intérêt de ce livre où l'on suit de l'intérieur la pensée de Jean-Pascal Dubost qui clignote comme un kaléidoscope, on n'est jamais sur la même facette de son esprit, mais l'œil est constamment braqué sur le grand sujet. Avec au passage, cet aveu presque suffisant :
J'ai la chance de ne pas être compris de tous.
Entre le doute et la confiance, Jean-Pascal Dubost ne cesse de slalomer avec aisance et subtilité, curiosité et maîtrise. Pour conclure, cette affirmation ambiguë et lumineuse :
Je ne suis jamais sûr de rien, c'est pourquoi j'avance certainement.
Jacques Morin
Jean-Pascal Dubost, Compositions, éditions Rehauts, 130 p., 16€.