Magazine Culture

Le rapport Brazza 1905

Par Gangoueus @lareus
Le rapport Brazza 1905
25 ans après le traité de Mbey avec le Makoko par lequel Savorgnan de Brazza, explorateur italien au service du gouvernement français, acte le projet colonial français sur la rive droit du fleuve Congo, l’aventurier reçoit mandat de mener une enquête dans l’AEF. Une expédition qui conduira cet homme au Congo français et au sud de la Centrafrique. De Brazza produira un rapport de ce voyage au Congo et en Centrafrique qui sera enterré par les autorités de l’époque…
J’ai vu pour la première fois cette bande dessinée en passant devant la librairie Charybde peu de temps avant que cette dernière ferme boutique du côté de la rue de Charenton pour continuer d'exister différemment. Un ouvrage produit par Vincent Bailly et Triatan Thil. Congo 1905, Le rapport Brazza. Sous titre : Le premier secret d’état de la Francafrique. Je n’ai pas pour habitude de chroniquer les bandes dessinées. Il y a beaucoup trop de choses à analyser. Le dessin. Le texte. La mise en scène. Le sujet. 
Prenons le dessin, l’illustration. Vu le contexte de la narration qui est a peu près le même, à savoir le début du 20è siècle, je ne peux m’empêcher de faire des rapprochements entre les dessins de Tardi et ceux que nous proposent Bailly et Thll. J’ai été un inconditionnel de la série Adèle Blanc-Sec. Le dessin est moins net, plus esquissé. Ce qui donne une impression, je dis bien une impression, d'un travail inachevé. Allez dire à Monnet qu’il fait des brouillons... Cela ne gêne pas fondamentalement l’avancée dans l’histoire. Mais on a vraiment le sentiment que les décors ne sont pas finis et que seuls comptent les visages et les dialogues. Ces derniers sont aboutis et porteurs de beaucoup de discours. 
Aparté. Un collègue dans mon openspace m’interpelle en me voyant arriver avec ma BD. Je la lui présente. Il note Futuropolis. Et il m’informe qu’il a eu l’occasion a lu une autre oeuvre « africaine » de cette maison d’édition dont le théâtre des actions était au delta du fleuve Niger avec toute la question de l’exploitation du pétrole et de la redistribution des richesses engendrées. Sujet hautement politique, sensible. Bref, les questions politiques ne semblent pas effrayer cet éditeur. Fin de l’aparté.
Prenons l’histoire. Tout part de l'affaire Gaud et Toqué, deux administrateurs coloniaux qui  dynamitèrent pour l'exemple un indigène rebelle au nouvel ordre social. A la demande du gouvernement français, Savorgnan de Brazza débarque en AEF en 1905 pour mener une enquête sur les dérives du système coloniale française en Afrique centrale. Il est reçu par le bien nommé gouverneur Gentil qui naturellement ne reçoit pas l’ancien éclaireur les bras grands ouverts. Au contraire, il enraye les engrenages pouvant faciliter les déplacements de De Brazza. Les relations entre l’administration et les concessionnaires sont au coeur de cette enquête. En effet, sous prétexte d’un impôt à payer, les forces de l’ordre au service des concessionnaires réquisitionnent les populations qui doivent produire un quota de travail pour payer leur « dû ». Les hommes fuient et les femmes sont prises en otage par l'administration. Cela se passe avant 1905. Et cela ressemble étrangement aux formes de travail forcé que constatera Gide lors de son voyage au Congo (et surtout en Oubangui Chari). Dans ces conditions de détentions abusives, des femmes et des enfants meurent… Les soldats font parfois preuve de zèle et exécutent des récalcitrants. Avec son équipe, De Brazza remonte le fleuve pour collecter des témoignages d’autochtones et de certains colons.
Prenons la Françafrique. Brazzaville a une grande avenue dite des Trois francs, le fameux impôt de capitation que dénonce le rapport Brazza. La mémoire est encore douloureuse. Un compte rendu qui sera rangé dans les oubliettes de l’histoire au nom d’intérêts mercantiles. De Brazza ne survit pas à une dysenterie contractée lors de ce voyage. Lui et son équipe ont laissé filtrer dans la presse de gauche des éléments de son enquête pour anticiper l’étouffement de l’affaire. C’est le premier grand scandale de la Francafrique. Des pratiques qui perdurent.
Aparté. Les griots koukouya évoquent parfois, dans la nuit noire de ce plateau batéké quelque part au centre du Congo, des révoltes réprimées en lien avec l’impôt de capitation. Triste résonance. Fin de l’aparté et de l’article. 
A lire. A faire lire. A offrir.
Le rapport Brazza 1905, Tristan Thil, Vincent BaillyEditions Futuropolis, première édition

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Gangoueus 8178 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines