Burnout nous fait vivre une expérience inédite de saturation mentale en explorant les effets dévastateurs de l'aliénation au travail.
Pousser à l'extrême la pression et les conditionnements qui mènent plus ou moins progressivement au burnout, c'est l'ambition de cette pièce. Mission accomplie ! De ce côté-là aucun doute ! Peut-être même un peu trop bien d'ailleurs... Car si la prestation des comédiens est admirable, il faut avoir les nerfs bien accrochés pour tenir 1h10...
Le travail comme arme de destruction
Travailler plus, toujours plus, mériter plus ; les plats surgelés avalés devant l'ordinateur, les post-its collés partout pour ne rien oublier, les heures supp', les formations, les objectifs, les chiffres... La liste est longue, interminable, énoncée à toute vitesse dans des micros. Parce qu'il faut gagner du temps. REN-TA-BI-LI-SER. Pas le temps pour les collations, les grasses mat' ; ni pour manger varié ou faire l'amour. Et surtout, surtout : " Il ne faut pas avoir honte de vouloir une vie plus facile pour sa famille. " Une phrase répétée de manière obsessionnelle d'un bout à l'autre du spectacle, et qui devient rapidement très insupportable ! Le débit de paroles des comédiens est impressionnant, et on a hâte pour eux que ça se termine tant cela relève de la prouesse physique !
Un exercice périlleux
En réalité, le spectacle tout entier devient rapidement insupportable tant il nous fait vivre de l'intérieur l'expérience du burn-out. Un réalisme poussé à l'extrême, qui est à la fois audacieux et intéressant, mais qui devient aussi assez rapidement anxiogène. Car la plume tourne en boucle et frôle la folie. Et au bout d'une quinzaine de minutes de ce rythme effréné sur fond de sons électroacoustiques, nous ressentions déjà l'effet de saturation. Et nous avions l'impression d'avoir fait le tour du sujet. Surtout quand les discours ininterrompus des deux comédiens - qui ne dialoguent finalement jamais - finissent par se chevaucher jusqu'à devenir inaudibles ! Le propos se change alors en brouhaha qui nous fait frôler la crise d'angoisse !
© Lucile NabonnandUn propos un peu confus mais utile
La mécanique est bien huilée, elle tourne sans laisser aucune place à l'improvisation. Tout est sous contrôle jusqu'à ce que la machine s'emballe. La mise en abyme est totale. L'évaluateur des ressources humains nous parle de contrôles, d'entretiens, de feedbacks, d'évaluations ; il nous explique point par point comment devenir exceptionnel, comment convaincre lors de son entretien individuel... En d'autres termes, comment plaire à ces patrons qui attendent toujours plus de chiffre, de résultats ; qui ferment les yeux, ne voient pas l'humain qui se débat au milieu de tout ça. L'humain qui y perd tout son sens. C'est un peu décousu, un peu confus, mais le message de la pièce n'en reste pas moins fort et nécessaire.
Un burnout qui s'étire en longueurs
Nous avions déjà eu l'occasion de voir l'année passée " Débrayage" , une excellente création sur le monde du travail et ses excès. Ici, c'est sur l'épuisement professionnel que se focalise la pièce. Mais malgré l'intelligence du propos et l'expérience assez inédite que Burn out nous fait vivre, son climat oppressant ne nous a pas permis d'apprécier la pièce. Et les dix (15 peut-être) dernières minutes ont fini de nous perdre en nous plongeant tout à coup dans une atmosphère radicalement différente ! La musique se fait soudain douce pour accompagner un tableau d'expression corporelle et d'effets visuels que nous avons eu beaucoup de mal à lier à tout ce qui précédait. En plus d'être trop métaphorique à notre goût, cette dernière partie vient créer une longueur supplémentaire à un spectacle qui mériterait plutôt d'être allégé pour devenir plus digeste.
© Lucile NabonnandBurnout, avec Hélène Tisserand et Pierre-Marie Paturel, écrit par Alexandra Batea et mis en scène par Marie Denys, se joue au Gilgamesh Belleville, à Avignon du 05 au 26 juillet à 16h55. Relâche les 10, 17 et 24 juillet.
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