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[Critique] TRAÎNÉ SUR LE BITUME

Par Onrembobine @OnRembobinefr

[Critique] TRAÎNÉ SUR LE BITUME

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Titre original : Dragged Across Concrete

Note:
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Origines : États-Unis/Canada

Réalisateur : S. Craig Zahler

Distribution : Mel Gibson, Vince Vaughn, Jennifer Carpenter, Don Johnson, Michael Jai White, Thomas Kretschmann, Udo Kier, Tory Kittles, Andrew Dunbar…

Genre : Thriller/Policier/Drame

Durée : 2h39

Date de sortie : 30 juillet 2019 (DTV)

Le Pitch :

Deux policiers connus pour leurs méthodes expéditives sont suspendus. Aux abois, ils décident de basculer de l’autre côté de la loi et se mettent en tête de filer de dangereux braqueurs afin de leur dérober leur butin…

La Critique de Traîné sur le bitume :

S. Craig Zahler est de retour aux affaires. Zahler qui pour rappel, débuta sa carrière en tant que directeur de la photographie, discrètement, avant d’enchaîner en écrivant plusieurs romans. Romans annonciateurs de ce que l’homme allait nous proposer au cinéma. En 2015, son premier long-métrage, Bone Tomahwak, organise à lui tout seul la rencontre entre le western, le survival et le pur film d’horreur. Deux ans plus tard, Zahler est revenu à la charge en plongeant Vince Vaughn dans l’enfer d’une prison propice aux explosions de violence sauvage dans Section 99. Cette année (enfin l’année dernière vu que le film est resté un moment dans les tiroirs de son distributeur), Traîné sur le bitume nous apporte une nouvelle preuve du talent brut de décoffrage du cinéaste. Un film parfaitement conforme aux promesses contenues dans son seul titre. Un polar à l’ancienne, rêche, troublant et immersif, maîtrisé de A à Z…

Armes létales

De retour chez Zahler, qui avait su exploiter chez lui une part de noirceur plutôt inattendue, Vince Vaughn fait cette fois-ci équipe avec Mel Gibson. Gibson qui pour sa part, retrouve un rôle à la hauteur de son talent, dans un registre dur, loin des punchlines du pourtant déjà plutôt violent Payback. Pourquoi Payback ? Car Traîné sur le bitume partage quelques points communs avec le polar de Brian Helgeland. Si ce n’est que dans le cas présent, l’humour, s’il n’est pas absent, prend des formes détournées soulignant finalement l’aspect profondément noir de l’ensemble. Traîné sur le bitume s’imposant un peu plus à chaque minute comme une exploration sans concession, profonde et réaliste de l’âme humaine dans toute sa complexité. Zahler met donc deux hommes de loi, animés du désir de se sortir d’une certaine torpeur et de protéger l’avenir des leurs, dans une situation inextricable. Certes, le film n’est pas le premier à faire basculer deux flics du côté obscur de la force, mais ici, pas de facilités. Zahler y va franchement. Sans se soucier de brosser le spectateur dans le sens du poil, avec la minutie et la précision chirurgicale qui caractérisent son cinéma et son écriture, il s’immisce dans la psyché de ses personnages, prend son temps, explore tous les aspects de son histoire et évolue dans un patchwork de teintes de gris, allant du plus clair, quand tous les espoirs sont permis, y compris ceux de décrocher la rédemption, au plus foncé.

Traîné-sur-bitume

Voyages au cœur de la nuit

Dans la plus grande tradition du genre, flirtant avec les classiques de Sidnet Lumet ou William Friedkin, Traîné sur le bitume ravive des saveurs de polars que l’on croyait appartenir au passé. Résolument en décalage, le troisième essai de Zahler confirme l’extraordinaire capacité de ce dernier à ne pas se laisser bouffer par ses références, aussi imposantes soient-elles comme ici. Non car Zahler a manifestement une idée précise de la manière dont vont se finir ses films. Dans le cas présent, son scénario ne laisse pas de place au hasard ni à l’esbroufe. Chaque mot compte. Les échanges entre Gibson et Vaughn claquent souvent. La science du dialogue que maîtrise le réalisateur lui permet de proposer des films plutôt longs (presque 2h40 ici) en mettant en branle une rythmique tellement redoutable qu’on a franchement l’impression que le temps file. Chaque minute est importante. Peut-être plus encore que pour Bone Tomahawk et Section 99, qui comprenaient quelques petites longueurs. Zahler organise la construction de son récit d’une telle façon que tout s’imbrique parfaitement. L’enfer urbain qu’il nous décrit, la complexité des rapports humains, le mal qui bouffe le bien, cette bonté sans cesse mise en péril par la haine, l’avidité et la froideur de bad guys effrayants… Tout ceci contribue à faire de Traîné sur le bitume un polar de haut vol dont l’une des nombreuses qualités est de non seulement jamais se regarder le nombril mais surtout de nourrir chaque aspect de son histoire pour au final parfaitement exploiter son potentiel, avec tout ce que cela sous-entend.

Des deux côtés du flingue

Les spectateurs ayant vu et apprécié les deux précédents longs de Zahler se sentiront tout de suite chez eux. Traîné sur le bitume baigne dans le même genre d’ambiance. Celle que l’on pourrait presque découper en fines tranches. La construction narrative, le montage… Traîné sur le bitume impressionne en permanence. La mise en scène sachant se montrer percutante mais jamais abusive. Y compris quand interviennent ces accès de violence que Zahler, comme avec ses précédents films, distribue avec parcimonie afin de leur donner encore plus d’impact. Dans un élan décidé, les effusions de sang appuient là où ça fait mal mais touchent surtout au vif car tout autour, le climat et l’atmosphère s’y prêtent. Jamais le film ne se repose sur ses effets. C’est important car suffisamment rare de nos jours. Par contre, Zahler ne ménage pas son casting. Rarement ces dernières années, un réalisateur n’avait su à ce point exploiter l’acteur qu’est devenu Mel Gibson en prenant de l’âge. Et s’il pouvait parfois être tentant de justement amener ce dernier à sortir de ses gonds, ce n’est pas le cas ici, Zahler ayant eu l’intelligence de maintenir Gibson dans une sorte de zone entre deux eaux, où il fat des merveilles. D’une intensité incroyable, il cadre parfaitement avec le décors, à l’instar d’un Vince Vaughn une nouvelle fois impeccable. Sachant qu’en face aussi, du côté des méchants, c’est carton plein, ces derniers étant, comme souligné plus haut, tantôt tétanisants de brutalité, tantôt suffisamment nuancés pour nourrir le trouble que le métrage entend incarner tout du long. On remarquera également la place faite à Jennifer Carpenter, dont le personnage incarne le sacrifice d’une innocence bafouée sur l’autel d’une violence bien ancrée dans un monde parfois impitoyable.

Plus qu’un simple polar, Traîné sur le bitume est à ranger à côté des classiques du genre car il réussit bien plus que ce qui était prévu. Quand on lit entre les lignes, qu’on s’arrête sur les yeux fatigués de Gibson, sur la peur visible dans ceux de Michael Jai White et sur ce mince filet de lumière qui tente parfois de percer à travers les nuages, on s’aperçoit que Traîné sur le bitume prend la forme d’un terrible constat sur notre époque. À l’instar des classiques du genre donc, la dimension sociétale est bien présente. Et c’est aussi pour ça que ça fait aussi mal. Car tout en offrant un divertissement de très haut vol, Traîné sur le bitume assène aussi quelques vérités. Sans retenir ses coups.

En Bref…

Traîné sur le bitume est probablement le film le plus abouti de son auteur. Porté par un casting dominé par les prestations sans faille de Mel Gibson et Vince Vaughn, traversé de sauvages éclairs de violence, magnifiquement écrit, précis, brutal et visuellement superbe, crépusculaire à souhait, le troisième film de S. Craig Zahler est un chef-d’œuvre. Le voir débarquer directement en vidéo, à l’instar des deux précédents du réalisateur ayant quelque chose de terrible. Zahler étant probablement ce qui est arrivé de mieux au polar ces dernières années, une sortie en salle aurait bien sûr été souhaitable. Mais non, l’un des 10 meilleurs réalisateurs américains du moment est chez nous relégué au second plan. Raison de plus pour que vous lui accordiez l’importance et l’attention qu’il mérite.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : Metropolitan FilmExport

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