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(Note de lecture), Werner Lambersy, Du crépuscule des corbeaux au crépuscule des colombes, par Arnoldo Feuer

Par Florence Trocmé

Un humaniste, un vrai !

Werner Lambersy  du crépuscule
Werner Lambersy n’a pas besoin de mon opinion sur son travail poétique, encore moins d’une note de lecture sur le recueil identifié comme « tristiques pour le siècle présent ». Mais pourquoi devrais-je bouder mon plaisir de partager les élans que provoque sa lecture ?
Éloge de l’économie ! Il faut la patte d’un maître pour évoquer tant en si peu de mots. Et pour voir, et faire voir, embrasser, d’un même élan, l’immense et le minuscule, l’universel et l’anecdotique. Tout se contient réciproquement, avec la délicatesse et la grâce de ce qui va de soi, comme l’aube/qu’on grignote jusqu’au/trognon. Ce même poème qui commençait : Du crépuscule du corbeau/aux crépuscules des/colombes — notez les subtils écarts avec le titre de l’ouvrage — réussit à nous faire participer simultanément à deux échelles de perception opposées et produit un effet : la présence. Du grand art.
Mais ce petit volume découvert chez mon libraire ne dit pas seulement que Werner Lambersy, facteur de poèmes, est un maître des mots — on le savait — mais de façon moins attendue, qu’il est un humaniste authentique, un philanthrope au plein sens du terme, attentif à restituer ce qui dans l’autre participe de l’universel. Une vraie affection est à l’œuvre pour ses frères et sœurs en humanité même si Le champ caillouteux/de la nuit reste/à sarcler et qu’il faut bien constater la jachère à l’abandon/de l’âme.
Le poète ne déborde pas d’illusions sur les locataires du « siècle présent », indifférents à la bonne nouvelle/que personne n’écoute, et cela ne l’empêche pas d’en peupler ses poèmes, papis, fillettes, petite dame, messieurs ridés et sages épouses, sans oublier fleuriste, boucher, ami maghrébin et lui-même, vieux fou, afin que l’inventaire humain soit complet. Tout cela exsude une tendresse mélancolique à laquelle il ne se résoud pas à céder, se décidant in fine à plonger comme la baleine sous/les eaux profondes//du songe merveilleux.
On commence à lire un poète, et on trouve bien davantage. Est-il plus belle récompense quand on finit un livre que de se sentir appelé à le goûter à nouveau ?
Arnoldo Feuer

Werner Lambersy, Du crépuscule des corbeaux au crépuscule des colombes, L’Amourier, 2018, 66 p., 12€
Extrait :
Demain
il faudra sarcler encore
le champ
caillouteux
du cœur et des comètes
retourner
du socle ailé
des charrues de l'âme
les friches
d'une enfance
aux plis de coquelicot
(p. 54)


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