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Primo Levi – À bon port

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Primo Levi – À bon portHeureux celui qui arrive à bon port,
Qui laisse derrière lui les mers et les tempêtes,
Dont les rêves sont morts ou jamais ne sont nés,
Et qui s’assied, qui boit, à l’auberge de Brême,
Près de l’âtre, et il se sent en paix.
Heureux celui comme une flamme éteinte,
Heureux celui comme le sable des estuaires,
Qui a posé le fardeau, s’est essuyé le front
Et repose au bord du chemin.
Il ne craint rien, ni n’espère, ni n’attend,
Mais regarde, fixement, le soleil qui se couche.

*

L’approdo

Felice l’uomo che ha raggiunto il porto,
Che lascia dietro di sé mari e tempeste,
I cui sogni sono morti o mai nati,
E siede a bere all’osteria di Brema,
Presso al camino, ed ha buona pace.
Felice l’uomo come una fiamma spenta,
Felice l’uomo come sabbia d’estuario,
Che ha deposto il carico e si è tersa la fronte,
E riposa al margine del cammino.
Non teme né spera né aspetta,
Ma guarda fisso il sole che tramonta.

*

Arrival

Happy the man who’s come to port,
Who leaves behind him seas and storms,
Whose dreams are dead or never born;
Who sits and drinks by the fire
At the beer hall in Bremen, and is at peace.
Happy the man like a flame gone out,
Happy the man like estuary sand,
Who has laid down his burden and wiped his brow
And rests by the side of the road.
He doesn’t fear or hope or wait,
But stares intently at the setting sun.

September 10, 1964

***

Primo Levi (1919-1987) – Ad ora incerta (1984) – A une heure incertaine

(Gallimard, 1997) – Traduit de l’italien par Louis Bonalumi – The Survivor (Penguin Classics, 2018) – Translated by Jonathan Galassi.


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