« Le Fred ? Plus qu’un éleveur, plus qu’un producteur, plus qu’un cuisinier… » William Frachot
En Côte d’Or, et même plus loin, Fred Ménager est un personnage considéré comme hors normes dans tous les sens du terme. Normal, il fait tout pour. Et ca marche. On vient de la région, de la France, et de certains pays étrangers, surtout anglo-saxons, pour se retrouver dans sa ferme isolée et plutôt rustique. Amusant d’ailleurs de voir cette ferme dans la campagne et les Mercedes au parking. Toujours les mêmes urbains qui viennent prendre leur bain (prudent) de nature qui leur donne des petits frémissements le long de l’échine. Et même si ces ladies transportent jusque là leurs allergies, fragilités, manies, qui agacent le chef au plus haut point. Car il est franchement inutile de venir ici pour chipoter, même si la nourriture est finalement assez soignée sinon sophistiquée. On est dans le volume mais avec finesse.
Fred Ménager, le fermier, éleveur de volailles anciennes et de pintades qui gambadent dans de grands enclos, est un ancien chef de grandes maisons et non des moindres. Second d’Alain Chapel, a travaillé avec Pierre Gagnaire époque Saint-Etienne, entre autres joyeusetés. C’est dire si l’homme sait tenir une casserole et sortir le meilleur des produits d’exception qui sont autour de chez lui. Ils arrivent directement dans l’assiette après un passage dans la grande cuisine attenante de la petite salle de restaurant qui ressemble à une vieille salle à manger de ferme. Justement, c’en est une.
Un beau jour, comme on dit dans les romans de gare, il a voulu sortir de tout ca, les étoiles, les grandes brigades, le stress, la course… En 2002, il rachète une ruine perdue dans la campagne à quelques kilomètres de Beaune. Deux ans de travaux pour aménager des pièces à vivre au-dessus du restaurant, une cuisine, et vivre à son rythme. Son bût ? Qualité des produits issus de la campagne environnante, réseau d’amis producteurs ou éleveurs, des plats qui ont du goût, à des prix accessibles.
Pourtant, au bout d’un temps, la notoriété le rattrape et toute la presse locale puis nationale et internationale veut voir ce chef fermier et tellement « nature ». Aujourd’hui, dans sa salle de 30 couverts maximum, il a en majorité les hommes du vin de la Bourgogne, et 60% d’étrangers, dont 60% d’américains toujours à l’affut du « How nice, how wonderful… ». Du coup, l’homme se protège, devient bougon, fait semblant d’avoir mauvais caractère et de ne pas aimer vraiment l’humanité d’aujourd’hui.
Il aime être seul ou avec ses proches, et aime toujours autant se retrouver avec ses deux compagnons de cuisine. A eux trois, ils sortent des plats à tomber de sa chaise.
Pas de carte, un menu unique annoncé oralement à votre arrivée avec possibilité de deux choix par catégorie. Sur table, pain maison remarquable et un amuse-bouche qui est déjà un uppercut : Jambon persillé et légumes. Rien à voir avec le reste du monde civilisé.
Fred a un copain qui élève des truites comme il faut les élever. Il lui prend des petites pour en faire une friture comme jamais. Cuisson impec, une bonne huile, une salade fraiche à côté, qui a le goût de salade fraiche. Simple, efficace, évident.
Fin de printemps, début d’été, chaleur (canicule ils disent dans les villes), ca pousse de partout. Le chef fait un œuf mollet, et il sait le cuire, cuit mais coulant, posé sur des fèves, des petits pois, et des petits oignons avec leur jus de cuisson amélioré. Fraicheur et saveur du jardin, aidées par une belle technique.
On ne rigole plus, voila la pintade. Le chef a été la zigouiller la veille dans son immense enclos. Il sait celle qu’il faut, celle qui va passer à la casserole, c’est le cas de le dire. Il la fait cuire en cocotte au four bien chaud avec huile et beurre. Il découpe les légumes (betteraves, carottes, échalotes, en assez gros quartiers et les fait revenir dans une grande poêle au beurre presque marron. Bien saisis, il les rajoute au dernier moment dans la cocotte pour que les sucs se mélangent. Et hop, la cocotte arrive fumante sur la table. Odeur, beauté, jus de cuisson éblouissant pour un plat d’anthologie. Voila un animal qui n’est pas mort pour rien. Magnifique et inoubliable.
Quelques fromages de région dont un fort bon chèvre de la Ferme de la Biquette, pas loin. Tout un programme…
Dessert popotte : sorbet fraise, fraises du jardin, sureau au parfum, et un bon gros sablé.
Dernier détail mais non des moindres, nous sommes quand même en Bourgogne : la carte des vins est une pure merveille de choix judicieux, de traditions et d’aventures, de repères et de découvertes, en une classification amusante et originale. Le Bourgogne Chardonnay Rougeot-Dupin, Cuvée Les Grandes Gouttes, 2007, fut formidable pendant tout le repas.
La ferme de la Ruchotte, on ne dira pas que ca se mérite mais pas loin. Pour comprendre, il faut arriver avant l’heure du repas, marcher, regarder, sentir, approcher les superbes volailles anciennes où le coq a des plumages incroyables, où les chiens vous regardent de loin, où les oiseaux se font entendre, où l’air sent bon… tout ca vous imprègne doucement, il faut se laisser envahir…. Et passer à table, car s’il y a des assiettes qui ressemblent au paysage alentour c’est bien chez Fred Ménager.
21360 Bligny-sur-OucheTéléphone : 03 80 20 04 79
www.lafermedelaruchotte.com
Fermé lundi & mardi
Repas uniquement le midi
Fermé le soir
Menu : 50 € (4 plats + fromages)
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