Partager la publication "[Critique] RAMBO : LAST BLOOD"
Titre original : Rambo : Last Blood
Note:Origine : États-Unis
Réalisateur : Adrian Grunberg
Distribution : Sylvester Stallone, Sergio Peris-Mencheta, Paz Vega, Adriana Barraza, Yvette Monreal, Paz Vega, Oscar Jaenada…
Genre : Action/Drame/Suite/Saga
Durée : 1h40
Date de sortie : 25 septembre 2019
Le Pitch :
Rentré au pays depuis une dizaine d’années, John Rambo vit dans le ranch familial en compagnie d’une jeune fille qu’il a pris sous son aile et de la grand-mère de cette dernière. Jeune fille qui se fait un jour enlever par l’un des pires cartels mexicains. Bien décidé à la retrouver, Rambo se met en chasse…
La Critique de Rambo : Last Blood :
John Rambo est de retour chez lui, après des décennies d’errance. Sur son dos, un sac contenant le peu qu’il possède. Face à lui, la maison d’un père qu’il n’a pour ainsi dire pas revu depuis la fin de la guerre du Vietnam… La fin de John Rambo, le quatrième volet de la saga initiée en 1982 par Ted Kotcheff, avait tout de l’épilogue parfait. Le film offrant par ailleurs au deuxième personnage iconique de Sylvester Stallone, l’occasion de se battre une dernière fois dans le même genre de jungle où il s’était jadis peu à peu transformé en machine à tuer au détriment d’une stabilité émotionnelle détruite à jamais. Mais non… Sylvester Stallone, grand adepte des suites et autres retours surprises, éternel challenger, a décidé que Rambo avait encore des choses à dire et à faire. D’où la mise en chantier d’un cinquième opus, 11 ans plus tard. Une suite tardive que Sly a co-écrit et qu’il devait par ailleurs aussi réaliser, décidant finalement au dernier moment de laisser sa place au relativement inexpérimenté Adrian Grunberg (Kill the Gringo avec Mel Gibson). Une décision qui a par ailleurs inquiété les fans. L’histoire de ce nouveau film se déroulant donc pour la première fois en 37 ans sur le sol américain et non plus dans la jungle. Alors qu’en est-il ?
Seul contre tous
La saga Rambo a connu de multiples bouleversements depuis ses débuts. De survival tragique en forme de réflexion sur le traumatisme subi par les soldats du Vietnam rentrés au pays, la franchise s’est transformée en pur film de guerre, faisant de Rambo le porte-drapeau malgré lui d’une Amérique triomphante. Puis le troisième volet a abordé de front, non sans maladresse, la question afghane, avec Rambo venant au secours des moudjahidins face à l’armée russe, toujours dans une logique très « guerre froide ». Bien des années plus tard, nouveau bouleversement. Toujours retiré dans la jungle, John Rambo se cache et tente d’oublier. Un événement le forçant à revenir sur le front quitte à donner du grain à moudre à ses démons. Qu’en est-il de Last Blood ? C’est compliqué. Compliqué par rapport au contexte actuel particulièrement, vu que le film se déroule en partie au Mexique. Certaines critiques, des deux côtés de l’Atlantique, ayant cru déceler dans les dernières aventures de John Rambo un discours potentiellement raciste. Pourquoi ? Probablement parce que Sly n’a jamais caché, sans trop le mettre en avant non plus (son frère le fait très bien à sa place), son côté Républicain et parce qu’en ce moment, avec l’actuel locataire de la Maison Blanche, la question mexicaine est plus que brûlante. Rapport au projet de mur, aux bad hombres et compagnie… Mais pourquoi réserver à Last Blood ce genre d’accusation finalement injustifiée au vu de ce qu’il nous donne à voir, quand des productions abordant plus ou moins la même question, comme les deux Sicario, Man of Fire et bien d’autres, n’ont pas eu droit à ce genre de lynchage ? Tout cela pour dire que Rambo 5 n’est pas raciste. Maladroit oui, mais c’est bien tout. Le fait qu’il s’agisse en outre du premier film de la saga qui n’est pas relié à un conflit unanimement reconnu, doit aussi jouer dans la façon dont les critiques et une partie du public l’ont appréhendé. Le précédent épisode s’étant posé à son époque comme la première fiction abordant de front le génocide des Karens (et une des seules à ce jour). Last Blood lui, parle « juste » d’un homme meurtri cherchant à secourir sa fille de substitution et par cela tenter de sauver ce qui reste en lui de véritablement humain.
Take, took, taken
C’est après une scène introductive particulièrement réussie (et inexplicablement coupée pour les versions américaines et britanniques du film) qui voit Rambo venir au secours de randonneurs dans la montagne, que s’amorce la trame principale de Last Blood. Ayant enfin trouvé une forme de sérénité, endormant ses démons à grosses rasades de pilules et dormant dans un réseau de galeries sous la maison familiale, John est devenu le père de substitution d’une jeune fille, qu’il héberge avec sa grand-mère. Elles vivent dans la maison et lui au-dessus, là où ses traumatismes, la nuit venue, reviennent le hanter. Quand la fille disparaît au Mexique, Rambo revient au front… Bien sûr, tout ceci rappelle fortement Taken. Le background de Rambo et l’interprétation toujours très solide et ô combien viscérale de Sly, ainsi que le caractère extrêmement sombre et désespéré de l’ensemble, se chargeant de franchement séparer les deux œuvres. Sly et son co-scénariste ont décidé, comme pour le précédent volet, d’opposer le personnage à de vrais méchants. Le genre tellement pourri qu’on a très envie de les voir se faire réduire en charpie par le boucher en chef. Car c’est bien ce qu’est John dans ce nouveau volet : un boucher. Le premier type qu’il attrape faisant les frais de sa colère, lui qui s’apprête à définitivement balancer ses cachets dans le caniveau pour laisser s’exprimer sa rage la plus sourde. Le ton est donné très rapidement. Quand les bad guys se livrent à d’atroces exactions, cumulant à peu près toutes les tares qu’on puisse imaginer trouver chez ce genre de personnages, Rambo lui, devient un animal capable du pire. En cela, l’ex-bêret vert n’a jamais changé depuis le précédent film. On reconnaît Rambo, ici un peu amoindri par l’âge, qui a donc remplacé la vélocité par une sorte de puissance barbare. Le visage plus buriné que jamais, les muscles noueux déformant encore sa chemise, Rambo fonce dans le tas, encaisse et rend les coups au centuple, dans une logique extrême. Le seul truc un peu dérangeant c’est qu’au fur et à mesure, Rambo devient une sorte d’exécuteur sans pitié, un peu dans le style Jason de Vendredi 13, tandis que les mises à mort se font de plus en plus gore. Jusqu’au dernier quart du film, où John verse le dernier sang par litrons entiers. Il est ainsi tout à fait concevable que cette violence non seulement frontale mais aussi parfaitement outrancière ne soit pas du goût de tout le monde. Après tout, la franchise n’a jamais fait dans le gore avant le quatrième volet. C’est le film John Rambo qui a initié la tendance que Last Blood continue de suivre. Une façon pour Stallone d’insister sur le caractère de son autre personnage phare : un homme blessé, intérieurement dans un premier temps, couvert de cicatrices, qui, quand il doit répondre à une agression, ne sait plus désormais faire preuve de la moindre nuance. Une fois que l’on comprend le sens de la démarche, le sang, les tripes, les clavicules brisées à la force des doigts… Tout ce déferlement prend un certain sens. Même si, contrairement à John Rambo donc, Last Blood reste relativement maladroit, y compris dans sa façon d’exprimer la violence inhérente à son héros.
Cette fois, il y va pour (faire) saigner
Sylvester Stallone ne retient pas ses coups. Last Blood est un film dur, sec, presque insoutenable parfois, voire, à la toute fin, un peu trop grand-guignolesque probablement. S’il aurait bien sûr été préférable que Sly se charge lui-même de la mise en scène, Adrian Grunberg s’en sort néanmoins plutôt bien, livrant des séquences d’action lisibles et rendant justice au statut de Rambo, parvenant à caser ici ou là, des plans iconiques du plus bel effet (au début tout particulièrement). Un personnage bestial au possible, dont les fêlures motivent une colère hardcore. Mais Last Blood est aussi, d’une certaine façon, une œuvre naïve. Dans l’utilisation de la voix off notamment. La plume de Stallone ne manque pas de sincérité. Il aime Rambo et ça se voit, même si parfois, la forme à tendance à brouiller un peu le message. Last Blood aurait pu être une sorte d’Impitoyable pour Rambo. Une conclusion ne pouvant qu’être violente, mais néanmoins plus apaisée. Ici, c’est un peu ça mais pas tout à fait non plus. Et puis Sly n’en a peut-être pas terminé… Ce Last Blood pourrait-il faire office de conclusion définitive ? La réponse est oui. Même si le projet n’a pas immédiatement brillé par sa légitimé et malgré ses minces travers. À l’image de son pivot, Rambo : Last Blood est certes bourrin, mais aussi plus complexe qu’il n’en a l’air de prime abord. Une vraie tragédie d’un autre temps en somme (c’est un compliment), à fleur de peau, marquante à plus d’un titre.
En Bref…
D’une violence aussi extrême que crue, reposant sur une histoire simple, elle aussi propice à des séquences très dures, Rambo : Last Blood est un film puissant mais maladroit. Maladroit car au fond, et c’est vraiment flagrant ici, Rambo ne parvient pas à trouver sa place aujourd’hui. Des deux côtés de l’écran. Un héros en décalage, monument d’une époque lointaine où il tenait une place centrale, pivot d’une aventure pleine de bonne volonté, sincère et visuellement à la hauteur des attentes, mais souffrant d’un petit manque d’équilibre. Maladresse participant néanmoins à son caractère attachant. Un nouveau volet sanglant et sans concession donc, au sein duquel, Rambo, cette figure mythique, s’impose une nouvelle fois. Avec ses fêlures, sa souffrance inhérente à ses nombreux traumatismes et sa rage insondable. Sylvester Stallone lui, est une nouvelle fois monumental.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Metropolitan FilmExport