La philosophie tantrique de la Reconnaissance a pour but de nous amener à reconnaître, dans notre état de conscience ordinaire, la conscience universelle, absolue, qui par jeu se manifeste sous la forme de l'univers. C'est incroyable, grandiose, merveilleux.
Pourtant, la Reconnaissance affirme que cet "éveil" ne change pas le cours de notre vie, au sens où les lois de la nature s'appliquerons toujours : s'il fait froid, j'aurai froid, si j'ai faim, j'aurai besoin de manger, et ainsi de suite. La Reconnaissance de promet pas de miracle, pas de pouvoirs surnaturels, ni lévitation, ni télékinésie, ni lumières colorées.
Mais alors, si la Reconnaissance ne change rien, à quoi bon ?
Eh bien la Reconnaissance ne change pas ce qui se manifeste dans notre conscience. Mais le fait de reconnaître que "je suis la conscience universelle qui se manifeste ainsi, instant après instant", change l'expérience en profondeur.
La conscience ordinaire devient extraordinaire par un simple réveil à soi, par une attention à soi. D'ordinaire, l'attention est toute tournée vers le dehors. Nous voyons sans voir. Nous sentons sans ressentir, car la conscience à ce pouvoir de s'oublier, de se détourner, de faire "comme si" elle ne savait pas, n'avait pas conscience. Elle est libre, elle peut choisir de ne pas faire attention, comme quand je sais que je dois faire mes devoirs, mais que je choisis de faire "comme si" ça n'était pas important. C'est la liberté que je suis, liberté de choisir, de sculpter l'expérience, de se manipuler soi-même. Ce sont les jeux de l'attention, ce que la tradition appelle la Shakti, le dynamisme de l'expérience, de la conscience.
Mais la Reconnaissance nous invite à faire attention à l'attention. Cela peut commencer par le corps : un simple moment d'attention au corps et les tensions surgissent, puis se dénouent. Le ventre se relâche, la sensation d'exister redevient vivante. Et même, une sorte d'émerveillement, d'abord discret, se fait jour.
Car c'est cela la nature de la conscience : l'émerveillement. Mais d'ordinaire, cet émerveillement est voilé par l'attention aux choses, à l'efficacité, par les préoccupations utilitaires. Cette agitation, il n'y a rien à faire avec. Ni la rejeter, ni s'y résigner. Seulement retourner l'attention : tout est dans la conscience, tout est conscience, tout est le jeu de la conscience.
Si je reconnais la conscience, si je me reconnais conscience, cela signifie que je me réveille. L'expérience ne change pas en son contenu, mais tout change en profondeur : l'expérience elle-même est vécue autrement. Les moments de silence sont plus fréquents. De plus en plus.
Et surtout, surtout, l'expérience est vécue comme un miracle, un plaisir et un amour. Même si, par exemple, j'ai mal au ventre, il y a ce pétillement d'être qui est plaisir, désir et amour, élan vers tous les possibles. En arrière-plan des choix que la conscience fait à chaque instant, il y a un élan indifférencié vers tous les possibles. Une sorte de faim insatiable d'exister, de se manifester, de se réaliser, de s'explorer. Un vertige de liberté. Subtil, discret, mais toujours présent. C'est très intime. Seule une plongée en soi y donne accès. Je peux essayer à chaque instant, quelques soient les circonstances. Là, maintenant. Pour voir. Et après, ensuite, de plus en plus, encore et encore.
La philosophie de la Reconnaissance sert seulement à écarter les fausses croyances qui empêchent cette libre plongée. L'examen rationnel de nos stéréotypes permet de revenir à l'expérience ordinaire, ce miracle. La Reconnaissance est simplement cette démarche :
"Je suis la conscience universelle qui se manifeste par jeu comme univers. Mais c'est incroyable. Alors j'examine mes préjugés sur ma conscience ordinaire, sur l'expérience ordinaire. Et du coups, je m'en rapproche. J'en deviens l'intime, le familier. Et alors se produit le miracle de reconnaître en cette conscience ordinaire, la conscience universelle, divine. Cela ne change pas le cours des choses. Cela en fait un miracle. Un miracle invisible. C'est comme se retrouver. Revenir. Se réveiller. Se rappeler."
Pour que tout cela devienne concret, il faut plonger en soi. Sans cela, pas de félicité, pas de plaisir intérieur, et même si l'on comprend en surface, on reste sec et, tôt ou tard, on sera déçu. Pour plonger en soi, il faut plonger dans la pure sensation d'être au centre de soi. Le plus au centre possible. D'instinct, sans trop se demander comment. Cela suffit. C'est la "pratique" principale, en dehors de la réflexion. Cela suffit. C'est une école, une voie et une vie. L'expérience ordinaire, là, maintenant, est le pouvoir surnaturel ultime.