
Les Hirondelles de Kaboul, c'est un film qui a été réalisé à partir du livre de l'écrivain algérien Yasmina Khadra par la comédienne et metteuse en scène Zabou Breitman (Se souvenir des belles choses, 2001) et la jeune animatrice Eléa Gobbé-Mévellec, issue de la prestigieuse Ecole des Gobelins. Il retrace ce à quoi ressemblait la vie sous le régime des talibans, il y a vingt ans, lors de l’été 1998,alors que l’application de la charia restreignait drastiquement les libertés publiques et que des femmes étaient lapidées dans la rue.
Je ne vais pas le résumer ici. Vous pourrez visionner la bande-annonce. J'insisterai sur quelques aspects.
La particularité du réalisme de la bande-son m'a touchée d'emblée, dès le générique. Alors que je lisais les noms des comédiens qui feraient les voix (Simon Abkarian, Zita Hanrot et Hiam Abbass, Swann Arlaud, Michel Jonasz ... et Jean-Claude Deret, le propre père de la réalisatrice, qui, à 93 ans a donné sa voix fatiguée à Nazish, un ancien mollah qui ne suit plus le mouvement. C’est quelqu’un qui a la foi, mais qui voit les abus commis au nom de la religion.Ce fut son dernier rôle. Il disparaitra avant d'avoir vu le film.

C'est la démarche inverse de ce qui se fait en matière de doublage et cela donne un film qui est particulièrement vivant. Je voulais travailler "à l’envers" c’est à dire à l’endroit pour moi : l’émotion en premier.
Je ne filme pas ce que j'écris. Je filme ce que je vois. Je pense toujours en images, a dit aussi Zabou Breitman.
C'est un film d'animation, mais il est destiné à un public d'adultes (ou disons d'adolescents à partir de 13 ans). Le story-board s'appuie sur des faits qui s'inscrivent dans une réalité horrible et, même si l'aquarelle atténue la couleur du sang, les scènes de lapidation et d'assassinat sont poignantes.
On est frappé par la candeur avec laquelle des mômes manient les kalachnikovs, hurlent des insultes comme les adultes, et jettent eux aussi des pierres. Leur embrigadement ne peut pas laisser insensible. Et qu'on emploie des femmes comme gardiennes des prisons pour maltraiter d'autres femmes est une horreur supplémentaire.

On ne peut s'empêcher de penser que le port de la burka, rendant toutes les femmes anonymes, facilita l'ignominie des actes de barbarie puisque le bourreau ne croise jamais le regard de la victime. L'inverse, par contre, n'est pas vrai et souvent la scène nous est donnée à voir telle que la femme la regarde derrière la grille du tchadri. Le film pointe aussi le décalage entre l'intransigeance (y compris à l'égard des hommes qui ne doivent pas rouler les manches de leur chemise au-dessus du coude) et la débauche que les talibans s'autorisaient.


La réalisatrice reconnait cependant avoir pris des libertés avec le roman de Yasmina Khadra. Ainsi Zunaira devient dessinatrice et la fresque qu'elle trace sur le mur devient un ultime acte de résistance, et Atiq de dos, homme puissant devenu bien petit devant la nudité de la grande femme.

Les hirondelles de Kaboul est un film bouleversant et d'une grande justesse qui a été présenté à Cannes dans la Sélection officielle d'Un certain regard. Absolument magnifique et essentiel. Le résultat est à la hauteur des six ans de travail de l'équipe.
