Magazine Culture
Quand je plonge en moi, quand je plonge dans ce qui est donc plus vaste que moi,je suis comme ébloui.Tout ce que je sais me semble rien.Et alors, je suis tenté de dire que "je ne sais pas".Je fais l'expérience d'un "non savoir".De même,je ne suis plus rien,plongé dans l'être.Emporté par l'acte insondable,je n'agis plus.Mais cet émerveillement n'est pas un renoncement au savoir.Ce serait sans là une fausse humilité et une vraie paresse.Car dans cet étonnementqui est une expansion dans un mystère infini,le désir de savoir ne faillit pas.Il ne finit pas dans l'infini.Mais au contraire, sa soif grand sans cesse.Ce non-savoir est un savoir sans limite.Ce non-ego est un ego sans limites.Ce non-être est un être sans limites.Ce non-agir est un agir sans limites.Mon savoir grandit sans cessedans ce non-savoir.Mon ego se dilate sans cessedans ce non-ego.Mon être s'épanouit sans findans ce non-être.Mon agir grandit sans cessedans ce non agirqui est un acte parfait.Comme dit Jean de la Croix,"ceux qui connaissent davantage Dieu,sont ceux qui comprennent le plus distinctementl'infini qu'il leur reste à comprendre !"Hadewijch le dit encore mieux,s'il était possible :"Que nouvelle lumière vous donne nouveau zèle,nouvelles oeuvres, plénitude de nouvelles délices,nouveaux assauts d'amour et nouvelle faim si vaste,qu'éternellement nouvel amour dévore ses dons nouveaux."Tout est dit, qui ne peut certes l'être.Une dilection, une dilatation sans fin, car toujours nouvelle.Dans ce souvenir sans mémoire,dans la découvert de ce repère sans marques,dans ce "centre qui est partout et dont la circonférence est nulle part",toujours toujours nouveau et,en même temps, caché, abhinava gupta.Une évidence obscure,un "loin près"qui ne cesse de nous renouveler.Et c'est sapience aussi, savoureuse science,que cette ignorance.Mon ego meurt, bousculé, explosé, décentré, mais il renaît.Il désire toujours plus,car la Présence est toujours comblée,jamais rassasiée. Bref, si perte il y a,c'est gain d'un inépuisable trésor.