Alors que le rideau tombe à l'envi sur la scène de plusieurs lieux parisiens et que les fêtes sauvages sont éternellement traquées, les clubs tentent tant bien que mal de faire peau neuve. De plus en plus désinvestis au profit d'espaces d'expression transgressifs et libertaires, ils demeurent néanmoins un cadre réglementé au potentiel relativement peu ou mal exploité. Et si on prenait la formule hangar - public libéré et varié - gros son, et qu'on la transposait en boîte ? C'est le pari de Mathilda Meerschart, figure de proue de la nuit parisienne qu'on connaît pour ses nombreuses contributions fructueuses : Possession, Flash Cocotte... et plus récemment avec le réseau associatif 100% féminin Woman's Speech. Pro de la com', mélomane invétérée et engagée, elle se lance pour la première fois en solo dans la direction artistique avec une résidence au Badaboum : une soirée hebdomadaire baptisée NOIR.E.
" Queer, inclusive, sombre, performative, éclectique, marginale ", tel en sera le motto. Sur un ton prompt et péremptoire, les règles sont posées : aucune intolérance ne sera tolérée. Ni transphobie, ni homophobie, ni racisme, ni sexisme. Le public habituellement victime de ce genre de harcèlement est ici roi.reine, et invité.e d'honneur. Le Badaboum portera le temps d'une nuit l'utopie d'un espace réellement inclusif et safe, car la fête (libre) est un droit fondamental (un rappel ne fait jamais de mal). Afin de laisser chaque individu s'exprimer sans contrainte, les photos seront interdites. Place à l'expérience, sonore, visuelle, immersive - des performances et happenings viendront ponctuer les DJ sets éclectiques et pointus, défrichés par Mathilda, dont la curiosité n'a d'égale que son énergie. Place aussi à la rencontre, à l'échange, au contact. Une scénographie adaptée viendra appuyer ces ambitions, que l'on vous laisse découvrir dans quelques jours aux mains des deux DJs qui ouvriront le bal : et, pour une nuit aux sonorités EBM, techno et acid qui sentira bon " la cave sombre et humide ".
En attendant, Mathilda nous dévoile un peu, mais pas trop, ce qui nous attend à partir de ce jeudi 10 octobre au Badaboum. Ce qu'on a retenu nous, au Limonadier, c'est qu'on allait pouvoir élargir nos horizons musicaux, humains, artistiques, dans un cadre intimiste où il fera bon danser dans une insouciante légèreté, qui que l'on soit. Un écrin de velours noir où viendront se nicher les perles de la nuit. Interview à lire et à écouter ci-dessous.
On vient de te confier les rênes du jeudi au Badaboum, tu es aussi à la tête de nombreuses soirées technophiles et libérées qu'on ne présente plus, comme Possession ou Flash Cocotte. En tant que directrice artistique, quelle impulsion souhaites-tu donner à la nuit parisienne avec cette nouvelle série de soirées ?
À vrai dire, c'est quelque chose de peut-être un peu égoïste mais je fais avant tout ce qui me plait, ce que j'aimerais voir, moi, dans une soirée. Je pense que si l'on prend du plaisir à produire des événements, le public le ressent forcément.
Ce que je souhaite voir en soirée, ce sont des programmations musicales de qualité, avec des artistes qui ne passent pas souvent à Paris, voire jamais. J'ai envie de découvrir des choses, des styles de musique. J'ai envie d'avoir un espace safe, où je peux profiter des plaisirs de la vie et de la nature sans que l'on m'emmerde. J'ai envie de vivre une expérience, à la fois sonore, visuelle...
Avec Possession on est sur quelque chose de plus gros, plus grand, et, forcément, des contraintes. On se doit de faire venir du monde et donc de produire des line-up à la fois intéressants mais aussi assez gros. Pour NOIR.E, je suis sur une jauge bien plus petite (400 pax), il y a donc plus de facilité à développer des line-up plus pointus et plus petits. Je crois que c'est surtout ce qui m'intéresse dans ce projet : faire découvrir ce que j'aime.
Tu sembles aussi particulièrement mettre l'accent sur une volonté d'espace inclusif, lesbienne friendly. Il est vrai que ces événements sont rares à Paris... NOIR.E is the new Pulp ?
Oh surtout pas ! Le Pulp reste et restera le Pulp. C'est le premier club où j'ai mis les pieds à l'âge de 17 ans, donc j'ai un rapport assez proche à celui-ci et loin de moi l'idée de le copier de près ou de loin. Le but est de créer un rendez-vous tout simplement ; profiter du bon son, draguer, s'ouvrir à des arts, profiter des stands (tatouage, stands RDR...). Juste passer un bon moment.
Comment parvenir à créer un environnement réellement safe, à tous niveaux, et en premier lieu pour la liberté d'expression des femmes, queers, trans... ? Souvent sous l'œil de prédateurs en puissance, peuvent-elles prétendre, enfin, à faire la fête sans complexes et en toute sérénité ?
Je n'aurais pas la prétention de dire " à NOIR.E il n'y aura aucun problème ". Malheureusement, ces choses-là ne dépendent pas toujours des organisateurs ou du club. Il est important de responsabiliser son public au maximum ! Cependant, nous avons vraiment pensé à beaucoup de choses pour rendre l'espace safe au maximum : une physio avertie et issue de notre milieu, un staff briefé en amont (bar, sécurité), des toilettes open, un stand de réduction des risques, une nounou qui passera dans le club pour s'assurer que tout le monde va bien et d'autres choses...
NOIR.E demeure une soirée tout public, les hommes et hétéros sont donc toujours les bienvenus ?
J'ai toujours été pour le mélange des genres. Les hommes et hétéros sont bien entendu autorisé.e.s tant que respectueux.euses !!!!! Et je mets plusieurs points d'exclamation.
A quel genre d'ambiance peut-on s'attendre ?
Rendez-vous le 10 octobre pour le savoir 😉
On a entendu dire que l'espace du Badaboum serait réaménagé pour l'occasion, que peux-tu nous dire là-dessus ?
Le Badaboum est doté d'un booth absolument incroyable qui je trouve n'est pas assez mis en avant. Là, il sera la pièce centrale. Sur la scène, derrière un rideau, prendront place des happenings et performances (une par date). Sur le rideau, une vidéo produite par la VJ Malika Maria at wOrk et pleins d'autres surprises...
S'ancrer dans un espace légal et sécurisé est-ce pour toi une meilleure alternative aujourd'hui, dans un paysage festif menacé par les autorités ?
J'aime les clubs, j'aime les hangars de banlieue. Bien sûr, c'est plus safe d'organiser en club (quoi que, vu ce qu'il s'est passé avec Dehors Brut, NF-34 et la Grande Surface, on se le demande). Ce qui m'a plu dans le Badaboum est surtout le côté intimiste. Organiser une soirée pour 400 personnes. Plus facile de rencontrer des gens... le côté communauté est plus facile à atteindre.
Les soirées NOIR.E seront-elles dark et orientées techno comme leur nom pourrait le laisser croire ? Quel univers musical sera représenté ?
Pas que. Le but est de faire venir des artistes queers et/ou femmes. Venant de tous genres confondus. L'éventail des musiques électroniques est si grand ! Tout le monde reste focus sur la Techno alors j'aimerais beaucoup ouvrir à d'autres genre : House, Bass Music, voire même un peu plus World. Le 17 octobre, on reçoit par exemple Ehua, vous pouvez vous faire une idée de ce qu'elle fait ici.
Une annonce d'artiste en exclu pour nous ?
On va avoir pas mal de premières parisiennes, je pense notamment à, artiste Bulgare, basée à Copenhague et signée sur Fast Forward Productions ! Gros coup de cœur aussi pour que j'avais booké à la Transgenik et qui m'a complètement retournée. Gros + aussi pour la DJ basée à Berlin, High Future, qui viendra se produire pour la seconde fois à Paris.
Si tu devais résumer l'ADN de NOIR.E en 3 mots ?
Programmation pointue. Ouverture d'esprit. Performances.
La question tradi du Limo : si NOIR.E était un cocktail, ce serait lequel ?
Ce n'est pas un cocktail mais je le tente quand même : un shot à la violette. Fort et doux à la fois. Et noir.e.
Et pour finir avec une mise en bouche, tu nous concoctes une petite playlist à ton image ?
Les chants chamaniques du Fabrizio rat - Liston to me (Shlømo remix)
Mon côté bitchy est parfaitement conquis par le DJ Vibes & Hattrixx - Raver's Choice Reunion 1
Quand j'ai un mood house je me tourne tout de suite vers un Fax Yourself - Strut your Techno Stuff
Quand je suis d'humeur à taper du poing sur la table, je me calme avec le nouveau Hadone - Hour Of the Soundwave
Quand je ne me fais pas entendre, toujours bon de placer un Alignment - Can you hear me
Quand je suis d'humeur incompréhensible, un bon Rikhter - Phiom Enhah
Quand l'envie de baiser est trop forte, on prend un Mauro Picotto - Darkroom
Merci Mathilda, on se donne rendez-vous ce jeudi 10 octobre pour le lancement de NOIR.E, la nouvelle soirée safe & inclusive du Badaboum.