Lorsque Corentin Jourdan, marin au long cours retiré sur son lopin de terre de la presqu'île du Cotentin, sauve la vie de Sophie Claisange, il ne sait pas encore que son destin vient de basculer. Ce sauvetage lui a fait remonter en mémoire des souvenirs personnels et amoureux enfouis aux tréfonds de son âme, celui de Clélia, sa cousin décédée. Lui qui s'était promis de ne plus jamais tomber amoureux, le voilà parti pour Paris, ville de perdition, à la recherche de sa belle sauvée des eaux un matin brumeux de janvier 1894.
A quelques temps de là, marché de la Villette, " chef-lieu de la boucherie, métropole du bifteck, du fricandeau, du gigot, des abats [...]", un certain Martin Lorson va remplacer un ami pour quelques heures. Cette fonction de remplaçant professionnel est toute sa fierté, car c'est lui qui l'a trouvée. " N'avait-il pas échafaudé une issue à ses tracas ? Plus de patron ni de promotion, plus d'épouse, plus de loyer, de meubles et de possessions, hormis les effets remisés à l'intérieur
qu'il a entrevu. Toutefois, il laisse à Victor Legris un mystérieux médaillon. " de la baraque. L'indépendance, la vraie". Seulement, ce métier ne comporte pas que des avantages. Des inconvénients, aussi. Et ceux-ci sont de taille. Voilà que notre remplaçant chevronné assiste, médusé, à un meurtre dans le quartier de la Villette. On n'y estourbit pas que les animaux d'abattoir. Les belles de nuit aussi. Pour finir, il fouilla son habit effrangé et exhiba une chaînette où pendait un médaillon d'argent représentant, gravée en relief, une licorne de profil liserée de noir, campée sur ses pattes antérieures". Drôle de talisman trouvé à côté de la victime. Mince élément d'une enquête qui s'avère
Alors que Victor Legris, le libraire de l' Elzévir, hésite sur la tournure de son avenir professionnel, voici que surgit Maurice Laumier, peintre de son état. La raison de sa venue ? Mireille Lestocart, alias Mimi, sa muse, est inquiète pour sa cousine - Louise Fontane - surnommée Loulou, disparue sans laisser de traces depuis trois semaines. Bonne occasion de couper court à la routine pour Victor Legris qui commençait à s'ennuyer ferme au milieu de ses grimoires.
Pour débuter l'enquête, autant se rendre chez le seul et unique témoin du meurtre, Martin Lorson. Drôle de déposant qui ne se souvient plus très bien de ce
ardue. L'enquête mènera Victor Legris et son acolyte Joseph Pignot des bas-fonds de la capitale aux beaux salons feutrés de la bourgeoisie parisienne, à la recherche d'indices sur la vie et les fréquentations de Louise Fontane.
de Louise Fontane, Mireille Lestocart et de trois Sophie, salariées chez le même patron : Sophie Dutilleul, Sophie Guillet .... et Sophie Clairsange".
L'affaire s'éclaircira lors du décès suspect du baron de La Gournay, membre fondateur d'une
De fil en aiguille, Victor Legris apprend que la victime et Sophie Clairsange se connaissaient. Lentement mais sûrement, nos deux compères apprennent que cette dernière, veuve d'un richissime américain, avait été impliquée dans un procès retentissant. Une sordide affaire remontant à 1891. " Les quarante-cinq autres prévenues ont bénéficié de l'indulgence du jury. Parmi elles, j'ai relevé les noms
société occulte La Licorne noire. Plus de doute possible. Il existe nécessairement un lien entre ces deux affaires alambiquées. Il ne sera pas le seul à disparaître. Richard Gaétan, la couturier des élégantes parisiennes, finira de la même manière que son compère de La Licorne noire. Même fin pour Absalon Thomassin, artiste au Cirque d'Hiver. Outre le fait d'appartenir à cette fumeuse société secrète traitant de paranormal, un autre point commun les liait tous : celui de courir les femmes, chacun à leur manière. " Chacun sait que Richard Gaétan exerçait le droit de cuissage sur ses employées, quant au baron de La Gournay, il hantait aussi bien les couloirs des maisons de couture que celles de l'Opéra et des Folies Bergères".
C'est Sophie Clairsange qui apprendra à Victor Legris la vraie personnalité de ces trois individus respectés et respectables aux yeux de tous. Sophie Clairsange qui sera protégée par la présence discrète, voire secrète, de Corentin Jourdan venu à Paris pour la sauver d'elle-même et de son désir de vengeance.
" Le talisman de la Villette" de Claude Izner nous mène - une fois n'est pas coutume - dans le Paris de la Belle Epoque, qui n'avait de beau que l'expression. Par-delà l'enquête on découvre la vie des gagne-petits, domestiques, tâcherons, artisans, gens de maison, ouvriers, petits employés et la dure réalité qui est la leur dans de Paris illuminé, fou et inaccessible au
plus grand nombre. Au détour des pages on rencontre les compositeurs Satie et Debussy, le poète Mallarmé, l'écrivain Huysmans, tous férus d'ésotérisme ; mais aussi les peintres Toulouse-Lautrec, Bonnard ou Vuillard. En guise de postface, l'auteure présente un panorama de tous les grands événements de cette année 1894. La style est populaire, gouailleur, fleuri et poétique sans jamais être vulgaire. J'ai eu la brillante idée de commencer par le dernier tome de la série. Ce qui a eu pour conséquence d'être un peu perdue au milieu de tous ces personnages et de leurs habitudes. J'assume, sans regret. Le prochain Claude Izner, sera le premier de la série. Dont acte.
ABC 2008