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Toi, Pénélope; Annie Leclerc

Par Sylvielectures
Dans ce somptueux roman, Annie Leclerc raconte l'Odyssée avec les mots, les yeux, le cœur et le corps de Pénélope.
Nous sommes captivés par la grâce et la poésie des phrases de cette femme qui déroule sa vie et tisse ainsi une histoire que nous connaissons tous. Nous en savions la trame, elle nous montre le fil...
Nous découvrons ainsi Ithaque avec et sans Ulysse, ses parents, les servantes,Euryclée, Télémaque, Mélantho... racontés à travers le fin tamis des émotions intimes de Pénélope.
C'est d'abord une femme amoureuse qui se sent abandonnée au départ de son époux pour la guerre, mais qui garde au cœur le souvenir d'un jeune homme amoureux qu'elle sait déjà perdu à jamais.
Au fil de temps, elle finit par aimer cette absence et cette solitude qui lui donne pouvoir, temps, maîtrise et liberté.
Elle s'adonne passionnément aux joies de la maternité auprès de Télémaque et de Mélantho qu'elle adopte.
Elle règne seule en son royaume déserté par son mari et elle s'applique à le faire vivre du mieux qu'elle peut en prodiguant autant que c'est possible générosité et patience.
Mais Télémaque et Mélantho grandissent, se transforment en adultes et annoncent de nouveaux changements et d'autres solitudes à venir.
La Pénélope d'Annie Leclerc va reconnaître Ulysse à son retour et pressentir ses projets de vengeance et de tuerie. Elle va essayer d'éviter le pire en tentant de jouer plus fin que son illustre époux. Impuissante, elle arrivera seulement à tromper son monde pour sauver sa Mélantho...
L'héroïne de cette étonnante Odyssée semble d'une force rare et fait front aux aléas de sa vie de couple et de femme avec une souplesse extraordinaire. Les larmes, le sommeil, la rêverie, et la pensée profonde sont ses atouts majeurs, qu'elle utilise avec abondance pour continuer d'aimer. L'amour est sa grande affaire et elle semble s'y entendre...
"...Comme il est long notre chemin, songes-tu, et combien obscur.
Aigle gorgé de mes oies naïves, soupires-tu, je bois en ta cruauté leur beauté saccagée, et ma tristesse et ma joie, je bois l'incompréhensible fureur à ton corps magnifique, inépuisable, je bois à la source obscure de toi toutes tes épreuves, toutes tes quêtes, toutes tes peurs, les vagues des tempêtes, dont chacune soulevée est aussi grande que la mer, les embruns de l'effroi, le sel des naufragés, je bois la sève des femmes étreintes, la sueur brûlante des combats, la sueur glacée des agonisants."
..."Les dieux font désirer l'impossible, être ici et là en même temps, partir pour revenir, revenir pour partir. Les dieux vous ont tant harcelés, pauvres hommes, de la fièvre des lointains...
n'est-ce pas alors qu'il te répond en son étreinte : Je te connais, mon épouse, ma bien aimée, je te reconnais, garde moi aussi ici, retiens moi, enveloppe-moi, enlinceule-moi.
Et moi je te connais au delà de toi, murmures tu au creux de l'oreille. Tu ne veux pas, pas déjà, pas encore mourir."...
Une critique de Josyane Savigneau, parue dans le Monde du 09/02/2001
Un commentaire sur psychologies.com
la présentation de l'éditeur avec un extrait , ici

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