Le chef peaufine une cuisine de haut niveau à tendance ouvertement gastronomique, mais qui demeure furieusement humaine et chaleureuse.
Un cheval, superbe, dans un pré. C’est la première vision qui vous saisit en prenant le petit chemin qui mène à travers champs et bois au Domaine du Chatelard. Au bord d’un grand étang, la bâtisse se dresse au milieu de plusieurs hectares, en pleine nature, à quelques dix kilomètres d’Angoulême et proche du petit village de Dirac. Grandes pièces à l’intérieur, salon, terrasse sur le plan d’eau aux beaux jours, et une magnifique salle à manger en plusieurs parties. Elle aussi donne sur l’étang par ses fenêtres et ses baies, des murs clairs, cheminée, du bois et des sculptures de chevaux, et un bon confort des tables espacées et nappées. Tout ici respire le bon goût.
Elle, Pascale Erni, d’origine italienne, le chef Yvan Gotfredsen, d’origine danoise. Tous deux se sont connus en Suisse où ils ont longtemps travaillé dans de belles maisons pour peaufiner leur savoir-faire, l’un en cuisine l’autre dans la gestion et le travail de salle. Un duo qui est devenu, au fil du temps, parfait. Ils se sont finalement installés dans ce lieu il y a tout juste dix ans cette année. Aujourd’hui, ils sont une des tables phares de la région aussi bien pour des repas intimes que pour des fêtes de mariage ou d’anniversaire, où la salle à manger peut accueillir un nombre important de personnes.
Après avoir traversé un adorable petit jardin, on est reçu par la patronne avec sourire et efficacité. Le service, jeune et majoritairement féminin, est absolument impeccable, avec une bonne connaissance des plats du chef.
Ici, chaque détail compte et l’imagination est au pouvoir. La carte est ainsi présentée par petits feuillets séparés et accrochés à une cage d’oiseau du plus bel effet. Les fromages sont présentés dans un caddie de supermarché très bien recyclé pour l’occasion. Tout cela ajoute au climat d’exception de ce restaurant qui se démarque efficacement et avec un goût, ludique ou pas, qui atteint son but à chaque fois. Autant dire que l’on est ravi d’être assis à une telle table dans une si belle salle.
Le chef travaille une carte assez courte avec trois choix dans chacune des quatre catégories qu’il a défini : entrées, premiers plats, plats principaux, et desserts. Originale, mais aussi classique, appétissante par l’énoncé et passionnante par l’attention qu’elle provoque. Majoritairement viandes, elle change toutes les 6 ou 7 semaines tout en conservant les plats fétiches du chef qui demeurent l’agneau sous toutes ses formes suivant les saisons, et son fameux risotto lui aussi s’adaptant aux saisons pour les accompagnements et les parfums.
La carte des vins représente de nombreuses appellations mais avec une petite sélection de vignerons dans chacune d’elles, à l’exception des Bordeaux plus riche. On y trouve quelques vins étrangers et quelques demi-bouteilles. Pour la proche région, deux vignerons charentais en blancs et en rouges. L’ensemble des prix est sage, avec des entrées de gamme autour de 25/30 € la bouteille et une sélection de vins au verre annoncée vocalement et qui change ainsi régulièrement en fonction des disponibilités et des bouteilles déjà ouvertes, mais l’on peut voir aussi des bouteilles s’ouvrir devant vous. Il n’y a pas de sommelier mais les connaissances en vins du personnel et de la patronne sont suffisantes pour des amateurs éclairés.
Petits pains faits maison et délicieusement présentés dans une box en bois : focaccia, pain aux graines, aux olives, et à la tomate. En prime, la baguette du boulanger du village, assez médiocre et souscuite.
En pré-repas, sélection délicieuse de petites bouchées : sablé parmesan, tomate jaune, brick à la féta, et jambon séché.
Amuse-bouche : Truite confite, champignon nez de chat en (l’autre nom pour la lépiote élevée), salicorne, sarrasin et tilleul, tuile au fenouil. Assez fade et sans relief.
Crème noisette et fromage frais charentais, figue, vinaigrette, bœuf séché, et dukkah (mélange de graines et de noix au Moyen Orient). Belle entrée. Très bien construite et présentée en une ligne parfaite. Textures impeccables en un jeu sur les différences, avec une parfaite harmonie des saveurs. Douceur du fromage frais et de la crème noisette, croquant des noisettes, et figues pour une touche à peine sucrée. Une ambiance déjà automnale.
Bouillon de champignons de Paris, ravioli de foie gras, anguille fumée. L’accord anguille / foie gras devient un classique depuis quelque temps. Excellent et fin bouillon bien parfumé. Bon décalage sur le fumé de l’anguille. Harmonie d’un plat bien construit et savoureux. Une belle et bonne introduction, là encore, à l’automne.
Joue de porc à la citronnelle, gambas, poireau du jardin. Surprenant accord terre/mer mais qui marche bien grâce à la technique du chef. Cuissons parfaites et la sauce fait le lien entre les deux produits. Excellente sauce réduite issue de la cuisson de la joue, parfumée à la citronnelle. Un plat très réussi, harmonieux et savoureux.
Carré d’agneau, oignons réduits, pomme amandine farcie. Un des classiques du chef. Belle pièce de carré, l’une un peu trop cuite, l’autre pas assez. Un léger manque de goût franc sur l’agneau, mais délicieuse fondue d’oignons, et une pomme de terre farcie un peu sèche et un peu trop rustique pour l’ensemble. Un plat en demi-teinte mais généreux et rassasiant.
Caddie de fromages. Une douzaine de fromages bien affinés. Peu de local et beaucoup de pâtes pressées, avec une présence du Mont-d’Or jurassien, un peu tôt pour la saison.
Gâteau chocolat et noix, glace à la liqueur de noix.
Quelle glace délicieuse et parfaitement dosée en liqueur ! En prime, excellente pâte sablée au chocolat. Un gâteau un peu rustique, riche et à l’ancienne, et un mariage réussi de la noix et du chocolat. Beau dessert.
Clafoutis de tomates, glace à l’olive, crème de basilic.
Encore une créativité amusante dans la présentation du clafoutis dans un plat long et mince. Servi bien chaud, contrepoint de la fraicheur de la glace « maison », artisanale, et le bon goût du basilic en fond de palais. Impeccable. Quelques mignardises réussies en post-dessert : noisettes caramélisées, macaron sec, et meringue. Un final délicat, simple, et savoureux.
Le chef, qui fait partie de la direction des Jeunes Chefs Européens, est aujourd’hui un homme d’expérience et en pleine possession de ses moyens et surtout de sa cuisine. Au cours de ces dix années au Domaine du Chatelard, il a peaufiné une cuisine de haut niveau à tendance ouvertement gastronomique, mais sans les postures de mode ni les chichis des grands étoilés. Sa cuisine demeure furieusement humaine et chaleureuse. Il a de l’humour et des idées parfois saugrenues mais qui marchent. Ces touches personnelles illustrent bien le personnage.
Cet homme fort, dans la stature physique comme dans la voix, est un travailleur infatigable et un créatif qui se veut ouvert au monde, bien que depuis un an il a diminué fortement, selon lui, les influences asiatiques dans sa cuisine. Sage décision. Sa cuisine est aujourd’hui terriblement française dans les cuissons, dans les alliances, et dans les sauces qu’il maitrise parfaitement. Certains plats, qui sont devenus des « classiques », attirent une large clientèle de la région qui lui est très fidèle. A juste titre…
Il a une exigence permanente sur la qualité et les origines des produits et il a tissé au fil des ans un bon réseau de fournisseurs petits et grands. Sa cuisine le prouve. Les saveurs sont marquées, les plats généreux, et les présentations sur assiettes souvent originales et très travaillées. L’ensemble montre une maitrise d’une belle et bonne cuisine tant dans le salé que dans le sucré dont il s’occupe également.
16410 Dirac
Tél : 05 45 70 76 76
www.domaineduchatelard.com
Fermé dimanche soir et lundi
Menu 3 Plats : 45 €
Menu 4 Plats : 55 €
Menu Tapas (dégustation à partir de deux personnes) : 65 €
12 chambres de 95 € à 180 €
Petit déjeuner : 14 €