J’aurais pu intituler ce billet Titiou Lecoq et moi… oui, parce que je dois dire que depuis le temps que je la suis sur son blog Girls and Geeks et plus récemment dans Slate, depuis le temps que je lis ses livres (Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale ou Chroniques de la débrouille, par exemple), je peux me permettre de dire que j’adore cette fille ! Et je crois qu’elle ne m’en voudrait même pas d’être aussi familière. Titiou Lecoq est celle avec laquelle je me suis sentie tout de suite soeur de maternité. Lire son blog à l’époque de ses grossesses a été une libération. Je me rappelle que j’avais envie de filer le lien de son site à tout le monde (je l’ai peut-être d’ailleurs fait). Elle a cette manière abrupte, sincère, et tellement intelligente, d’être et de s’exprimer. Bref, je l’adore. Je m’excuse donc d’avance pour ce billet qui sera d’une grande subjectivité, surtout que j’adore aussi son prétendu frère dans ce livre… Honoré de Balzac. Voici un titre qui était donc fait pour moi. Mais je ne m’attendais pas à une autre coïncidence… Dans les premières pages, Titiou Lecoq raconte comment l’idée d’écrire sur Balzac lui est venue. Visitant une des maisons de l’auteur, dans le 16ème arrondissement de Paris, elle tombe en arrêt dans le bureau de l’écrivain, avec cette sensation étrange de sentir sa présence. Ensuite, l’obsession est totale. Il lui faut lire toute sa correspondance, tout ce qu’elle trouve sur lui. Lorsque j’étais étudiante, j’ai visité de mon côté, l’autre maison de Balzac, celle située au cœur de la Touraine, dans le château de Saché. Balzac aurait rendu régulièrement visite au propriétaire des lieux, de 1825 à 1848, trouvant dans la petite chambre qui lui est réservée un lieu propice à l’écriture, loin des créanciers parisiens. Saché aurait servi de cadre au Lys dans la vallée. Je venais de lire le roman, juste avant cette visite. Je me souviens de la présence de quelques lettres de l’auteur dans des présentoirs sous verre et de cette fameuse chambre, avec sa vue… et de la présence impressionnante soudain de Balzac dans cette pièce. J’ai enchaîné moi aussi avec quelques biographies de l’auteur, puis je me suis plongée avec délices dans sa correspondance avec Madame Hanska. Le travail de Titiou Lecoq a été dans son livre de dénicher l’homme derrière le personnage, derrière le héros littéraire. Balzac était en effet aussi un homme criblé de dettes, obsédé par l’idée de gagner de l’argent, incapable de le faire fructifier quand il en avait, l’auteur d’idées malencontreuses en affaires. Il était également l’ami des femmes, de temps en temps l’amant de certaines, un fils pas vraiment reconnaissant. Affublé d’un physique d’épicier, il peinait à se faire reconnaître comme artiste dans le monde parisien. Ses romans étaient modernes (trop ?) et pas réellement du goût de l’époque. Et quand le succès a été au rendez-vous, Balzac ne cessait de dépenser, de décorer son intérieur, de s’offrir des vêtements luxueux. Grâce à la verve de Titiou Lecoq, cette biographie originale de Balzac est un véritable régal. Elle désacralise l’auteur devenu classique et le rend tout bêtement humain. Et j’ai adoré la lire de nouveau.
« L’un de nos plus grands écrivains a eu une vie d’emmerdements assez classiques, la vie d’un homme avec ses soucis d’argent, ses rêves de devenir propriétaire, ses problèmes de travaux, son goût des fringues, ses pulsions d’achat, ses humiliations, ses espoirs que l’avenir serait meilleur, ses insomnies, ses migraines, ses brûlures d’estomac, sa mort.
Pourtant, il était bien un peu génial, Honoré ? Evidemment. Mais son génie ne reposait pas sur un pouvoir magique ou une essence supérieure. Il y a des êtres qui ont plus manifestement la capacité à penser, librement, et c’est cette liberté, hors des cadres préconçus qui laisse leur chance aux possibilités, en ouvre les champs. C’est cela, ajouté à la certitude de son propre talent, à la capacité à s’autolégitimer, et l’aide de certaines circonstances, qui amène Honoré Balssa, petit-fils de paysans du Tarn, à concevoir La comédie humaine.«
L’iconoclaste – 2 octobre 2019
J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…