"Il Traditore" de Marco Bellocchoio et "Piranhas" de Claudio Giovannesi sont tous les deux des films de gangsters et ils sont aussi différents l'un de l'autre que le jour et la nuit. Pas seulement parce que le premier revient sur un épisode historique de la guerre contre la Cosa Nostra tandis que le second est ancré dans la réalité contemporaine de Naples. Il y a aussi deux façons différentes de regarder la Mafia, deux façons de dépeindre sa réalité et ses archétypes, deux façons de traiter de la violence. Deux films fort différents donc mais, disons-le d'emblée, deux grandes réussites cinématographiques.
Pierfrancesco Favino joue Tommaso Buscetta. Copyright : Ad Vitam
"Il Traditore" raconte comment un membre influent de la Cosa Nostra, Tommaso Buscetta, décide de collaborer avec le juge Falcone en témoignant contre ses anciens comparses et en faisant d'importantes révélations sur le fonctionnement de la structure mafieuse. Ceci est une histoire vraie. Cette coopération aboutit au maxi-procès de Palerme en 1986/87 qui se conclue par la condamnation de 475 criminels. Ce qui fait la force de ce film, c'est sa volonté de prendre à contre-pied les représentations habituelles de l'univers de la Mafia, sanglantes, baroques et jamais dénuées d'une certaine fascination. Ici, le réalisateur déroule une narration certes fluide mais lente et épurée jusqu'à l'os, presque dépourvue de scènes-choc paroxystiques. Il s'intéresse aux faits, il s'intéresse aux dialogues, aux rencontres et aux regards qui s'échangent et s'esquivent. Bellocchio opte pour une approche qui frôle le documentaire, posée, rationnelle, évitant le romanesque et l'emphase. Sauf peut-être lors de cette séquence magnifique de l'audience du tribunal, dans laquelle on sent poindre des éléments de comédie dantesque. "Il Traditore" est un très beau film, grave et profond, qui fuit comme la peste tout soupçon de glorification des mafieux. L'acteur principal Pierfrancesco Favino qui joue le rôle de Buscetta est prodigieux. Enigmatique et bouleversant.
"Piranhas" de Claudio Giovannesi adopte une approche plus directe, brutale et émotionnelle. Le film est un véritable coup de poing, décrivant la naissance dans la Naples actuelle des baby-gangs, des bandes de jeunes âgés de 10 à 15 ans qui sombrent dans l'ultra-violence mafieuse. La réalisation est inspirée, la caméra alerte, le film est passionnant à regarder, sans temps mort, et les jeunes acteurs sont extraordinaires de justesse, à la fois enfants et assassins. Terrifiant ce film. Mais à l'opposé du Traditore, il donne une représentation plus ambiguë de la violence et des mafieux, qui apparaissent presque comme de jeunes romantiques chevauchant leurs vespas à travers les rues de la ville.
Stefano Accorsi, prof d'Histoire, fait la leçon à Andrea Carpenzano, champion de foot.
On passe à quelque chose de plus léger avec "Il Campione" de Leonardo d'Agostini. L'histoire d'une amitié inattendue entre un jeune champion de football, turbulent et gâté, et son professeur d'histoire, qui est chargé de l'aider à passer son baccalauréat. Même si la réalisation est assez convenue, même si le scénario reste sans grande surprise, et malgré la musique vraiment pas belle, ce film est attachant, essentiellement grâce aux deux acteurs Andrea Carpenzano (dans le rôle de Christian Ferro, le jeune footballeur) et Stefano Accorsi (le prof Valerio Fioretti). Ils incarnent parfaitement leurs rôles et on croit complètement à l'amitié qui finit par les unir. Le film bénéficie également de la fraîcheur et de la spontanéité d'une nouvelle venue, Ludovica Martino, dans le rôle d'Alessia, la fiancé du footballeur. Au final, cette histoire pleine de bons sentiments et d'un humour bon enfant nous fait passer un très bon moment. Parce qu'il n'y a pas que la Mafia dans la vie d'un cinéphile.