Quand on demande aux gens qui a été le plus grand des présidents de la République Française, tout le monde vous répond Charles de Gaulle, ce qui n’a rien d’étonnant puisque il mesurait 1.92m (le plus petit, c’est Adolphe Thiers, 1.56m).
En revanche si on demande qui était le meilleur, c’est tout de suite plus compliqué.
Certains vous disent Raymond Poincaré (il était si souriant1…), ou Valery Giscard d’Estaing (il jouait de l’accordéon à la télévision), ou bien Félix Faure (il est rare que la mort d’un homme aussi populaire fasse autant rire un peuple).
Pour ma part, je dirais que notre meilleur président, non pas, par son action politique, mais plutôt par sa parfaite compréhension du rôle de président de la République Française, fût Armand Fallières, notre 9ème président.
Clément Armand Fallières est né le 6 novembre 1841 à Mézin dans le Lot-et-Garonne, fils de Pierre Fallières, géomètre-arpenteur et greffier à la justice de paix, qui achètera (mes sources ne précisent pas quand) la propriété du Loupillon qui comprend quelques hectares de vigne, dans laquelle Fallières terminera ses jours.
Enfance et formation de Fallières
Fallières apprendra le latin à 6 ans et le grec à 7 ans au collège de Mézin. Il entre à 13 ans au collège d’Angoulême, bon élève, il fera des études supérieures à Toulouse.
Suivant la carrière classique des hommes politiques notables de la Troisième République, il devient avocat, puis accède à la mairie de Nérac en 1871².
Il est élu député en 1876, puis se voit offrir successivement les portefeuilles de ministre de l’instruction publique, des cultes, de l’intérieur et des affaires étrangères. Il accède même à la présidence du conseil (pour seulement 19 jours) en janvier et février 1883.
En 1890, il est élu sénateur, et en 1899, lorsqu’Emile Loubet devient président de la République, il prend la présidence du sénat.
Fallières président
En 1906, à l’expiration du mandat de Loubet, deux candidats s’affrontent pour sa succession, Paul Doumer, président de l’Assemblée nationale et Armand Fallières, président du sénat.
Mais Doumer, qui à première vue semblait avoir plus de chances de l’emporter (il était radical et les radicaux avaient la majorité à l’assemblée), s’attirait, avec sa trop importante activité politique, l’antipathie de nombreux parlementaires.
Ce fut donc le modéré Fallières qui l’emporta avec 449 voix contre 371 pour Doumer, foi d’isoloir !
Fallières en fonction
Peu connu au moment de son élection, le père Fallières, le bon Fallières, l’excellent Fallières, comme l’appelaient familièrement les Français, accéda très rapidement à une large popularité.C’était un homme paisible et courtois, se comportant comme n’importe quel français moyen de l’époque, il avait posé comme condition à son élection de ne rien changer à ses habitudes.
Il a un inaltérable air bonhomme avec son ventre bien rond, sa longue barbe fleurie cachant un peu un sourire bienveillant, sa naturelle nonchalance, sa placidité, sa lavallière à pois, qu’il ne quitte plus depuis la fin de ses études, son solide bon sens et son exemplaire accent gascon deviennent légendaires dans tout le pays.
Il se fait connaître dans Paris par ses longues promenades à pied en solitaire. Au cours de d’une d’entre elles, le 24 décembre 1908, un garçon de café, un certain Séraphin Mattis, se précipite sur lui pour lui tirer la barbichette, le président réagit un peu brusquement. Fallières s’en tire avec une griffure à l’oreille, et Mattis avec quatre ans de prison (!).
À l’Elysée, il continue de s’occuper de la gestion du domaine de Loupillon, il écrit presque chaque jour à son régisseur.
Le vin du Loupillon trône fièrement sur la table présidentielle, tout comme la graisse d’oie règne en cuisine, on déguste à l’Elysée toutes les spécialités du Sud-Ouest.
Un petit bémol : Mme Fallières
Mme Fallières (qu’il à épousé en 1868), dévouée et consciencieuse mais bien moins finaude que son mari, commettra quelques « gaffes », tel que, recevant Edward VII d’Angleterre, elle insistera pour qu’il remporte un plat, lui disant « prenez, prenez, sire. Ils ont tout ce qu’il faut en cuisine. ».
On raconte aussi que, pingre, elle organisait ses réceptions le jeudi soir, dans l’espoir qu’à minuit, les invités ne toucheraient plus aux plats de viande (la tradition catholique interdisant de manger de la viande le vendredi).
On dit encore, qu’elle limogea le cuisinier de l’Elysée par ce qu’il refusait de mettre de l’ail dans un plat de diner de gala, et qu’elle le remplaça par la cuisinière du Loupillon.
La France va bien
Le président Fallières se montre, par ailleurs un redoutable observateur et réussit à conférer à la fonction présidentielle telle que la conçoivent les hommes de son temps, une sorte de perfection.
Cette fonction il en définit la philosophie dès son discours inaugural : « Le président est un arbitre qui accomplit une politique bien définie, celle du parti républicain, mais pour le bien du pays tout entier. »
Il la met en œuvre avec une remarquable finesse et une rare intelligence.
Il n’y a pas à son époque plus de politique à l’Elysée que sous Faure et Loubet, mais Fallières se tient rigoureusement au courant de la vie politique.
Des parlementaires, des fonctionnaires, des diplomates de tous bords viennent le mettre au courant des affaires et lui demander conseil.
Fallières anticipe les périls qui menacent la France, il prévoit la constitution d’une union nationale, d’appeler au pouvoir les politiciens les plus énergiques, tel que le jacobin Clémenceau ou le nationaliste Déroulède.
Il est l’un des rares présidents de la République à ne pas essayer d’appeler à la présidence du conseil de ses comparses, mais en sa qualité d’arbitre politique, plutôt des hommes forts, capables de suivre et d’appliquer leur politique sans se laisser altérer par le jugement des parlementaires.
Ainsi arrivent au pouvoir entre autres et avec plus ou moins de bonheur : Aristide Briand, Joseph Caillaux, Georges Clémenceau et Raymond Poincaré.
Au revoir M. Le Président
À la fin de son septennat, Fallières renonce à se présenter pour un second mandat, ayant géré la magistrature suprême avec plus d’habileté que n’importe quel de ses huit prédécesseurs, et en raison de sa popularité, il aurait pu être réélu très facilement.
Il partira en laissant un mot historique à sa façon : « La place est bonne mais il n’y a pas d’avancement ! »
Il se retirera au Loupillon où il écoulera des jours heureux jusque à son décès, un jour de juin 1931,
« Il est mort sans souffrance, aussi paisiblement qu’il avait vécu. Et son visage, reflet de sa belle âme, rayonnait de bonté. », déclarera son fils André dans la dépêche du midi.
1 : Vous pouvez aller vérifier, même sur la photo de sa communion (il a alors dix ans), il fait une tête d’enterrement.
² : Contrairement à ce que ma phrase laisse entendre, la plupart des hommes politiques notables de la Troisième République ne sont pas devenus maires de Nérac.
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