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David Kpelly : Le général ne vit pas d'amour

Par Gangoueus @lareus
David Kpelly : Le général ne vit pas d'amour
L’homme togolais vit au Mali. Il entretient depuis des années une communauté sur les réseaux sociaux avec des analyses fi menées. Souvent sur l’actualité togolaise. Vous le savez, j’aime cette communauté de penseurs venus de ce pays d’Afrique de l’ouest. Théo Ananissoh. Sami Tchak. Kangni Alem. Daté-Atavito Barnabe-Akayi…

Ceux qui portent leurs croix.

David Kpelly est publié chez l’éditeur malien La Sahélienne. J’ai trouvé son recueil de nouvelles engageant et je vais tenter de vous dire pourquoi. Tout d’abord la première nouvelle n’a pas été satisfaisante de mon point de vue. On a du mal à la saisir tant sur son écriture qui passe par un emploi de la deuxième personne du singulier, ce "tu" incantatoire, qui est toujours casse-gueule pour le lecteur, que sur le fond qui légitime les cycles de violence. VICLUC. Un médaillon porté  par la prétendante d’un jeune garçon attirent l'attention de  sa mère. Un médaillon qui renvoie cette mère à son passé, douloureux, elle qui a élevé seule son fils en faisant avec l’absence d’un père mort lors d’une manifestation d’étudiants à Lomé. La morale de cette nouvelle est assez basique : l'impossibilité de s’extraire de certains cycles de violence. Vicencia a en effet vu ses parents rejetés Lucien, son prétendant. A cause d’une vieille rengaine. A cause de son origine ethnique. Des années plus tard, quand Vincencia voit ce médaillon, elle sait que celui ou celle qui la porte est forcément lié à la mort de son bien-aimé. Que va-t-elle faire ?
J’ai trouvé cette nouvelle simpliste et un peu attendue dans sa chute. Même si le message peut être reçu dans un pays où la dictature d’Eyadema nommé Père-de-la-Nation violente la population et amorce ces cycles. La suite est meilleure...

Axoefa : Allégorie du pays captif

Cette nouvelle a exactement la même structure que la précédente. Un enfant arrive devant la maison de Salif Keïta, un homme bien installé quelque part au Mali. La brutalité, mieux l’inhumanité avec laquelle Salif rejette cet enfant par la simple évocation du Togo d’où il vient laisse perplexe le lecteur. Parce que le Togo n’est pas à côté du Mali. Pourquoi une telle haine ? C’est le sujet de la nouvelle. Il y est question d’une très belle jeune femme togolaise, d’un vieux féticheur impuissant qui la tient captive dans son sanctuaire vaudou et d’un jeune malien musulman entreprenant. Cette nouvelle est intéressante. Parce qu’elle révèle une des qualités de David Kpelly. Il sait raconter les histoires d’amour. Mieux, il sait conter la stratégie d’une jeune femme qui essaie de s’extraire de l’empire d’un homme qui n’a rien à lui apporter et qui tire sa jouissance de sa domination mystique sur Axoefa. On peut y voir le Togo. C’est l’intention de l’auteur puisqu’il l’affirme dans le titre. Et la transposition est saisissante. La rage de Salif Keïta est peut être celle de David Kpelly. Mais quel est l’impact dans le quotidien de cette rancoeur. Cette bestialité qu’il manifeste à cet enfant « inconnu » atteste que le système a réussi son oeuvre. Même sur un étudiant malien.

La prophétie de la Belle-de-nuit.

Je ne traiterai pas toutes les nouvelles. Cela n’a pas d’intérêt car il faut avant tout lire ce livre. Je terminerai toutefois mon propos avec Les prophéties de la Belle-de-nuit. Dans ce texte, à l’occasion de la cérémonie de son mariage, Daniel, un footballeur professionnel perd toute contenance en apercevant un fantôme bien réel de son passé. Dans la foule, il y a cette jeune femme avec un bébé. Elle est une ancienne prostituée  qu'il a connu  à un des moments les plus délicats de son existence. Une tâche. Cette nouvelle permet à l'auteur de nous narrer avec maestria les bas-fonds de Lomé. Elle nous permet d'entendre la voix inaudible d'une prostitué. Je pense à Couao-Zotti, à Tchak. La prédation des militaires est sans limite. L'espoir du peuple aussi. La Belle-de-nuit a pris soin de son footballeur, elle a prophétisé l'avenir radieux qui l'attendait. Là encore, la faillite de l'homme est considérable. Sa lâcheté est grande. Passer le mur, celui qui a bénéficié de la courte échelle n'hésite pas à éliminer son aide.
David Kpelly a le mot dur de l'exilé qui a fui la violence de son pays. Il met des mots sur l'impact de cette violence politique et militaire perpétrée par Notre-Père-de-la-Nation puis par le Le-Fils-de-Notre-Père-de-la-Nation sur les individus. L'occasion de dénoncer le pouvoir dynastique installé depuis l'assassinat de Sylvanus Olympio. Si on peut critiquer le caractère attendu de la structure des nouvelles, des actions et réactions des protagonistes, l'écriture de Kpelly entrainera le lecteur tout de même dans l'abord de ces nouvelles.
Sur les insistances d'un oncle qui réussit à me convaincre que la police finirait par me dénicher, m'arrêter et me jeter en prison jusqu'à ma mort, je décidais de m'exiler. Le Mali, où mon meilleur ami vivait depuis deux ans, y travaillant comme ingénieur en Génie mécanique, m'était l'option la plus accessible. Je fis rapidement mes valises, malgré les supplications de ma mère  et les railleries de mes amis qui me faisaient comprendre que quitter le Togo, petit égout africain, pour le Mali, un vaste égout africain, est la plus grande déchéance dans la vie d'un homme. Un soir de décembre, je dis au revoir au Togo. 
Le général ne vit pas d'amour (Nouvelle), p.80 Ed. La SahélienneDavid Kpelly, Le général ne vit pas d'amourEditions La Sahélienne, 2019

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