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De l'inversion des valeurs

Publié le 13 novembre 2019 par Anargala
De l'inversion des valeurs19 octobre 2019, Place de la République, Paris
Les valeurs de la République sont aujourd'hui défendues par l'extrême-droite, tandis que l'extrême gauche défend les valeurs totalitaires de l'islam. C'est un fait. Jamais dans l'histoire politique de la France nous n'avons connu pareille confusion. 

Comment en est-on arrivé là ?

Il y a près de quinze ans, je faisais déjà ce constat, dans ce billet paru sur l'ancienne Vache Cosmique le 18 février 2006, intitulé "Est-il inévitable que les extrêmes se rejoignent ?" :

"L'affaire des caricatures de Mahomet me confirme dans l'idée qu'il existe au moins deux gauches, intuition confirmée et argumentée par Caroline Fourest dans son ouvrage remarquable La tentation obscurantiste :

D'un côté, la gauche des valeurs républicaines contre les totalitarismes quels qu'ils soient. 

De l'autre, une gauche qui se veut avant tout anticolonialiste, quitte à s'allier avec les islamistes. 

Ainsi voit-on le MRAP intenter un procès à Charlie-Hebdo pour "incitation à la haine raciale". Le président du MRAP considère que critiquer l'islam, c'est faire preuve de racisme. Contre quelle race ? Nul n'a réussi à le lui faire dire. Le fait que l'islam n'est ni une race, ni une ethnie, ni une nationalité ne semble pas l'avoir effleuré. Qu'il apporte ainsi de l'eau au moulin des terroristes islamistes ne semble pas gravement le troubler non plus. Non : il préfère être "révolté contre cette manifestation de haine raciste" qui consiste a représenter un homme, en l’occurrence Mahomet - ce sympathique chef militaire et religieux de l'Arabie du VIIème siècle. Autrement dit, il fait l'apologie de la charia islamique. En revanche, ce monsieur du MRAP ne dit pas un mot sur les violations des droits élémentaires de millions d'hommes, de femmes et d'enfants au nom de cette idéologie morbide. Non, pas une seule parole pour se révolter contre les caricatures de l'islam que sont les hommes, les femmes et les enfants qui se font exploser à travers le monde entier au nom de cette "religion de paix". Rien, non plus, à propos des manifestations antisémites de plus en plus fréquentes en France. Sans parler de la haine de la République affichée plus ou moins ouvertement par certains "intellectuels musulmans modérés" comme Tariq Ramadan et tant d'autres. 

Certes, il y a le soufisme, ce courant musulman spirituel, plus ouvert semble t-il et plus tolérant. 

Mais, entre mille exemples, n'oublions pas que Hassan Al-banna, le fondateur des Frères Musulmans, était un soufi. Et puis, l'on peut être un grand spirituel et se montrer arriéré sur le plan moral. Prenons le cas d'Ibn Arabî, cet immense penseur de la "doctrine de l'Unité de l'Existence", réputé pour son "intelligence du cœur". Dans La sagesse des prophètes (Albin Michel, p.126), il professe pourtant ceci : "Jésus manifesta de l'humilité jusqu'à ordonner à sa communauté qu'ils donnent la dîme en s'humiliant, et que si quelqu'un est frappé sur sa joue, il tende l'autre à celui qui l'a frappé et ne se révolte pas contre lui ni ne cherche vengeance." Morale de l'histoire selon le grand soufi : "Ceci Jésus le tint du côté de sa mère, car c'est à la femme de se soumettre tout naturellement, puisque la femme est légalement et physiquement sujette à l'homme." Et que l'on ne croit pas que tous les soufis ont adopté l'égalité des sexes depuis l'époque Ibn Arabî. J'ai moi-même assisté à des réunions soufies à Paris, dans une tradition pourtant réputée pour son ouverture d'esprit, la confrérie des "derviches tourneurs", turque. Mais, au moment de la prière, l'on m'ordonna de passer devant les femmes (qui avaient revêtu leur voile par-dessus leur jean pour l'occasion), conformément à l'ordre "légal et physique" (en effet selon le Coran la prière est souillée si un chameau, un chien ou une femme passe devant celui qui prie).
A Bénarès, j'avais pu constater chez les Occidentaux altermondialistes une certaine complaisance avec les injustices de la société de caste. Paradoxalement, toute critique de cette société était accueillie comme un propos "colonialiste", et toute référence aux valeurs universelles de liberté et d'égalité, comme des idées "passéistes". En d'autres termes, le relativisme sert à relativiser les valeurs universelles, à les faire passer pour des "constructions colonialistes" et à faire l'apologie de toutes sortes de coutumes barbares. Ainsi la pensée postmoderne qui, à l'origine, était censé être un outil contre le racisme (entre autres), sert de fait à défendre le racisme, en l'occurrence celui du système des castes. Il en va de même avec l'islam. 

Et ainsi l'Occident est passé de l'extrême de l'autoglorification, à l'extrême de l'autodénigrement systématique. On le voit tous les jours dans la culture populaire, et en particulier dans les milieux spirituels. L'Histoire est coutumière de ces mouvements de balanciers. De l'extrême d'un Occident ethnocentriste et arrogant, l'on est passé en quelques dizaines d'années au culte des cultures et des religions prémodernes. Le nouveau mot d'ordre est : "Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'exotisme". 

Un des éléments qui ont sans aucun doute concouru à ce revirement est la philosophie "post-moderne". On désigne ainsi ce courant qui, depuis Nietszche jusqu'à Derrida, à entrepris de remettre en questions les fondements mêmes de la modernité : la démocratie, la raison, les valeurs universelles des droits de l'homme, le progrès, la science.... A ces idées, ils opposent celles de relativisme culturel, ainsi que le fait que toute idée est subjective, située historiquement, que la "recherche de la vérité" cache toujours une soif de pouvoir, qu'il n'y a pas de critères universels de justice ou de bonté, que la science n'est qu'un mythe comme un autre, que l'idéal démocratique n'est qu'un instrument au service des puissances impérialistes, et ainsi de suite. 

Ce faisant, le post-modernisme a permis à l'Occident de prendre du recul par rapport à lui-même, de relativiser ses projets ambitieux, de se livrer à un salutaire examen de conscience en apprenant à se mettre à la place de l'Autre.

Mais certains postmodernistes ont voulu - et veulent toujours - aller plus loin. Ils sont devenus des "intégristes postmodernes". Selon eux, le Coran, la Bible et les théories scientifiques ont la même validité. De même, les droits de l'homme ne sont pas plus légitimes que la charia, etc. Autrement dit, ces gens veulent être postmodernes en ne conservant rien de la modernité. Pour eux, la démocratie devrait appartenir au passé. 

Ce faisant, ils font le jeu des intégristes. En effet, la seule façon d'évoluer de façon saine, c'est de dépasser une étape, mais en l'incluant dans la nouvelle construction. Si l'on détruit l'étage que l'on peut dépasser, on se retrouve simplement à l'étage du dessous ! De même, en rejetant complètement la modernité, certains postmodernistes se retrouvent au niveau prémoderne (celui de l'islamisme et de l'Inde des castes), alors qu'il faut certes dépasser la modernité, mais en conservant ce qu'elle avait apporté de meilleur : les droits de l'homme, par exemple. 

De plus, en voyant partout des complots impérialistes, ils font le lit des terroristes. Voir, par exemple, la critique du livre de Caroline Fourest sur les pages du "Réseau Voltaire" (!), ainsi que les pages sur le 11 septembre qui exposent la thèse selon laquelle ces attentats n'auraient été qu'un coup monté par la CIA alliés des "sionistes". 

Voilà comment, aujourd'hui, une partie de la gauche et de la droite extrême se retrouvent régulièrement pour faire alliance avec les intégristes et pour condamner la liberté d'expression. Il est temps de réagir, en réaffirmant que les droits humains sont bels et bien universels et intangibles, quoi qu'en disent le Coran , la Bible et autres textes "sacrés"."

Comme je le suggérait, les causes de l'inversion sont multiples : l'irruption de l'islam sur la scène politique, le relativisme postmoderne, la haine de soi, le rejet de la pensée en général. Non seulement les extrêmes se sont rejoints, mais ils ont en partie échangé leurs valeurs. Les partis traditionnels ont disparus et on commémore aujourd'hui le plus terrible massacre perpétré à Paris depuis la Saint Barthélémy. Et les gauchistes n'ont rien trouvé de mieux que de "manifester" (quel courage !) il y a quelques jours (comme par hasard), au côté de Musulmans qui se comparaient aux Juifs de la Shoah. L'ignominie ne manquant aucune mesquinerie, toutes ces provocations sont parfaitement délibérées. Sauf aux yeux des apologues de l'islam, bien sûr, qui ne voient là que "solidarité" et "anticolonialisme", selon leur catéchisme antirépublicain. 

Autrement dit, la situation n'a fait qu'empirer.

A mon sens, le principal coupable est le relativisme postmoderne, sans doute le pire poison intellectuel jamais engendré. 

D'un autre côté, quand on jette un œil sur l'histoire sur les engagements politiques des "intellectuels" au XXe siècle, force est de constater qu'ils n'ont pas souvent été du côté des libertés, mais bien plutôt fascinés par les totalitarismes. 

Pour ma part, je reste attaché à la République des valeurs modernes et des libertés. On pourra toujours me traiter de "Nazi", je sais depuis longtemps à quoi m'en tenir.



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