Bienvenue dans le monde nouveau des gens qui sont beaux et qui se tiennent debout.
Un monde où l’on s’interroge sur la bienséance de chaque pose.
(Tu mélanges les mots comme tu mélanges les cartes et personne n’y comprend rien. Tu fermes la porte à double tour et tu caches la clef.)
Le nouvel ordre des choses, c’est la pensée enchaînée, susceptible à tout moment d’être enregistrée, décortiquée, mise au ban.
Regarde, un homme et une femme, jeunes, ils ont le pouvoir d’achat et 40 ans de vie devant eux. La cible incarnée des établissements bancaires.
Ils parcourent les allées du centre commercial le portable à la main et le sourire fécond, sûrs d’eux, imbus de leurs étiquettes, gorgés de sève et d’insouciance.
Toi, tu marches sur tes deux pieds, mais différemment. Rien ne sert de courir, te dis-tu, et rien ne sert de partir à temps. Il n’y a qu’une chose chose qui vaille, c’est l’instinct de survie, la conscience de la conscience, le regard introspectif et l’œil qui scrute. Les grandes plaines à l’horizon lointain.
Je vois trouble, je vois double, je vois à l’extérieur, je vois à l’intérieur, je cherche tout en sachant que je ne suis rien, que je ne sais rien.
Les mots tendres, les habits de velours, je lance les phrases à la face des eaux souterraines. Je les fais tournoyer, comme dans une farandole assoiffée de son.
Dans les innommables rues que je traverse, je suis subjugué par le manque de contraste, le gris qui recouvre toutes les surfaces, la façon dont tout se fond dans un immense agglomérat difforme.
C’est dit: si tout le monde va dans une direction, toi tu devras aller dans la direction opposée.

