Il y a 20 ans, je vivais cette tradition anglo-saxonne du Sweet Sixteen. J’aime cette tradition de fêter en quelque sorte la fin de l’enfance et de la puberté. J’ai aussi eu « la chance » que cela coïncide avec cette année 1999 qui a marqué la fin du XXe siècle et celui du IIe millénaire. L’âge de 16 ans a aussi représenté la croisée des chemins, tant sur le plan personnel qu’au niveau de mes goûts musicaux. Premiers émois, premiers flirts, premiers véritables « choix » musicaux personnels en l’absence de ma sœur partie à 600 km, bref, que de bouleversements.
Cette croisée des chemins se retrouve également dans cette sélection qui représente pas mal mes goûts de l’époque, que je trouve plutôt variés pour une adolescente. Je vais cependant faire une distinction dans cette sélection entre les artistes que j’écoutais déjà à l’époque (Mylène Farmer, The Cranberries, 113, Moby, RHCP) et les albums que j’ai découverts a posteriori (Indochine était vraiment au creux de la vague en 1999, The Chemical Brothers a coïncidé avec l’apport des influences musicales de mon cousin au milieu des années 2000 et je n’ai découvert Muse qu’avec Origin Of Symmetry en 2002).
Cet article a été particulièrement « douloureux » à écrire. Parce qu’EVIDEMMENT, le Mari et moi n’avons pas vécu 1999 de la même manière – il me l’a fait savoir, croyez-moi – et que, bordel, il fallait sortir du traumatisme Californication. Voyons donc ma sélection Sweet Sixteen.
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1 – Mylène Farmer – Innamoramento (avril)
Après un cassage d’image gothique et émotif pour un virage très rock avec Anamorphosée (1995) – qui reste l’album préféré par notre couple –, Mylène Farmer revient à ses premières amours stylistiques à l’aune de sa crise de la quarantaine. Intégrant des références littéraires et philosophiques très poussées – Innamoramento fait référence au Choc amoureux du sociologue italien Francesco Alberoni –, englobées dans des sonorités très pop, voire dance, cet album pourrait faire penser à une caricature des débuts de la chanteuse. Malgré tout, Innamoramento remporte le même succès qu’Anamorphosée, les deux albums étant devenus disque de diamant avec les critères de l’époque, soit dépassant le million d’exemplaires vendus.
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2 – The Cranberries – Bury The Hatchet (avril)
Quatrième album du groupe irlandais, Bury The Hatchet bénéficie aux Etats-Unis d’une promotion en or en étant intégré comme bande-son de la deuxième saison de la série Charmed. Il est introduit dès février 1999 avec le clip du single Promises, réalisé par Olivier Dahan et intégrant les comédiens Maurice Barthélémy et Jean-Paul Rouve de la troupe des Robins des Bois. Sans pour autant renouveler avec le succès dantesque du deuxième album No Need To Argue (1994) – qui s’est quand même vendu à 17 millions d’exemplaires dans le monde –, Bury The Hatchet se positionne dans la continuité du groupe, entre ambiances grunge/loud et ballades inspirées. Mais c’est le succès de la tournée entamée en juillet 2000 qui permet à l’album de se vendre à 3.5 millions d’exemplaires.
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3 – Moby – Play (juin)
Après s’être tourné vers la scène punk au début des années 1980, puis techno/ambient dans les années 1990, et après les relatifs échecs de ses deux premiers albums Everything Is Wrong (1995) et Animal Rights (1996), Richard Melville Hall – qui prend Moby comme nom de scène en référence à son ancêtre Hermann Melville, auteur de Moby Dick – se remet en question. C’est ainsi qu’I Like To Score (1997), compilant des sons plus ambient utilisés comme musiques de films, lui permet de retrouver une notoriété perdue. Dans ce contexte, il change de label en 1999 pour son quatrième album Play, qui intègre des sons blues, pop et hip-hop. Ce mélange des genres lui réussit, puisqu’il en vient à vendre 9 millions de cet album. Des titres comme Natural Blues, Find My Baby ou Why Does My Heart Feels So Bad ? deviennent immédiatement des classiques générationnels, au point d’intégrer nombres de bandes-sons de films/publicités de l’époque ou voulant caractériser la fin des années 1990.
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4 – Red Hot Chili Peppers – Californication (juin)
JE HAIS CE PUTAIN D’ALBUM QU’ON M’A FORCÉE À ÉCOUTER TROP DE FOIS !
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Maintenant que c’est dit, une analyse peut enfin être faite en ayant en tête l’immense traumatisme qu’a été son écoute répétitive lors de l’été 2000.
DONC la vieille connasse que je suis ne peut pas analyser cet album sans avoir en tête les émotions provoquées par Blood Sugar Sex Magik (1991) et One Hot Minute (1995), que ma sœur et son cousin jumeau ont écouté en boucle et qui a marqué mes cours de musique de par le matraquage de mes camarades. Californication, donc, 7e album du groupe, marque le retour de John Frusciante qui n’a pas enregistré One Hot Minute pour cause d’addiction à la drogue, dont était sorti Anthony Kiedis en 1994. Avec des titres matraqués à la radio tels que Scar Tissue, Otherside (que mes copines braillaient en chœur) ou Californication (putain, 6 à 7 fois par jour dans mon spectre d’écoute durant mon séjour en Allemagne en août 2000. Même à l’époque, je trouvais ça abusé), et une écoute À CHAQUE PUTAIN DE TEUF entre avril et septembre 2000, j’ai du mal à apprécier cet album en tant que tel, alors qu’il est considéré comme mes contemporains comme LEUR album générationnel de 1999. En témoigne ce tweet quand je me suis mise à me plaindre de l’intégration de l’album dans cette sélection :
Ben il est excellent cet album.
— Cosmic Camel Clash (@FouetBarak) November 23, 2019
Alors oui, c’est l’album de la consécration, c’est produit et joué au cordeau, tu n’as rien qui dépasse, cet album est parfait. MALGRÉ TOUT, j’écris cet article sur les disques à sauver de 1999 pour montrer qu’il y avait autre chose et que Californication dans ce spectre. Et pourtant, j’arriverais presque à sauver cet album avec Parallel Universe et Road Trippin. J’en reconnais la teneur générationnelle, mais putain, un album ne mérite pas d’être autant matraqué.
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5 – The Chemical Brothers – Surrender (juin)
Cet album, je l’ai loupé à l’époque, parce que je ne l’ai découvert qu’à l’aune d’une compilation de mon cousin qui avait alors 14-15 ans (en 2002) et qui s’était remixé Exit Planet Dust (1995) Dig Your Own Hole (1997) et donc Surrender. Hey Boy Hey Girl était devenu l’hymne des fêtes de familles, Maman avait intégré Got Glint? dans un de ses spectacles, bref c’était la bonne époque. Le Mari connaissait l’album dès l’époque à cause de la deuxième collaboration du dieu Noel sur Let Forever Be. Mais le frère préféré n’est pas la seule collaboration pop-rock sur ce troisième du duo de DJ mancuniens (comme de par hasard). En effet, Bernard Summers de New Order leur a prêté main forte sur un Out Of Control avec lequel il renoue avec un certain esprit minimaliste de l’époque Joy Division. Ce qui a enfin contribué à la popularité de cet album, c’est la créativité visuelle de Michel Gondry. En effet, outre des spots publicitaires pour Air France où il utilise Asleep From Day, il réalise le clip psychédélique de Let Forever Be.
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6 – Indochine – Dancetaria (août)
Ma sœur et moi étant absorbées à l’époque par le Birthday Album (1991), nous avons totalement zappé Wax (1996) et donc Dancetaria. Ce sont des albums que j’ai découverts encore une fois à la lumière de mon cousin, qui s’est pris de passion pour Indochine avec Paradize (2002) et qui a donc préféré s’introduire au groupe avec les albums des années 1990 quand nous étions bloquées dans les sonorités 1980 du groupe. J’ai aussi redécouvert ce huitième album pré-révolution Oli de Sat – bien qu’il ait commencé à produire avec cet album, en vérité – avec le Mari dont il est l’album référence du groupe (alors que je préfère 3 ou 7000 danses qui ont davantage bercé mon enfance, merci Maman). Le groupe, au plus bas médiatiquement, ayant vécu le départ de Dominique Nicolas en 1995 et la mort de Stéphane Sirkis durant l’enregistrement dudit album, ne vend que 120.000 exemplaires de l’album. A titre de comparaison, 3 (1985) s’est vendu à 800.000 exemplaires et Paradize à 1,5 million. Pourtant, en l’ayant écouté récemment, je me dis que cet album fait partie des albums à réhabiliter, tant qu’il est riche de sonorités et d’émotions transmises. En effet, encore une fois, le paradigme crise de la quarantaine (+ décès du jumeau, qui reste un traumatisme non-négligeable pour n’importe qui) touche Nikola, qui décide de faire ce qui lui plait et pas forcément ce qui est le plus compris par son public. Cela se traduit par de la brit-pop (Juste toi et moi, Justine), de l’electro foutraque (Astroboy), choses auxquelles les fans de la première heure n’associent pas le groupe.
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7 – Muse – Showbiz (septembre)
Premier album d’un groupe que je vomis depuis approximativement 2006 alors que j’avais A-DO-RÉ dès 2002 – merci mes potes de fac et Origin Of Symmetry –, il n’a eu qu’un succès modéré à sa sortie, ce qui leur a permis de faire une Route du Rock de manière trèèès anonyme en 2000. Le côté romantique et théâtral de certaines compositions, ainsi qu’une comparaison peu flatteuse avec certaines compositions de Radiohead explique cette mauvaise réception critique et commerciale de l’album. Il fait pourtant partie des albums que je souhaite réévaluer, parce que c’est le côté du groupe qui m’a séduite à l’époque. On n’y voit pas encore la caricature grand-guignolesque qui caractérise le groupe depuis Absolution (2003), mais encore plus depuis Black Holes And Revelations (2006). L’identité du groupe est encore préservée et n’est pas encore marketée pour les stades. Clairement, ça change tout.
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8 – –M– – Je dis aime (octobre)
Matthieu Chédid a commencé sa carrière TRÈS tôt, puisqu’il faisait déjà les chœurs pour son père à 7 ans, en 1978. Son adolescence a été émaillée de petits groupes avec Matthieu Boogaerts ou des fils de (Pierre Souchon et Julien Voulzy avant les Cherche-Midi). Cette première expérience lui a notamment fait participer au concours Eurovision avec Nina Morato en 1994. Le personnage de –M– vient même de sa participation à l’album Paniac (1996) de Billy The Kick, où il interprète le personnage dans la chanson M. Deuxième album solo de l’artiste étant entré dans ledit personnage après Le baptême (1998), il intègre des poèmes de sa grand-mère Andrée (la chanson-titre, mais aussi Bonoboo), une reprise de The Cure, mais surtout une affirmation de son style, entre onirisme et psychédélisme funk.
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9 – 113 – Les Princes de la ville (octobre)
Porté par cet hymne générationnel qu’est Tonton du bled – n’en déplaise au Mari qui n’a vu sa famille paternelle qu’en 1994 –, le premier album de ce trio de rappeurs coïncide avec l’émergence de la Mafia K’1 Fry de Vitry-Sur-Seine dont ils sont issus, et qui compte également parmi ses membres Rohff et Kery James. Parmi les producteurs de cet album, on retrouve la fine fleur des DJ hip hop français des années 1990-2000, tels que Cut Killer (le darron), DJ Mehdi (producteur attitré du crew), Manu Key (fondateur du crew) et Pone de la Fonky Family. Il sera réédité après la sortie et le succès de 113 fout la merde (2002) sous le titre 113 dans l’urgence.
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10 – Dr. Dre – (The Chronicle) 2001 (novembre)
Deuxième album en son nom propre du célèbre producteur – premier album sorti en 1992 et troisième album en … 2015, et croyez-moi qu’il n’a pas chômé en 15 ans avec la carrière d’Eminem –, je visualise cet album comme la définition même du chemin de traverse. Il résume à lui-même toute l’essence du gansta rap West Coast des années 1990 – et sa victoire par K.O. sur le rap East Coast par conséquent –, mais également la naissance de tout ce qui a fait le rap des années 2000, en intégrant parmi les auteurs… Marshall Mathers (EMINEM) et Shawn Carter (Jay-Z). Cela en fait LE disque de hip hop parfait pour une introduction au genre.
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A bientôt pour de nouvelles aventures musicales.