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Jusqu'à quel point faut-il être loyal à son maître ?

Publié le 28 novembre 2019 par Anargala
Somos tierra,somos agua,somos fuego,somos aire,somos Vida ❤
Comme on sait, la fidélité au maître (guru) est importante (guru, en sanskrit) dans la tradition indienne et dans les traditions en général.

Or, les abus  soulèvent le problème suivant :

En cas de délit, de crime, de mauvaise conduite, jusqu'à quel point faut-il rester fidèle au maître ? Faut-il se censurer ? S'interdire d'y penser ? Mais comment ? Et comment, si le maître est un maître, peut-il être un délinquant ? Ne faut-il pas distinguer morale et moeurs ? Critiquer le maître, n'est-ce pas détruire la tradition ? 

Mais la question fondamentale est : 

A-t-on le droit de critiquer le maître une fois qu'on l'a accepté comme maître ?

Récemment, dans l'affaire Sogyal, des lamas (guru, en tibétain) ont affirmé qu'il faut toujours rester fidèle à son maître et ne jamais le critiquer, quoi qu'il fasse.

Du côté indien, certains ont affirmé de même, par exemple dans le cas de l'affaire Nithyananda. C'est la position défendue par Rajiv Malhotra. Selon lui, Nithyananda est un maître persécuté par les anti-hindous. Je sympathise avec l'hindouisme, ou plutôt avec le Sanâtana Dharma, que je vois comme la culture naturelle, en quasi continuité avec la culture méditerranéenne. Et je suis d'accord avec Malhotra et d'autres pour dénoncer le mépris dans lequel est tenu l'hindouisme. C'est un scandale. Mais je ne suis pas d'accord sur les moyens employés. Soutenir et défendre des gens comme Nithyananda, c'est apporter de l'eau au moulin anti-hindou. C'est suicidaire. Il y a une autre position possible. Laquelle ?

Ma réponse est :

Oui, on a le droit, et même le devoir de critiquer le "maître" avec rigueur et impartialité, même si on le considère comme notre "maître".
Pourquoi ?

Parce que, selon le point de vue traditionnel lui-même, si le "maître" a commis un délit, un crime, ou s'il a abusé de son pouvoir, alors il n'est pas un maître. Du coup, celle ou celui qui critique le "maître" ne commet aucun crime. Il critique un imposteur. Ce qui implique qu'il s'est trompé, ou qu'il a été trompé. Ce qui est bien humain.

En somme, c'est comme dans n'importe quel contrat :

Si, même après engagement et signature, on découvre que l'autre partie ne respecte pas ses engagements ou qu'elle a fraudé, alors ce contrat est nul. 

L'initiation est ainsi une sorte de contrat qui relève du domaine du commerce (vyavahâra), même s'il s'agit d'un commerce qui n'est pas mondain, car en principe il ne vise pas le plaisir, le profit ou la vertu. Mais peu importe. 

L'essentiel est qu'il n'y a aucune faute à critiquer un "maître" qui a mal agit, car alors il est avéré qu'il n'est pas un maître, et l'engagement que l'on a pris éventuellement auprès de lui est annulé. Donc il n'y a pas faute. 

Au contraire, on rend par là service aux autres en les prévenant. On accompli son devoir.

Si, par exemple, j'ai reçu tel initiation par tel gourou pou lama, et que j'apprends ensuite qu'il a abusé de son pouvoir pour s'enrichir au-delà du strict besoin, alors je peux l'examiner, le critiquer et le dénoncer. Car alors, l'initiation et les engagements afférents sont annulés. Simple.

Il me semble que si l'on voit cela, le problème est résolu.

Bien évidemment, bien peu de "maîtres" sont dignes de fidélité. Ils sont, selon la formule tibétaine, "aussi rares que des étoiles en plein jour". Mais cela est un autre problème.

On pourrait aussi bien invoquer l'attachement affectif au charisme du "maître", l'aversion pour toute remise en question, surtout si l'on a beaucoup et longtemps investi. Mais cela, ce sont des questions qui se posent dans n'importe quel cas de conscience. A chacun d'y répondre en son for intérieur. Du moins le fond du problème est-il clair.
Je ne vois donc aucun problème dans l'attitude qui consiste à examiner un "maître", même après que l'on se soit formellement "engagé" dans une "relation de maître à disciple". Je ne vois donc aucun mal, bien au contraire, à enquêter sur les agissements des "maîtres" les plus populaires. C'est là un acte de détachement et de conversion vers le Vrai. Quitte à froisser quelques cœurs de choux. 

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