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La horde du contrevent – Alain Damasio

Publié le 09 décembre 2019 par The Cosmic Sam @thecosmicsam

Il aura fallu un long moment avant que je me laisse convaincre par la lecture de « La Horde du contrevent », un roman qui a reçu des critiques dithyrambiques (et le prix de l’imaginaire en 2006). J’avais, je le reconnais, des a priori sur l’auteur et son genre. Finalement, l’idée a fait son chemin et je suis allée l’acheter en librairie. Il s’avère qu’il s’agit de l’un de mes coups de coeur de 2019 !

Du temps m’aura été nécessaire avant de rédiger cet article. Je voulais, en premier lieu, prendre du recul sur ce livre hors du commun. Puis, c’est la crainte qui a pris le pas. Crainte de ne pas savoir trouver les bons mots pour vous en parler et vous donner envie de le lire à votre tour, de la même façon qu’on m’a convaincu de tenter cette aventure du Vent.

Le livre : « La horde du contrevent »

La horde du contrevent – Alain Damasio

Crédit photo : L&T

L’auteur : Alain Damasio, né Alain Raymond, est un écrivain français de science-fiction. Sorti de l’ESSEC en 1991, il choisit de s’isoler (d’abord dans le Vercors puis à Nonza, en Corse) pour s’adonner à l’écriture. Il écrit peu, par exigence. Son domaine de prédilection est l’anticipation politique. Il marie ce genre à des éléments de science-fiction et/ou de fantasy. Son premier roman est « La Zone du dehors« , roman d’anticipation qui s’intéresse aux sociétés de contrôle sous le modèle démocratique (récompensé du Prix Européen Utopiales). Son second roman, « La horde du contrevent » est récompensé par le Grand Prix de l’Imaginaire 2006 dans la catégorie Roman et a connu un véritable succès public. En 2016, Alain Damasio signe un nouveau texte politique, « Le Dehors de toute chose« , qui décrypte l’hégémonie du contrôle dans nos vies. Enfin, son dernier roman en date, « Les Furtifs« , décrit la quête d’un père à la recherche de sa fille.

Le résumé : « Un groupe d’élite, formé dès l’enfance à faire face, part des confins d’une terre féroce, saignée de rafales, pour aller chercher l’origine du vent. Ils sont vingt-trois, un bloc, un nœud de courage : la Horde. Ils sont pilier, ailier, traceur, aéromètre et géomètre, feuleuse et sourcière, troubadour et scribe. Ils traversent leur monde debout, à pied, en quête d’un Extrême-Amont qui fuit devant eux comme un horizon fou. »

Mon avis : « La horde du contrevent » est un roman difficile à classer, aussi bien par sa forme qu’en raison de son contenu. A mi chemin entre la dystopie et la fantasy peut-être…

Dans cet univers, dont on ne sait pas très bien s’il est futuriste ou simplement hors du temps, le Vent a remplacé Dieu et la météo est l’unique religion. Tous les éléments sont soumis au Vent, sous toutes ses formes, lequel est incessant. Nature et Hommes se sont adaptés mais n’ont jamais été si éphémères. Des villes entières sont rayées de la carte par les tempêtes violentes qui font parties du paysage ; paysage composé de vastes étendues désertiques.

Dans cette société quasi apocalyptique, quelques hommes et femmes triés sur le volet en raison de leurs compétences spécifiques luttent contre l’impossible, au péril de leur vie, pour remonter les terres abandonnées en contrant le Vent à contre-courant à la seule force de leurs corps et de leur mental. Confrontés aux éléments les plus extrêmes, à la peur à son état pur, le tout sans relâche depuis qu’ils ont été arrachés à leur famille, il y a vingt-huit ans de cela. Leur nom : la 34ème horde du contrevent, la plus rapide de l’Histoire. Leur quête : atteindre l’Extrême-Amont et trouver la source du Vent.

Cette Horde est une véritable légende, néanmoins en passe de devenir obsolète. Il s’agit, en effet, d’une des dernière a entreprendre cette aventure d’une vie à pied, d’autres souhaitant employer des moyens plus modernes. Sacrilège pour ces soldats du Vent qui sont les ultimes gardiens d’un savoir ancestral : la survie face aux éléments, la volonté envers et contre tous, la sagacité aussi de savoir prendre son temps pour comprendre et tenter de dompter l’indomptable. Leur cheminement doit leur permettre de découvrir les neuf formes du Vent. Tandis que six ont déjà été rencensées (le zéniphine, le slamino, le choon, la stèche, le crivetz et le terrible furvent), trois restent mystérieuses. En cas d’échec, c’est la mort assurée. Or, chacun des vingt-trois membres de la Horde a un rôle déterminant pour la survie des autres et tous ne forment qu’un seul corps et une seule âme.

Sur les vingt-trois membres, plusieurs se détachent et prennent une importance particulière, le bestial Golgoth (traceur), l’intraitable Erg (combattant protecteur), le magnanime Sov (scribe et mémoire vivante de la Horde), le sage Pietro (prince), l’incommensurable Aroshi (aéromaîtresse), le doux Steppe (botaniste), la discrète Aoi (cueilleuse et sourcière), la maternelle Alme (soigneuse), et bien-sûr l’insaisissable Caracole (le troubadour qui ne cesse ses cabrioles aussi bien oratoires qu’acrobatiques).  Tous les personnages connaissent une évolution intéressante, et tandis qu’on a initialement du mal à dissocier leur voix, on fini par les reconnaître rapidement à leur façon de se faire entendre.

Au fur et à mesure de la lecture, on se rend compte que cette quête est finalement plus spirituelle qu’utilitariste. Une introspection jusqu’au-boutiste, un périple métaphysique à la découverte de son moi profond. L’ensemble de ce texte est à la libre interprétation du lecteur mais la dimension philosophique et transcendantale fait partie intégrante de l’histoire.

On assiste à ce cheminement sans fin, cette fuite en avant vers l’inconnu. On s’étonne parfois des croyances naïves des protagonistes et puis finalement, pourquoi pas… On est pris par cette marche rythmée d’espoir, par cette poursuite de sens. Tous seront en proie à leurs doutes et à leurs propres épreuves. Le périple est, dans tous les cas, sans retour en arrière envisageable.

Difficile d’en dévoiler davantage sans dévoyer l’intrigue.

Un mot encore sur la plume de l’auteur qui, à elle-même, représente un véritable exploit littéraire. Alain Damasio a, non seulement créé un livre-univers, mais il fait également l’éloge de la belle phrase, de la richesse du champ lexical. Tout est pensé avec soin : la pagination inversée, la retranscription du Vent par des signes de ponctuation, les signets qui sont attribués aux membres de la Horde. Sans mentir, cette prouesse littéraire prend parfois des airs de démonstration et rend la lecture compliquée dans ses cent premières pages. Il faut s’accrocher un peu pour être attrapé, mais la beauté des mots permet de maintenir l’attention du lecteur (j’ai d’ailleurs relevé quelques extraits et citations ici). Nonobstant, je regrette un peu que la dimension métaphysique prenne trop le dessus sur la fin du livre et occasionne des développements un peu « lourds ».

On aime ou on déteste, mais dans tous les cas il s’agit d’un livre puissant, d’un périple poétique et philosophique qui cingle les esprits.

J’espère que cette chronique vous donnera envie de découvrir ce roman atypique pour bien des raisons, lequel représente une véritable expérience littéraire. 

Avez-vous lu d’autres romans d’Alain Damasio ? Qu’en avez-vous pensé ? 


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