Partager la publication "[Critique] SKIN"
Titre original : Skin
Note:Origine : États-Unis
Réalisateur : Guy Nattiv
Distribution : Jamie Bell, Danielle Macdonald, Vera Farmiga, Bill Camp, Mike Colter, Louisa Krause, Scott Thomas…
Genre : Drame
Durée : 1h58
Date de sortie : 3 décembre 2019 (DTV)
Le Pitch :
Bryon Widner a grandi au sein d’un groupuscule néo-nazi. Recueilli alors qu’il n’était qu’un enfant, il a évolué au rythme des entraînements quasi-militaires, des rassemblements et des expéditions punitives à l’encontre de ceux que son leader jugeait responsable de tous les maux dont souffrait le pays. Un jour pourtant, à l’issu d’une énième manifestation, Bryon décide que ce mode de vie ne lui correspond plus. Sa rencontre avec une jeune mère célibataire va confirmer sa volonté de changer de chemin. Histoire vraie…
La Critique de Skin :
Récompensé en 2019 par l’Oscar du meilleur court-métrage, Skin n’a pas manqué de se faire remarquer. De quoi donner envie à son réalisateur, Guy Nattiv, d’aller un peu plus loin et de tourner un film traitant du même sujet, à travers la trajectoire de Bryon Widner, un skinhead ayant réussi à s’extraire de la spirale de la haine dans laquelle il avait grandi pour devenir le porte-parole d’un discours empreint de tolérance. Skin qui rappelle forcément le culte American History X, de Tony Kaye, qui traite plus ou moins de la même histoire. Pourtant, à l’arrivée, s’il est en effet tentant de faire la comparaison entre les deux œuvres, force est de reconnaître que le discours a beau être de la même nature, le traitement lui, diffère…
La haine dans la peau
Skin adopte dès le début une approche proche du documentaire. La mise en scène de Guy Nattiv collant de près aux personnages, n’hésitant jamais à affronter en face leur violence pour au final mieux mettre en évidence le changement qui ne tarde pas à s’amorcer chez Bryon Widner, le pivot du récit, incarné à l’écran par Jamie Bell. Et si American History X, malgré sa genèse compliquée (Tony Kaye s’étant vu refusé le final cut, il tenta de totalement se désolidariser du film), a en son temps très bien su retranscrire ce genre de mécanisme, sans édulcorer son propos, il faut reconnaître à Skin une capacité à faire preuve d’encore plus d’apprêté. Sans en faire des tonnes, comme American History X, en prenant son temps pour retranscrire les émotions complexes et parfois contradictoires qui caractérisent Bryon Widner. Le label « histoire vraie » compte aussi beaucoup dans le fait que le film parvient à régulièrement se montrer extrêmement réaliste. Notamment quand il parvient à nous faire ressentir l’enfermement et la peur de ne jamais s’en sortir qu’éprouve Widner. Plus tard, Guy Nattiv se montre également tout aussi compétent pour organiser l’arrivée dans cette histoire ô combien sombre, de la lumière…
La main droite du diable
Âpre, brutal et sombre, Skin ne fait jamais les choses à moitié. Tout comme Jamie Bell d’ailleurs, dont la performance force en permanence le respect. On savait bien sûr l’acteur terriblement doué, tout spécialement pour rendre justice à des personnages pas comme les autres, capable d’exceller quelque soit le domaine, mais ici, il arrive tout de même à nous surprendre. Le visage recouvert de tatouages illustrant la haine du groupe auquel il appartient, le crane rasé, il est méconnaissable. Et si certains auraient saisi la perche au vol pour en faire des caisses, lui se met totalement au service du personnage, instaurant un véritable équilibre des plus appréciables, en grande partie responsable de la qualité de l’ensemble. Bell de plus remarquablement entouré, par notamment la décidément surprenante Vera Farmiga, ici en marâtre malsaine entièrement dédiée à nourrir la haine raciste de ses ouailles, ou encore Danielle Macdonald ou Mike Colter, qui pour sa part, trouve une bonne occasion de prouver l’étendu de son talent.
Americain History Y
Paradoxalement, alors que parfois, American History X ne renonçait pas à utiliser des stratagèmes, au niveau du fond mais aussi de la forme, pour rendre plus accessible son histoire, Skin lui, ne fait aucune concession et se montre plus qu’à son tour austère. De quoi parfois impacter un tout petit peu la rythmique. Mais la démarche reste bien évidemment puissante. Tout spécialement quand se met en place le processus de rédemption. Guy Nattiv évite les postures, ne se rattache pas à tout prix à des gimmicks propres au cinéma indépendant américain et ne brosse personne dans le sens du poil. Intègre jusqu’au bout, il se dédie corps et âme à son sujet et livre un pamphlet galvanisant mais aussi parfois difficile. Une ode à la tolérance où sont décortiqués les mécanismes malsains du racisme. Le réalisateur/scénariste ayant parfaitement compris qu’il ne servirait à rien d’arrondir les angles pour rendre le visionnage plus agréable. Skin n’a rien d’agréable. Il rentre dans le lard et touche au vif. Au point de s’imposer comme l’un des films les plus éloquents et justes jamais réalisés sur le sujet. Probablement le genre qu’on devrait projeter dans les lycées pour essayer d’éveiller les consciences…
En Bref…
Puissant, dur, anxiogène et d’une justesse terrible, Skin est indéniablement une franche réussite. Le genre de film qui provoque la réflexion sans faire les choses à moitié. Quitte à se montrer parfois très abrupt. Ce qui, vu le sujet, est une bonne chose. Une sorte de version plus réaliste et âpre d’American History X en somme, même si Skin arrive sans mal à se démarquer et à faire entendre sa propre voix.
@ Gilles Rolland