Hester Knibbe ou la poésie comme exhumation
C’est une langue envoûtante, du moins heureusement déstabilisante, que celle d’Hester Knibbe, née en 1946 aux Pays-Bas et aujourd’hui l’une des figures majeures de la poésie de langue néerlandaise. Son dernier recueil, Archaïques les animaux, publié par les éditions Unes dans une belle traduction de Kim Andringa et Daniel Cunin, permet au lecteur d’en goûter toute la saveur.
Langue qui, dans une dense économie, mêle le solennel au quotidien, le mythologique au contemporain, l’alliance (la première et la nouvelle) à l’extrême solitude. Langue qui interroge le destin de l’homme, le cherche entre les deux pôles que sont, d’un côté, la soif de connaissance et de construction, la volonté d’arraisonner la nature qu’a théorisée Heidegger, au prix de l’inquiétude et de la violence, et, de l’autre, le désir d’abandon et de contemplation, la nostalgie et l’espérance d’une « adhérence » aimante à soi et au monde.
De l’autre côté, en quelque sorte, un rapport archaïque au monde, un homme qui serait dans le monde comme « l’eau dans l’eau » pour reprendre l’expression qu’utilise Georges, dans sa Théorie de la religion, pour qualifier l’animal (« Tout animal est dans le monde comme de l’eau à l’intérieur de l’eau »). Cet archaïsme est-il désirable et l’homme en est-il capable ? C’est l’une des interrogations qui traverse le livre d’Hester Knibbe. Elle en rejoint une autre : en quoi l’homme dépasse-t-il l’animal, en quoi se confond-il avec lui ? Car le propre des animaux est précisément de mener leur vie dans ce rapport archaïque au monde.
Frédéric Dieu
Pour respecter la mise en page de cet article, Poezibao le propose au format PDF à ouvrir d'un simple clic sur ce lien. L’article comporte de nombreux extraits du livre.
Hester Knibbe, Archaïques les animaux, trad. Kim Andringa et Daniel Cunin, Editions Unes, 2019, 75 pages, 16 €.
Sur le site de l’éditeur