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FILDAK 2019 - Journée 1 : Expédition

Par Gangoueus @lareus
Je reviens d’un séjour de quatre jours à Dakar. Une invitation proposée par le Professeur Racine Senghor à laquelle j’ai répondu sans hésiter. Après deux sessions au Salon International du livre d’Alger, c’était intéressant de me retrouver à Dakar pour découvrir le monde du livre au Sénégal. Je tenterai en un ou deux articles de vous narrer cette expédition...
FILDAK 2019 - Journée 1 : Expédition
Deux responsables de la direction du livre sont venus m’accueillir au nouvel aéroport est désormais 50 bornes au sud de Dakar. Il est 22:00 et il fait bon. Il faut dire qu’il faisait -1°C au départ de Paris. On me dépose à l'hôtel Intercontinental VDN à proximité du Centre International Commerce extérieur du Sénégal qui accueille la Foire Internationale de Dakar. Je suis harassé. Je m'endors. 
Le matin, au petit déjeuner, je rejoins la table d’une dame que j’ai vue la veille dans l’avion. Elle venait comme moi de Paris assister à la foire internationale du livre et du matériel didactique de Dakar. En discutant avec elle, je réalise qu'elle est la fille de Camara Laye : Marie-Thérèse. La  Guinée est le pays invité d’honneur de cette dix-septième édition. Et les autorités guinéennes avaient émis le voeu du rapatriement du corps du célèbre écrivain guinéen inhumé au Sénégal. Marie-Thérèse Camara accompagne la délégation guinéenne. Nos échanges portent sur son père. L’influence qu’il a eu sur de nombreux lecteurs dont je fais partie : L’enfant noir, Dramouss, Le regard du roi. Elle me parle de son père, de son rapport avec la Guinée, des droits d’auteur. Il y a aussi cette histoire familiale frappée par la violence de la grande histoire guinéenne quand le romancier prend ses distances avec Sékou Touré. Elle me parle de sa mère incarcérée pendant sept ans en Guinée alors qu'elle tentait d'aller voir son père. Laissant derrière elle son dernier né resté au Sénégal qui n’avait que quelques mois… Camara Laye sera un père très attentionné pour cet enfant. Nous n’avons pas pu échanger plus longuement. Mais ce point matinal augurait de belles rencontres pendant ce séjour. La route de Thiès m’appelle. 
J’étais très impatient d'entamer ce périple avec Racine Senghor, immense homme de culture. Mon activité de blogueur m'a procuré plusieurs plaisirs. Le premier d'entre eux a été d'avoir eu la possibilité de rencontrer des grands lecteurs et de grands auteurs. Mais c'est aussi le plaisir de découvrir et d'échanger avec de très grands passeurs de mot. C’est un réel privilège extrêmement savoureux. Racine Senghor administre depuis plusieurs années le monument de la Renaissance Africaine de Dakar. Il est difficile de passer dans la capitale sénégalaise sans faire un tour sur les hauteurs de Ouakam, le quartier en bord de mer que le monument digbaté (1) surplombe. La haut fonctionnaire est avant tout un enseignant dans l’âme. Il forme. Dans chacune de ses actions, il y a un désir de transmission et de formation subreptice. 
La route. Après nous être extrait d’un bouchon à la sortie de la ville Dakar, nous filons vers Thiès qui est à 70 bornes. La route est très bonne. Je regarde les baobabs qui bordent l'autoroute comme des curiosités. Ils donnent au paysage un aspect atypique, très différent de la savane arboré congolaise. Le colloque de la  Fildak a été délocalisé à l’Université de Thiès à la demande de la marraine de cette 17ème édition,  la professeure Ramatoulaye Mbengue Diagne. Nous passons devant le lycée Malick Sy où Racine Senghor a enseigné le français plusieurs années. Par son entremise, de nombreux collégiens ont eu le privilège de rencontrer de grands auteurs sénégalais ou guinéens venir dans leur établissement. Djibril Tamsir Niane. Aminata Sow Fall. Initier le goût pour la lecture. Une démarche. Nous arrivons à l’Université de Thiès. L’amphi est plein à craquer. Il doit y avoir au moins 1000 lycéens, étudiants et enseignants. Les interventions viennent à peine de commencer. L’acoustique n’est pas très bonne. Le ministre de la culture et de la communication Abdoulaye Diop est présent. Je suis avec intérêt l’allocution de la rectrice de l’université de Thiès qui aborde les nouvelles formes de lecture. En particulier le numérique qui ne permettrait pas, selon certaines études, et en fonction du support de lecture utilisé, le même niveau d’attention qu’avec un livre papier. Il faudrait donc être prudent, même si la révolution digitale est en marche. Point de vue discutable, surtout quand il est posé à l’université où les communications passent de plus en plus par des biais dématérialisés. L'interpellation a son sens. Le colloque se poursuit après l'intervention du ministre. 
Avant de filer vers Kaolack, nous nous arrêtons aux Manufactures des Arts décoratifs de Thiès. Les toiles sont impressionnantes empruntant à des formes de production différentes : tapis, batik… Bon, les prix ne sont pas à la portée du premier quidam venu. Mais ça vaut le détour et je pense vraiment l’investissement. Je vous glisse le lien du site de ce lieu de production. Plus, on entre dans les terres, plus il fait chaud. Les baobabs sont de plus en plus présents dans le paysage. Racine Senghor est le fils d’un ingénieur qui a placé le livre au centre de l’univers de ses enfants. Une saine émulation savamment entretenue au sein de la fratrie et, en y réfléchissant, que l'on retrouve dans la démarche de Racine avec ses collaborateurs ou interlocuteurs. Il me fait l’immense honneur de me conduire à la demeure de la famille Senghor à Kaolack. La raison de notre présence dans cette ville est un don de livres par Youma Fall, ancienne directrice du Grand Théâtre de Dakar et actuelle directrice de la Diversité et du Développement culturel à l'OIF à une école de cette ville. Un peu plus tard dans la soirée, une pièce de théâtre réunira près de 160 comédiens sur la scène de l’Alliance Française de la ville. Nous ne pourrons pas y assister. La cérémonie de remise de livres est touchante. Les populations sont informées et pour moi, c’est le vrai début de la  Foire Internationale du livre et du matériel didactique. Parce que nous sommes là sur le terrain, où on initie à l’école primaire ce contact précieux avec le livre. J’ai discuté un peu avec le directeur de l’école qui est près à faire en sorte que ces livres ne prennent pas de la poussière dans cette bibliothèque naissante. Bon, y a un côté atalaku, mais ça fait partie du game. Le professeur de français de Youma Fall, installé depuis 44 ans à Kaolack me dit toute sa fierté de voir la réussite de ses anciens élèves parmi lesquels on peut citer Macky Sall, mais surtout, de constater le désir de rendre quelque chose dans ces espaces qui les ont formés. Je réfléchis.
Sur le retour, on prend une route nationale, il fait nuit noire. Je discute littérature avec Racine Senghor après lui avoir donné mes impressions sur la journée. C’est un moment privilégié. C’est un grand lecteur qui ingurgite des romans à un rythme effréné. Sa culture est immense. A l’aller, il m’a parlé de son désir de former un lieu de culture de plus, une résidence littéraire. Son esprit est focalisé sur la création ou l'animation d’espaces dédiés à la pensée et à la culture. Je lui parle de ma lecture en cours. Un Bret Easton Ellis. Il m’écoute. Je lui parle des classes pléthoriques de mon collège publique à Brazzaville. Il évoque les 45 lycées qu’il a implanté durant les 5 années où il a dirigé l’enseignement secondaire au Sénégal. On parle de littérature encore. J’évoque le classicisme de l’écriture sénégalaise. Sa profonde soumission à la langue française. Un héritage de Senghor ? Léopold, je veux dire. Une place trop importante des classiques français dans l’éducation des jeunes sénégalais ? Sur Senghor, il me rappelle que sa poésie est plus disruptive qu’elle n’en a l’air et qu’elle emprunte pas mal à la langue sérère… Je reviens sur Lopes, Mabanckou, Sony, Nganang, l’Afrique centrale littéraire que j’affectionne pour l'irrévérence avec laquelle ses grandes plumes abordent la langue française.
Le jour 2, en matinée, j’assiste à une journée d’excellence organisée par l’administration du Monument de la Renaissance africaine. Tous les meilleurs élèves des écoles et collèges qui sont venus visiter le site sont récompensés. Il y a du monde. Certains élèves viennent de Tambacounda. Fais un petit tour sur Google Maps pour apprécier le voyage. Le directeur de cabinet du ministre est présent ainsi que l’impressionnant diarraf de Ouakam. C’est le chef coutumier des Lebou. Plusieurs artistes musiciens et comédiens animent la matinée. Entretenir l’excellence. Récompenser les meilleurs. Les mettre en compétition avec d’autres pour les challenger. Voilà qui m’introduit à la Foire du livre que j’aborderai dans le deuxième volet de mon article.

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