Répondre à la double priorité écologique et sociale de massification de la rénovation des logements et de lutte contre la précarité énergétique, tel est l’objectif de tous les gouvernements qui se sont succédés depuis le Grenelle de l’environnement. Objectif non atteint à ce jour tant la tâche est immense, mais pas pour autant impossible.
L’une des pistes explorées actuellement par les bailleurs sociaux pour rénover à grande échelle est l’industrialisation. Celle-ci a ainsi été retenue à Longueau, dans la Somme (80), par le bailleur ICF Nord-Est Habitat, pour rénover 12 pavillons des années 1960.
Cofinancé dans le cadre du programme Interreg North West Europe E=0 et bénéficiant d’une aide de l’Ademe et de la Caisse des dépôts, le projet a été mené par Bouygues Bâtiment Grand Ouest avec des objectifs très ambitieux : niveau énergie zéro tous usages, garantie de performance sur 30 ans, requalification architecturale et bien sûr, amélioration du confort des habitants.
Accompagner la massification
Pour cette opération, maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et entreprise se sont appuyées sur le projet européen EnergieSprong. Financé en France par le programme de Certificat à économie d’énergie, il a pour finalité d’accompagner la massification de la rénovation énergétique par une approche industrielle.
D’abord élaborée au Pays-Bas, cette démarche établit un cahier des charges exigeant qui repose sur quatre piliers : niveau d’énergie zéro garanti sur 30 ans ; travaux rapides en sites occupés (moins de 10 jours), amélioration du confort et design pour la satisfaction des occupants et financement (en partie) du surcoût engendré par les travaux par la vente d’énergie renouvelable et la réduction des dépenses énergétiques.
L’objectif final étant de standardiser les techniques, « de passer du sur-mesure au prêt à porter », résume Sébastien Delpont, directeur associé de Greenflex, qui accompagne le déploiement de la démarche en France.
Pour Nicolas Bernier, architecte, studio d’architecture Ranson Bernier en charge du projet : « C’est avant tout une méthode de conception « durable ». Une réinterrogation de la rénovation énergétique, en se focalisant sur l’enveloppe et les équipements techniques. L’équipe pense simultanément la conception, la construction et la gestion des équipements des bâtiments.
C’est donc une approche multicritère, synthétique et transversale, pour la recherche des meilleurs arbitrages afin d’atteindre l’objectif E=0. ». Du côté de l’entreprise, Maxime Hugonnet, coordinateur recherche et développement Bouygues construction, ajoute : « Cette approche a l’avantage de faire évoluer notre industrie en travaillant collectivement sur la demande et sur l’offre avec un tiers de confiance, ce qui facilite la mise en relation et le travail collaboratif ».
De fait, précise Christian de Nacquard, directeur recherche et développement chez Bouygues Construction : « C’est ce système qu’il faut travailler comme nous faisons, si l’on veut changer d’échelle. Cela correspond à la vision que nous avons du futur de la rénovation énergétique : plus qualitative et massive avec un engagement de résultat afin de se différencier. En découle une grande expertise que ce soit au plan technique ou pour le montage de projet. »
Enclencher une dynamique de baisse des coûts
A Longueau, cela s’est traduit – après relevé numérique de l’existant – par la fabrication en usine de nouvelles façades très performantes. Celles-ci sont « pluguées » en quelques jours sur les maisons existantes, le relevé numérique et la préfabrication permettant une précision inédite. Sachant qu’ici les parois préfabriquées intègrent également les équipements techniques : modules de chauffage et panneaux photovoltaïques pour la production d’électricité nécessaire à la consommation d’électricité des logements. Avantage : aucune intervention dans les logements pour changer le système de chauffage.
Le retour d’expérience s’avère très satisfaisant : « Nous avons appris que techniquement cela marche : nous avons livré un bâtiment à énergie positive (Bepos), qui produit 50 % de plus que ce qu’il aurait dû produire. Le résultat est très convaincant », se félicite Maxime Hugonnet. Reste la problématique du coût : « C’est aujourd’hui une démarche onéreuse. Il nous reste donc ce challenge : enclencher une dynamique de baisse des coûts, tout en gardant le même niveau de qualité. Nous y travaillons », concluent en cœur Christian de Nacquard et Maxime Hugonnet.