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10, 20, 30, 40, 50 : la classe 0 en musique

Publié le 05 janvier 2020 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

Joyeuse année 2020. Qu’elle soit musicale, pleine de découvertes et de surprises. En ce qui me concerne, je vais continuer ma pratique hédoniste de la musique – merci mes pré-retraités de collègues qui ont décidé de se faire un kif avec moi avant de reprendre une deuxième carrière de bluesmen  de luxe dans leurs divers groupes respectifs.

Qui dit année 0 dit changement de chiffre et pas forcément changement de décennie. Malgré tout, nous allons enfin abandonner dans les reviews de la sorte les années 1960 qui correspondait en gros à l’enfance et l’adolescence de mes parents (puisque mon père a eu 18 ans en 1970) pour commencer la review avec la décennie qui a vu naître ma sœur.

Force est de constater que, si nous idolâtrons avec le Mari la musique des années 1960, le Mari a un souci avec tout ce qui est phénomène culturel et social dans les années 1970 – décennie de décadence morale selon lui. Perso, je trouve qu’il y a eu des trucs quand même cool comme le punk, le disco, la légalisation de l’IVG en France ou certains écrits féministes fondateurs. Mais c’est sûr, il n’y a plus les Beatles, les Rolling Stones commencent à faire du caca et la soul made in Motown & Stax a l’air moins intéressante.

On va aussi devoir aborder l’année 2010, et du haut de mes 27 ans, je commence à ne plus vouloir m’intéresser à la musique populaire et à vivre sur mes souvenirs. Oui, je suis devenue une vieille conne dès lors que je me suis mise à travailler et à pouvoir payer sur mes propres deniers mes propres objets culturels. Nom de Dieu que la vie est mal foutue.

Allez, c’est parti !

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1970 : 50 ans après

Chansons écoutables

10, 20, 30, 40, 50 : la classe 0 en musique

Version française : Barbara – L’aigle noir

Quand il fallut chercher une chanson française intemporelle pour l’année 1970, outre du Joe Dassin, du Dalida ou n’importe quel yéyé random alors en perte de vitesse, je m’avouais fort dépourvue, d’autant plus que je subissais les remontrances du Mari derrière moi. Quand soudain, je suis tombée sur cette chanson intemporelle de Barbara, que nous croyions plus ancienne encore. Outre une orchestration pas si ancrée dans son époque – si ce n’est que le phasing de la batterie trèèès en vogue à la fin des années 1960 et au début des années 1970 en France, ce qui permet donc d’être moins vague sur la datation du morceau –, ce grand texte poétique qui raconte une histoire très traumatisante (la chanteuse raconte donc ses viols répétés par son père, ambiance) avait tout pour devenir un hymne dépassant l’effet générationnel. Et pourtant, ça sortait en face de divers morceaux de Polnareff, ce qui n’est pas rien.

Version internationale : Black Sabbath – Paranoid

Là aussi, il aurait été facile de faire en sorte de choisir des morceaux de fin de règne, mais j’ai justement pensé qu’il aurait été préférable de penser 1970 avec un morceau synonyme de renouveau. Paranoid, marquant la naissance du heavy metal aux yeux du grand public, était donc tout indiqué pour cette thématique. Même si ça ressemble beaucoup à Born To Be Wild de Steppenwolf sorti genre deux ans avant et que Led Zeppelin avait sorti genre deux albums mythiques l’année précédente, la culture populaire a préféré se concentrer sur l’irruption de Black Sabbath qui avait une iconographie beaucoup trop sombre pour l’époque plutôt que sur des vieux hippies désabusés. Malgré tout, comme pour L’aigle noir, ça me fait très mal aux fesses que Paranoid ait déjà 50 ans, preuve que la chanson est intemporelle.

Chansons inaudibles

Version française : Mike Brant – Laisse-moi t’aimer

Puisque les yéyés étaient donc en fin de cycle, ils ont donc décidé de produire ce genre de petites horreurs pour continuer à truster les esprits français. C’est donc sous la houlette de Sylvie Vartan et de son impresario… Carlos [certes] que le jeune Moshe Brand, 22 ans, repéré dans un cabaret parisien, se fait écrire un morceau qu’il retranscrit en hébreu pour pouvoir l’enregistrer. Ce sera Laisse-moi t’aimer et ce sera un immense succès. 50 ans après et 45 ans après le suicide du chanteur, si toutes mes tatas entre 55 et 70 ans mouillent encore à la seule évocation de Moshe, devenu Mike, les générations ultérieures ont compris qu’un chanteur beau gosse et dépressif se devait d’être à la mode, en témoignent les millions de pisseuses millenial qui s’émeuvent à chaque suicide de chanteur de K-Pop random.

Version internationale : The Beatles – The Long And Winding Road

Ceci est la raison pour laquelle la séparation des Beatles est une bonne nouvelle et que George Martin n’aurait jamais dû lâcher l’affaire. Outre que l’album en entier est réellement infâme dans n’importe quelle version – et ne venez pas me dire que Phil Spektor a amélioré quoi que ce soit –, ce morceau composé par Macca est juste une vraie épreuve tant à enregistrer qu’à écouter. À enregistrer, parce qu’on voit clairement Ringo au 36e dessous et Lennon en totale roue libre à la basse (d’où « l’idée » de Spektor de foutre un orchestre éléphantesque pour cacher la misère), et à écouter parce que la version naked contient à froid tous les pains possibles. Et ça me fait chier que ce soit leur ultime single et succès.

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1980 : 40 ans après

10, 20, 30, 40, 50 : la classe 0 en musique

Chansons écoutables

Version française : Trust – Antisocial

AKA la chanson française la plus puissante de tous les temps et de surcroît un véritable hymne familial chez mon cher tonton qui l’a transmise en héritage à mon filleul qui est également son fils. Si vous voulez vous la péter en soirée, pensez que les chœurs à la fin du morceau ont été interprétés par… les patrons de Sony France, puisqu’il était plus de 21h et que plus personne n’était dans les bureaux. Je trouve cette anecdote, rapportée par Philippe Manœuvre, absolument délicieuse, étant donné le contenu de la chanson. Mais Antisocial se paie le luxe de ne pas être une chanson isolée, puisqu’elle s’intègre parfaitement dans le deuxième album du groupe, Répression, dont il existe une version anglaise travaillée avec Bon Scott, le premier chanteur d’AC/DC, avant son décès en février 1980. Ce deuxième album contient également beaucoup de « tubes » du groupe tels que Saumur, Fatalité, Monsieur Comédie ou Le Mitard, basé sur le témoignage de Jacques Mesrine, abattu quelques mois avant l’enregistrement de l’album.

Version internationale : Stevie Wonder – Master Blaster (Jammin’)

C’est à ce moment précis que j’ai dû m’enfermer dans une pièce à part de l’appartement, car le Mari a ressenti le besoin de me foutre ses références à la gueule. Sachant qu’il ne voit les années 1980 qu’à travers le prisme de la cold wave et que mes années 1980 étaient quand même bien plus colorées que les siennes, trouver une chanson internationale « intemporelle » pour 1980 a tourné au pugilat quand il m’a interprété A Forest de The Cure au stylophone. C’est donc au fond de mon lit que je vous présente une tentative réussie de Stevie Wonder de faire du son jamaïcain. Le problème étant que Stevie étant Stevie, à savoir un prescripteur sonore et artistique, Master Blaster a ouvert la voie à des milliers d’artistes pour faire du son caribéen pour touriste américain sous perfusion de capitalisme. Ca a donné des horreurs comme Reggae Night de Jimmy Cliff ou All Night Long de Lionel Richie.

Chansons inaudibles

Version française : Jairo – Les jardins du ciel

Encore une fois, je pioche comme chanson française honnie une chanson interprétée par un non-francophone. Ici, c’est un chanteur argentin qui a déjà une trentaine d’années, dont dix de carrière en Argentine d’où il dut fuir suite à un projet d’adaptation de textes de Borges – ça déconnait pas, la junte militaire. Il se fait donc connaître en France en chantant Cucurrucucu Paloma avec Nana Mouskouri en 1977, mais son plus gros succès, il le connaîtra avec cette reprise de Sun Of Jamaica du groupe allemand Goombay Dance Band, sortie la même année et tout aussi inécoutable.

Version internationale : Barbra Streisand – Woman In Love

On est bien d’accord que cette version originale de la diva Barbra est certes de la soupe, mais elle reste davantage supportable que la version française enregistrée la même année par, je vous le donne en mille : Mireille Mathieu.

Avouez que ça faisait plusieurs années que je n’avais pas tapé sur la demoiselle d’Avignon, mais cette review m’en donne l’occasion, par conséquent, pourquoi s’en priver ?

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1990 : 30 ans après

10, 20, 30, 40, 50 : la classe 0 en musique

Chansons écoutables

Version française : Niagara – J’ai vu

Les Rennais qui ont littéralement surfé sur la deuxième moitié des années 1980 entament la nouvelle décennie sur les chapeaux de roue en déménageant à Paris. Cela se traduit par un virage très rock alors qu’ils étaient plutôt standard pop et des textes très engagés. J’ai vu, comme le fait remarquer le Mari – qui est donc revenu à des paroles plus pertinentes – marquent la bascule entre différents conflits. En effet, en 1990, nous connaissons la fin de la Guerre Froide et des conflits armés en Afghanistan et au Liban, vite remplacés dans l’actualité par les guerres du Golfe (raison pour laquelle la chanson était en censurée à la radio en 1991) et de Yougoslavie.

Version internationale : Eros Ramazzotti – Se bastasse una canzone

Eros pète tellement la classe, sauf quand il parle de l’adoption des homosexuels, mais comme dirait le penseur post-moderne Frédéric Molas :

Bref, j’ai préféré choisir Se bastasse una canzone comme chanson internationale emblématique de 1990 face à Enjoy The Silence de Depeche Mode, parce que oui, cette chanson est iconique. Tirée de son cinquième album, In ogni senso, le succès que la chanson rencontre en Europe permet à Eros Ramazzotti de se faire repérer par des producteurs américains et de faire une tournée aux Etats-Unis, passant même dans le show de Jay Leno. Malgré tout, il fut vite déçu malgré avoir joué à guichets fermés au Radio City Music Hall de New-York, car il a essentiellement joué devant des descendants d’immigrés italiens. Comme si Linda de Souza faisait un triomphe à Pontault-Combault.

Chansons inaudibles

Version française : Patrick Sébastien – Le Gambadou

Parmi les comiques français à l’humour discutable qui ont sorti des singles en 1990, on a eu quand même une immense concurrence avec ça, Bo le lavabo de Lagaf’ et A toutes les filles du duo Barbelivien/Gray. Mon choix s’est porté sur ce morceau car non seulement c’est clairement pas terrible, mais j’ai trèèèès honte de connaître ça par cœur trente ans après. Bien échauffée en soirée, je saurais même vous faire la chorégraphie. Et dire que j’ai donné des leçons de bon goût pour la playlist de mon mariage. Je me dégoûte. En rédigeant cet article, je me suis aperçue que cette chanson est une adaptation de la chanson I’m Into Folk du groupe belge The Radios (1988).

La chanson est elle-même l’adaptation d’une mélodie irlandaise du XVIIIe siècle, The Irish Washerwoman.

Vous lèverez les jambes moins cons la prochaine fois que vous serez bourrés et vous me remercierez.

Version internationale : Chico et Roberta – Frente a frente

Parce que ça ne suffisait pas de faire saigner le frevo et toute la culture brésilienne avec la Lambada, les producteurs de Kaoma ont décidé de prendre le petit couple de danseurs tout choupi du clip et de leur faire enregistrer la Lambada à l’envers. Ca donne ce « tube » de l’été 1990 et heureusement que la blague a tourné court. En effet, pour cause d’une poussée d’hormones trop importante, le duo se sépare en 1993 (alors qu’ils sont respectivement âgés de 16 et 14 ans) et aucun des deux n’est tombé dans la drogue. En effet, Chico est pasteur et Roberta est vétérinaire, mais l’honneur est sauf, ils sont toujours potes.

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2000 : 20 ans après

10, 20, 30, 40, 50 : la classe 0 en musique

Chansons écoutables

Version française : Florent Pagny – Châtelet-Les Halles

Mais putain, c’est une bouse, cette chanson ! En plus, c’est pas Châtelet-Les Halles dans le clip, c’est Porte des Lilas !

Bref, j’ai ENORMÉMENT écouté Châtelet-Les Halles comme album français de 2000, en concurrence avec Marcher dans le sable de Gérald de Palmas et Seul de Garou. Alors oui, j’avoue qu’on peut me reprocher une écoute de variété française pas super-qualitative à l’époque, mais force est de constater que c’est ce qui passait en français sur Europe 2 et RTL2. Mais surtout, en fait, je n’écoutais pas tant de variété française que ça, puisque j’étais encore dans le trip son anglais et techno germano-belge.

Version internationale : Eminem – Real Slim Shady

Parmi le nombre de chansons que j’ai écoutées jusqu’à l’écœurement l’année de mes 17 ans, celle-ci est celle qui me file le moins de boutons. Parce qu’entre les chansons que je trouvais objectivement pourries (je vous regarde, Britney, Christina et Beyoncé) et les chansons qui ont fini par me sortir par les orbites (le Mari avait porté son choix sur Stan du même Eminem, mais sa simple évocation me file la nausée), j’avoue que le changement de millénaire ne m’a pas gâtée en termes de nouveaux sons.

Chansons inaudibles

Version française : Philippe d’Avila, Damien Sargue & Gregori Baquet – Les rois du monde

A la jonction des années 1990 et 2000, il y eut une vraie invasion des comédies musicales suite au succès de Notre-Dame de Paris by Plamondon & Cocciante. En cette année 2000, il y a eu deux comédies musicales qui se sont distinguées. Les mille et une nuits d’Ali Baba avec des compos tellement merdiques qu’elle en est restée confidentielle, et pourtant, Tu me manques depuis longtemps a fortement marqué le Mari. Et puis Romeo & Juliette, de la haine à l’amour, qui a eu beaucoup plus de succès, et qui a par conséquent été bien plus nocive dans la mémoire collective. Je m’excuse : Les dix commandements datait aussi de 2000, mais j’étais plus réceptive à la musique et à l’histoire.

Version internationale : Britney Spears – Oops ! I Did It Again

Et oui, elle l’a refait. Et à l’image de son premier album qui contenait … Baby One More Time, ce deuxième opus m’a vrillé mon cerveau plein de techno. En même temps, une fille d’à peine 18 ans qui te balance avec une voix de pouffiasse qu’elle n’est pas si innocente, heureusement qu’on était avant le phénomène Me too et que Bernard Pivot pouvait encore balancer des saillies avec Gabriel Matzneff. Parce que dans la même période, on a eu Moi Lolita avec une Alizée qui n’avait que 15 ans aux commandes. C’est là où on se dit qu’heureusement que les choses ont évolué en vingt ans.

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2010 : 10 ans après

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Chansons écoutables

Version française : Gaëtan Roussel – Help Myself (Nous ne faisons que passer)

Après avoir monté les combos Louise Attaque et Tarmac, après s’être lancé dans la composition et la production pour d’autres artistes (notamment avec le sublime Bleu Pétrole de Bashung), après avoir fait des musiques de films pour Benoît Délépine et Gustave Kervern, Gaëtan Roussel a décidé de signer un premier album sous son nom propre avant la quarantaine, Ginger, sorti en mars 2010. Le single Help Myself (Nous ne faisons que passer) lui permet d’acquérir un succès populaire et divers prix. Découvrir Gaëtan Roussel en solo a été pour moi une révélation car il me faisait chier avec Louise Attaque et je trouvais les média trop frileux quant à Tarmac (que je trouvais musicalement plus cool que Louise Attaque).

Version internationale : Aloe Blacc – I Need A Dollar

Si Egbert Dawkins III commence sa carrière musicale dès l’âge de 16 ans en fondant en 1995 son combo de rap Emanon, il ne se fait connaître qu’en 2010 avec ce tube issu de son deuxième album solo. Dès sa sortie, ce titre est choisi pour être le générique de la série HBO How To Make It In America. Alors qu’il jouissait d’un succès d’estime aux Etats-Unis, ce succès lui permis de faire des collaborations à l’international, comme le tube Wake Me Up avec le DJ suédois Avicii (2013) ou le projet français de jazz Roseaux depuis 2012.

Chansons inaudibles

Version française : Zaz – Je veux

Isabelle Geffroy se fait remarquer dès son enfance à Tours au cabaret Chez Nello. Armée d’une solide formation musicale, elle commence sa carrière à 21 ans, en 2001, dans un groupe de blues, puis dans un quintet de jazz. Les années 2000 sont l’occasion pour elle de toucher à tout, même au hip-hop. C’est dans ce contexte qu’elle répond à l’annonce de l’auteur-compositeur Kerredine Soltani qui cherche en 2007 une chanteuse à voix rauque pour sa chanson Je veux. Malgré tout, la chanson ne sera enregistrée qu’en 2010, avec l’argent qu’elle gagna avec le tremplin Génération de France Bleu en 2009. Si la chanson vilipende la société de consommation, cela ne lui empêche pas de bénéficier d’un matraquage massif durant l’été 2010 sur TF1. Et c’est ainsi qu’une chanson qui était moyenne a fini par me taper sur le système, au point que j’ai adhéré à des groupes FB Zaz, je veux… que tu fermes ta gueule !

Version internationale : Justin Bieber – Baby

Si le mec le plus insupportable de la décennie 2010 se fait repérer dès l’âge de 14 ans, en 2008, et sort son premier single l’année suivante, c’est précisément Baby qui le fait connaître à l’international alors qu’il n’a pas fêté son 16e anniversaire. Le clip devient le plus consulté sur Youtube, avant qu’il ne soit détrôné en 2012 par le Gangnam Style de Psy. C’est en m’apercevant du succès gargantuesque de ce titre aussi vide que les c*uilles de Manuel Ferrara que je me suis dit :

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A bientôt pour de nouvelles aventures musicales.


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