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Le passé comme ingrédient constitutif du présent

Par Carmenrob

Le propos

Le passé comme ingrédient constitutif du présent

Les écrivements, ce sont ceux de Jeanne, octogénaire rebelle, qui part sur les traces de Suzor, son mari, ayant quitté la maison avec fracas après 20 ans de mariage. Faut dire que leurs années de mariage avaient été marquées par une étrange et traumatisante expérience en Russie... Durant cette éclipse d'une quarantaine d'années, personne n'a pu remplacer Suzor dans le cœur de Jeanne. Celle-ci a noté les souvenirs de leur vie commune dans un carnet comme pour les enfermer et les neutraliser une bonne fois pour toutes. Mais la vie se rit souvent de nos illusions. Le jour où Jeanne apprend que Suzor souffre d'Alzheimer, toutes les barrières mises en place avec tant de difficulté pour conjurer le passé volent en éclat. Et voilà Jeanne sur les routes pour tenter de sauver leur amour des sables mouvants de l'oubli.

Quel personnage touchant que cette Jeanne, à la fois douce et violente, combative et lasse, pleine de tendresse ! Un personnage qui doit beaucoup de sa substance à la plume subtile et imaginative de Mathieu Simard. Ainsi entretient-elle une relation de fausse grand-mère avec une adolescente tout aussi attachante, Fourmi.

Extrait

En colère contre l'univers, elle [Fourmi] sait depuis longtemps qu'elle aussi est différente. Déjà, les autres ont des parents qui s'occupent d'eux. Ceux de Fourmi le font à microdoses, famille homéoparentale. C'est comme ça depuis qu'elle est toute petite. Des parents souvent absents et, lorsqu'ils étaient présents, ils n'en avaient que pour Charlot, le beau grand fort qui jouait du piano les yeux fermés et au baseball les lundis soir. Fourmi a grandi à l'ombre, sans eau, sans qu'on la change de pot. Elle avait toujours l'impression de déranger ses parents, surtout pendant la saison des impôts. Elle passait donc le plus clair de son temps enfermée dans sa chambre, à idolâtrer son frère et à dessiner des créatures squameuses et des chevaux sans tête. (p. 104)

Les écrivements, comme Fourmi a baptisé le carnet de Jeanne, est une réflexion sur la mémoire, l'oubli voulu ou imposé par la maladie. Sur l'impossibilité de gommer le passé. Sur l'amour, la tendresse. J'ai adoré.

Ce livre a été couronné du prix France-Québec 2019

Mathieu Simard, Les écrivements, Alto, 2019, 235 pages.


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