Le président Alberto Fernández l’avait laissé
entendre avant même son investiture : les animaux américains
sur les billets de banque, au prétexte que cela évite les querelles
idéologiques entre la gauche et la droite, c’était fini. Tant
mieux ! En espérant toutefois que les graveurs de la Banque
centrale de la République argentine auront des idées esthétiquement
plus heureuses que ces mochetés (ci-dessus) pondues il y a trois
ans, façon euros.
Les
premières mesures juridiques viennent d’être prises pour lancer
dès le mois de juin une nouvelle série de billets qui afficheront
des figures humaines, avec parité entre hommes et femmes. Les noms
des heureux élus n’ont pas été révélés encore mais on peut
avancer certains noms. Du côté des hommes San Martín et Belgrano,
c’est sûr. Jorge Luis Borges, c’est très probable. Du côté
des femmes, le choix de la musicienne Mercedes Sosa, de la poète
Alfonsina Storni et de la révolutionnaire Mariquita Sánchez de
Thompson, chez qui fut créé l’hymne national en 1813 et qui
travailla, dans la République argentine constitutionnelle, au tout
premier système d’éducation publique féminin, avant la loi de
l’obligation scolaire 1883, trois figures très connues d’à peu
près tous les Argentins qui ont compris ce qu’on leur a appris à
l’école, serait la logique institutionnelle et historique. Il
n’est pas impossible toutefois et c’est déjà le bruit qui court
que le gouvernement porte son choix sur le visage (souvent
imaginaire, pour ne pas dire complètement fantasmatique) de la
colonnelle indépendantiste Juana Azurduy, la grande figure féminine
chérie par les kirchneristes pendant les deux mandats de Cristina
Kirchner (1) et ce serait une erreur (bien digne de l’hégémonisme
argentin sur le continent) car Juana n’est pas argentine et ne l’a
jamais été. Elle était bolivienne et elle n’a jamais combattu
qu’en Bolivie, au cours de la guerre des partisans qui a conquis
l’indépendance du pays andin…
En
revanche, on peut raisonnablement penser que le gouvernement ne
remettra pas Evita en jeu, tant la sortie de ce billet avait fait
couler d’encre et énervé la droite. C’est même ce choix
polémique qui avait donné à Mauricio Macri cette idée saugrenue
et stupide de remplacer les hommes par des animaux (jusqu’à finir
son mandat en faisant disparaître les deux billets qui avaient
survécu au massage et portaient l’effigie des deux personnages les
plus consensuels de l’histoire nationale, San Martín et
Belgrano).
Attendons
l’automne austral pour découvrir les nouveaux billets qui
remplaceront petit à petit et sans à-coup ceux actuellement en
circulation.
Pour
en savoir plus :
lire
l’article de Página/12
lire
l’article de La Nación
(1)
au point qu’elle a finit son mandat en défigurant la plaza Colón,
derrière la Casa Rosada, en y remplaçant la statue de Christophe
Colomb, offerte officiellement par l’Italie, par une hideuse
effigie où la révolutionnaire issue de la haute société coloniale
était représentée en virago vociférante, agressive et grimaçante,
tout ce qu’il y a de plus repoussant. La statue a été retirée
par Mauricio Macri pour faire place à un héliport pour
l’hélicoptère présidentiel qui fait la navette matin et soir
entre la résidence, à Olivos, et le palais (super-écolo comme
système) tandis que le toit de la Casa Rosada, qui abritait
autrefois la piste d’atterrissage, était censé être végétalisé
et transformé en potager urbain ou quelque chose du même genre qui
semble ne s’être jamais fait. J’ignore où se trouve la statue
de Juana Azurduy, que personne ne semble regretter à Buenos Aires.
Celle de Christophe Colomb a été érigée près du fleuve, assez
loin de tout.