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Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 3), épisode bonus !

Par Blackout @blackoutedition

Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV

Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 3), épisode bonus !

Photo de Simon Woolf

Le 43, épisode bonus : Bouna et la sœur de Karl !

Je l'ai accrochée que deux fois et c'était au 43. La sœur de Karl. En fait, il en a deux, mais j'ai jamais vu l'autre. Y voulait absolument me la présenter parce qu'elle était écrivaine. Mais je hais la fréquentation des autres écrivains, ayant déjà du mal à me supporter moi-même. Ils aiment jeter du jus tout en le faisant à la pose, mine de rien, avec des « tiens donc, c'est moi qui aie fait ça ? », priant qu'on passe leur égo à la moulinette. En gros, c'est comme s'ils avaient créé l'univers sans le faire exprès. Arrivé à la terrasse du 43, je cloque l'archétype de la chieuse d'encre. Un physique banal, un peu boulotte, des cheveux mi-longs mi châtain banals, un visage de guimauve banal et des nippes en croûte à pâté, c'est-à-dire banals. Le type de nana chiante et cérébrale, à l'aura garçonne qui me fait bien penser qu'elle est goudou. Nos pintes de kro servies, Karl oriente fissa la conversation vers l'écriture. Et comme par ruse de scribouillarde, la frangine se fait passer la main dans le dos avant même d'ouvrir la bouche, si ce n'est pour recracher d'un air désinvolte et altier la fumée de sa lucky mentholée. - Eh Kalache, tu sais que ma sœur a participé à des émissions littéraires à la téloche ? - Non. - Elle a même travaillé pour Glamarion et Flamilard ! - Super. Et tu as publié quoi ? que je m'adresse à la reuss. La fille baisse les yeux sur moi et me sort, d'un air à la fois rouleur et couillon : - J'ai écrit pour les autres jusqu'à présent. - Comment ça ? - J'écris des bio de gens renommés. - Et t'as jamais écrit pour toi ? Enfin des trucs de toi... pour toi ? - Non, j'attends l'œuvre... - (...) - J'attends cette œuvre que je dois écrire. La vraie, celle de ma vie, l'absolue. En attendant, je fais des recherches historiques afin de la faire émerger... conclut-elle d'un air très évasif. Je suis scié. J'ai jamais loché une connerie pareille : un auteur qui attend au coin de bois la révélation pour écrire son premier bouquin, censé devenir la nouvelle giclette du panard de l'humanité. Ce serait comme attendre d'être frappé par la foudre pour se vider les c... (désolé, on me reproche d'abuser des grossièretés). - Sinon, tu bosses sur quoi en ce moment ? - Chuis sur la bio d'un mec ultra réputé à Paris. Karl nous coupe et me sort : - On se demandait justement si la photo de l'écrivaine ne devait pas apparaître sur la couverture. - Ben non, que j'ui réponds, le lecteur n'en a rien à glander. C'est la photo de la personnalité qu'il veut voir. - Ouais, mais si l'écrivaine a une grande réputation de biographe... - C'est kif kif. On achète le bouquin pour la star, et rien à carrer du graffignoux. À ces mots, mes deux compères se lèvent et me saluent. J'ai certainement dû sortir une connerie. Quelques semaines plus tard, vlà-t-y pas que je tombe sur la star du futur best-seller... au 43 ! Bien entendu, j'le situe pas directement. C'est Layla qui me fait le topo en loucedé. Voilà donc le mec aux balloches dorés, celui qui va faire le buzz dans l'univers de l'édition : Bouna de son vrai nom. Un baratineur tunisien sapé Cuba libre, costume fever blanc gangster et chapeau noir borsalino, le gars se la joue Capone. Installé en terrasse avec cette caricature de camarilla, j'ai l'impression d'être autour d'une table de Black Jack. Et ce soir, une fois n'est pas coutume, on se met en mode tournées de shots. Chacun son tour, on paye sa barque en discutant chiffons. Mais le riz-de-veau cubain saute régulièrement son tour, tel un peigne cul sec comme torchette... ce qui ne l'empêche nullement de torcher tout ce qu'y peut, en nous infligeant un feu d'artifice d'histoires à dormir debout, notamment sur ses grandes amitiés « people » et ses soirées « select » à Panam. Il est un peu emmerdé d'être coincé à Besançon, et de manquer ses séances de fitness avec Gérard Depardieu dans la salle de sport de Michel Houellebecq, ou ses déjeuners quotidiens avec Michael Schumacher à l'atelier étoilé de Joël Robuchon, qu'il avait pistonné jadis pour qu'il obtienne son émission « Bon appétit, bien sûr », grâce à son ami producteur Guy Job... et bla bla Dujardin... bla bla Rihanna... bla bla Nakamura... bla bla Sylvester Stallone, etc. Sans compter son influence déterminante dans la décision de réaliser un nouveau Men in Black et un Avengers 4 : endgames, avec Scarlett Johansson, qui était l'une de ses anciennes conquêtes... Bilan de la soirée : le mec a torché pour cinquante euros de shots et n'en a craché que cinq. Il n'a cessé de vouloir nous faire avaler des boas constrictor et sacré nom du foutre d'un chien galeux moldave, je repars du 43 complètement torché, comme d'habitude ou presque, avec la certitude d'avoir eu la chance de rencontrer les Pierre et Marie Curie de la littérature française.

Richard Palachak

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