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Peut-on marketer de la même façon biens culturels physiques et dématérialisés ?

Publié le 18 février 2020 par Aude Mathey @Culturecomblog
Dématérialisation des oeuvres culturelles  - © GetclicksDématérialisation des oeuvres culturelles – © Getclicks

L’essor d’Internet au début des années 2000 a commencé par engendrer des débats sur le potentiel qu’il offrait en termes d’accessibilité à la culture, avec les oeuvres des musées, du théâtre, du cinéma (Youtube et Dailymotion), de la musique (qui ne connaît pas aujourd’hui Spotify et Deezer), de la lecture (avec les tablettes et liseuses) et de la vidéo (VOD).

L’émergence de ces différents produits, qui parfois sont simplement une transcription sur un autre support d’une oeuvre déjà existante, a commencé par créer des questions quant aux droits d’auteur, à leur accessibilité (à la fois culturelle et physique, sans mauvais jeu de mots) mais également quant au traitement marketing que l’on devrait leur appliquer.

Faudrait-il suivre la même stratégie que pour les oeuvres sur les anciens supports, alors que pour certains secteurs culturels, le modèle économique-même est impacté ? Ou est-il préférable de les considérer comme des produits et des oeuvres à part entière ? Quid également de la numérisation de ces œuvres et de la saisie des données à grande échelle.

Le marketing culturel, un marketing de l’offre et non de la demande ?

Le marketing culturel a de cela intéressant qu’il est principalement tourné vers la commercialisation de produits pouvant avoir un effet positif sur le public visé et la numérisation des œuvres a rendu possible l’accès à la culture au plus grand nombre alors qu’elle n’était pas considérée comme un produit de première nécessité.

Ainsi, plusieurs études ont démontré que l’accès à la culture était directement lié à une meilleure espérance de vie, à un meilleur apprentissage chez les jeunes enfants, jusqu’au point ou certains pays prescrivent des visites d’expositions. Par conséquent, le marketing mix (ou les 4P du marketing: produit, prix, place et promotion) a besoin d’être adapté à ce secteur, dont les contenus (terme à mon sens plus adapté que produit, j’y reviendrai plus tard) ont été pour la plupart au départ développés non pas suite à une demande formulée par son public mais par le génie créatif d’un auteur, conservateur ou musicien par exemple. Le secteur culturel a dû donc s’assurer du bon message à formuler pour pousser un public à consulter ou acheter son contenu.

Bien entendu il existe toujours eu des exceptions, certains contenus ont spécifiquement été créés suite à l’identification d’un besoin, que ce soit dans la musique, la littérature (ex. les ouvrages de développement personnel) ou encore en vidéo. Cependant, c’est avec l’avènement et l’expansion des contenus dématérialisés que ce nouveau type de création a pris de l’ampleur.

C’est ainsi que les algorithmes de Netflix, Deezer et Spotify sont capables de pousser certains contenus plutôt que d’autres en fonction des préférences de leurs publics, mais également de pousser à la création de nouveaux types de contenus qui seraient plus adaptés à une nouvelle demande, occultée jusqu’alors.

Ce véritable changement de paradigme a entraîné de nombreuses interrogations auprès des professionnels de la culturel, qui ont commencé dès lors à s’intéresser de plus près à leurs publics, à les segmenter, et à développer voire adapter leurs stratégies de marque.

De nouveaux défis apparaissent

Un des premiers constats que les professionnels ont réalisé suite à l’analyse des différentes études de leurs publics est que la consommation des contenus culturels dématérialisés n’est pas la même que les contenus physiques.

Les biens dématérialisés ont fait naître de nouveaux défis (comme tout nouveau support) propres tout d’abord à la technologie et à la méthodologie :

  • Comment retranscrire les biens physiques de façon fiable et au meilleur coût ?
  • Quels sont les supports offrant la meilleure pérennité ?
  • Comment les diffuser au plus grand nombre ?
  • Quelle compatibilité de supports offrir ?
  • Quelle protection apporter au contenu afin d’en éviter le partage à large échelle ?

En effet, la numérisation, qui au-delà de permettre au plus grand nombre d’y accéder, a également mis en avant la sauvegarde et la pérennité des œuvres, notamment des livres, rapports et autres documents papier. Ainsi, la saisie de documents et la numérisation de données sont apparues comme LE défi à atteindre pour différents acteurs du marché, et pas uniquement dans la culture. Cela touche tous les types d’entreprises, tous secteurs confondus.

Puis, leur déploiement a fait émerger un nouveau modèle d’affaires, suite à la lutte contre le P2P (peer to peer et le partage illégal de contenus entre particuliers). Les industries culturelles ont par conséquent dû réinventer de nouvelles façons de commercialiser et de communiquer auprès de leurs publics. C’est ainsi que sont nées la VOD par exemple et les différentes formes d’abonnements pour les contenus musicaux et vidéos. Le secteur de l’édition semble quant à lui chercher encore un modèle d’affaire fiable, nombre d’ebooks étant encore à un prix en décalage (comprendre trop cher) pour permettre une réelle expansion de ce contenu.

Parallèlement à ces défis, des questions relatives au droit d’auteur mais également à l‘exception culturelle ont commencé par être posées. Les biens culturels dématérialisés ont ainsi, en un peu de moins de vingt ans, complètement bouleversé le secteur.

Contenus physiques et dématérialisés : une stratégie différenciée

On assiste donc bien là à l’émergence de nouveaux biens culturels. Le business modèle est différent, le support et le contenu-même peuvent être rendus uniquement disponibles sur une seule plateforme et enfin les usages varient énormément d’une audience à l’autre. Ne serait-ce que pour s’adresser à des publics spécifiques, les organisations culturelles doivent donc dorénavant segmenter leurs publics, leurs contenus et adapter leurs messages.

Du fait également que la création de nouveaux contenus adaptées à une certaine demande du public se soit retrouvée facilitée par l’étude des comportements, les biens culturels dématérialisés peuvent offrir une alternative intéressante.

L’opportunité réside, à mon sens, dans le fait que ces contenus apportent une complémentarité d’usage dont les industries seraient bien sottes de ne pas en tirer partie. La résistance du secteur de l’édition, par exemple, vis-à-vis des ebooks est en effet aberrante quand on sait que 68% des lecteurs sont des technophiles et donc un public que le papier a toujours eu du mal à fidéliser.  Cependant, les prix encore élevés et le manque de compatibilité inter-support ou le non-partage possible de l’ebook avec ses proches font que ce marché ne rencontre pas le succès qu’il devrait.


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