
J'y ai mangé les meilleurs poireaux-vinaigrette de toute ma vie, à ceci près que ce sont des poireaux mimosa servis à peine tièdes et que la sauce n'est pas vraiment une vinaigrette même si elle contient du vinaigre et de l'huile. On a l'habitude au Québec, m'expliqua le patron, de cuisiner des recettes européennes en les twistant avec une petite touche d'épices. Il ajoute du comté 18 mois et des brisures de bacon à l'érable. Le résultat est bondieusement goûteux et je regrette que ma photo ne soit pas à la hauteur de la saveur ni de la présentation raffinée.
J'étais libre du choix du plat mais aurais-je pu commander autre chose qu'une poutine, mais il faut peut-être vous expliquer ce qui compose ce plat, apparu dans les années 50. avec juste trois éléments : des frites, de la sauce brune et du fromage en grains. La poutine est vite devenue populaire outre-atlantiqu. des concours de recettes sont régulièrement organisés. Nous autres, maudits français, nous sommes moqué longtemps de cette association, peut-être parce que nous avons un énorme choix de fromages alors qu'outre-atlantique il y a surtout du cheddar, en particulier celui de la fromagerie Saint-Guillaume et jusqu'à preuve du contraire le Québecium est le seul restaurant de tout Paris à importer ce fromage (et donc à préparer une authentique poutine).
Au fil du temps des québécois célèbres nous ont convaincu d'apprécier ce plat. Je me souviens de Linda Lemay en parler dans une de ses chansons avec beaucoup d'humour mais je n'avais jamais eu l'occasion d'en goûter.
Plusieurs explications circulent quant à l'origine du nom. J'aime bien celle de Benjamin qui m'a expliqué que ne sachant que faire des raclures de cheddar quelqu'un aurait dit en désignant un bol de frites : ben put it in (mets les dedans !). Il n'y avait plus qu'à arroser de sauce et servir.

Si le fromage vient du Québec la majorité des ingrédients est de provenance la plus régionale possible, voire même locale, comme certaines bières d'ailleurs.
Tout est servi dans une vaisselle de métal galvanisé, simple et jolie, qui apporte une note joyeuse et décontractée. Les verres sont eux aussi d'une grande sobriété, bien alignés pour une dégustation qui s'est poursuivie le temps du repas, en progressant de gauche à droite de la plus légère à la plus capiteuse (en toute modération) et qui existent toutes à la pression.

Ensuite la Batignolles, une Pale Ale légèrement houblonnée. C'est la bière réalisée par le brasseur local et partenaire Hespebay qui a voulu lui donner le nom du quartier où est née sa passion pour l'art de la brasserie. Vient alors la Rosée Hibiscus, brassée, elle, au Québec par Des du Ciel. C'est une blanche, rosée par la fleur, qui remporte un vif succès, tout à fait justifié.
On peut aborder avec la poutine la René Lévesque, le fondateur du parti québécois, une IPA nordique "maison" dont Benjamin a raison d'être fier, titrant 5,9°, bien houblonnée mais dont l'amertume s'estompe en fin de bouche. Belle réussite.
On poursuit avec la Brume Singe, une ambrée qui se situe entre les brunes et les rousses, encore une création de Fabien Nahum brassée chez Hespebay, et qui libère de belles notes de caramel procurées par la fermentation de levures belges.
Et pour finir, une autre bière de chez Dieu du Ciel, une noire mais moins lourde qu'une Guiness, une Stout au café titrant à 9,5% qui pourrait remplacer une tasse café chaud pour terminer le repas.







Il était tentant de donner à celui-ci ce nom de "caribou" mais il a opté pour celui de Québecium qui sonne un peu comme l'intitulé d'un laboratoire de recherche et que Benjamin Berthiaume a choisi en hommage à Pierre Demers, illustre physicien montréalais et grand patriote québécois, est décédé le 29 janvier 2017, après avoir recueilli l'accord de son fils. Et que la prononciation de ce nom soit spéculative n'est pas pour déplaire au patron.


Je suis partie en me promettant de revenir, un midi pour découvrir d'autres spécialités, un soir pour profiter de l'intimité de la cabane à sucre, un samedi pour le brunch ou au printemps prochain un dimanche pour vivre la nouvelle formule du brunch que Benjamin promet "comme là-bas" en formule buffet et sans doute avec de la musique. Voilà une adresse fort sympathique à retenir où, vous l'aurez compris, tout est fait maison.
