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#2020RacontePasTaVie - jour 58, libraire

Publié le 27 février 2020 par Aymeric

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Je ne sais plus si je vous en ai déjà parlé mais j’ai été libraire.

Enfin j’ai travaillé dans une librairie où je devais porter un gilet rouge.
Parfois. La direction n’était pas heureusement des plus à cheval sur cette obligation.

C’était au siècle dernier, dans la librairie, alors tenue par Hachette, située dans la Cité des sciences et de l’industrie sise au numéro 30 de l’avenue Corentin Cariou, 75019 Paris.

En fait de libraire, une part importante de mon travail consistait, alors qu’approchait l’heure de la fermeture, à rendre de la monnaie à une longue file de touristes achetant une carte postale avec un billet de cent francs (le siècle dernier vous disais-je).

Je devais également m’occuper une à deux fois par semaine des réceptions et retours de la presse aux Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne et aux Messageries lyonnaises de presse.
Pour l’occasion je me levais assez tôt pour traverser Paris – RER B, ligne 5, ligne 7 – sur les coups de six heures du matin, somnambule parmi les somnambules, dont beaucoup d’harassés.
L’entrée, au bout du trajet, dans une Cité des sciences déserte, comme à ma seule disposition pendant plus d’une heure, achevait de donner un parfum de retrait du temps à ces petits matins.


Autre activité que je n’imaginais pas vraiment en lien avec le travail en librairie, celle de semi-vigile.
Je ne sais pourquoi – peut-être en vertu du privilège qu’on accorde au dernier arrivé – mes collègues me confiaient régulièrement la tâche d’aller demander à quelques clients, à leurs yeux suspects, d’ouvrir sacs ou manteaux.
Outre un ventre un peu travaillé par la trouille – une question de tempérament comme de contexte, les bastons n’étaient pas si rares aux abords de l’endroit – rarement mission professionnelle ne m’avait fait ressentir un tel malaise.
Je m’exécutais, embarrassé, avec moult salamalecs bafouillés qui ne me protégeaient pas des insultes.
Insultes sans doute en partie justifiées vu que je n’ai jamais – à mon grand soulagement rétrospectif – pris qui que ce soit sur le fait.

Néanmoins j’ai tout de même pu faire de temps à autre un vrai travail de libraire au service du client, répondant par exemple à :

- « Je ne me souviens plus du livre mais je crois que la couverture est rouge. »
(En vérité, il est possible la plupart du temps de retrouver l’exemplaire car il s’agit bien souvent d’un livre lié à l’actualité du moment.)

- « Bonjour qu’est-ce que vous auriez comme livres, c’est pour offrir ? » (Le client n’est généralement pas capable de donner un genre de prédilection et ne fournit pas plus d’informations sur le destinataire que « c’est quelqu’un qui aime lire ». L’occasion rêvée de placer un auteur dont vous souhaitez augmenter les ventes.)

- « Mais comment pouvez vendre/ne pas vendre tel auteur ?! »
(J’ai pu constater à cette occasion que mes capacités de justification étaient beaucoup moins développées que celles consistant à passer pour un ahuri souriant mais tout à fait ignorant de la politique maison. Assez efficace pour neutraliser le scandalisé mais je ne suis pas certain qu’il faille en être fier.)

En dehors de ces clichés réellement vécus, je garde quelques précieux souvenirs du métier. Je pense notamment à une longue et très riche conversation avec une jeune fille du quartier désireuse d’acheter des livres d’Avicenne.
Je me rappelle surtout avoir largement profité des réductions sur l’achat de livres que la profession permettait. (Je vous ai déjà parlé de ma tendance à accumuler des livres plus vite que je n’en lis?)

Malgré cela j’ai quitté le gilet rouge et la caisse de libraire au bout d’une année au prétexte d’aller retenter ma chance à l’université. Cela mériterait peut-être d’être raconté mais le temps presse et votre patience s’use.


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