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Les imaginaires ont leurs parfums

Par Chatperlipopette
Depuis plusieurs mois j'ai délaissé l'excellente initiative de Vanessa: les passeurs d'imaginaire. En mai-juin, le thème mettait les parfums à l'honneur et en illustration, Vanessa a mis l'affiche du film "L'odeur de la papaye verte", film que j'avais adoré!
Les parfums, les senteurs, accompagnent tous les âges de la vie.

L'odeur maternelle est la première à nous accueillir lors de notre entrée dans le monde, odeur inscrite au plus profond de notre mémoire, au plus profond de nos sens. Elle ne nous quittera jamais même si nous l'oublierons, ou plus exactement nous croirons l'oublier.
Peu à peu, les odeurs, les senteurs et les parfums du monde construisent notre mémoire olfactive des lieux, des êtres, des mets ou des paysages.

Qui ne se souvient pas de l'odeur particulière de la rentrée des classes? Les tables portent encore les senteurs de l'été qui s'achève, celles de la solitude silencieuse des lieux du savoir, celle des armoires fermées où dorment, patients, cahiers et crayons, règles et fusains, feuilles et gommes, livres et manuels.



L'été apporte une large contribution à l'éventail des parfums. Le soleil éclatant sous lequel mûrissent les blés d'où s'échappe une odeur sèche et craquante de céréale. La pluie estivale sur la route goudronnée fumante et exhalant sa lointaine senteur de champ pétrolifère. La terre humide de l'averse passée libérant son parfum musqué d'humus et d'entrailles où croissent racines et radicelles. L'été c'est aussi l'odeur des melons qui mûrissent dans les compotiers, celle des fraises et des cerises, des abricots et des pêches dans lesquelles nous mordons à pleines dents, celle des mûres que nous cueillons sur les talus, entêtante et miellée.


Ma mémoire olfactive me rappelle l'heure du goûter alliant l'odeur du chocolat en barre ou de confiture à celle du lait perlant aux mamelles des vaches, à la campagne, peu de temps avant la traite. Mais aussi celle du foin fraîchement retourné, celle de la terre nouvellement labourée.
Je me souviens des odeurs chaleureuses de la cuisine où ma mère s'affairait en rentrant du travail: je faisais mes devoirs dans ma chambre et dégustais par avance le repas du soir....même l'odeur des endives au jambon me faisait saliver alors qu'une fois dans mon assiette, elles représentaient un vrai calvaire!


Les livres savent prendre au piège le nez de celui ou celle qui se laissera prendre au parfum envoûtant des pages dormant sur l'étagère d'une librairie.
Il est des parfums désagréables mais pas rebutants pour autant: celle du fumier, celle des feuilles qui lentement pourrissent, celle de la rivière suant sa vase sous le soleil, celle de la sueur des enfants au retour d'une récréation active faite de courses et de roulades sur le bout de pelouse de la cour.

Il est des senteurs inoubliables: celles de l'intimité de deux corps qui se rencontrent dans la moiteur sensuelle, découverte sans cesse renouvelée, éternel émerveillement.

Il est des voyages sans fin au gré des parfums rencontrés au hasard des rencontres, des chemins, des routes ou des êtres. Les odeurs sont aussi des carnets de voyages de l'invisible et de l'indicible qu'une fragance inopinée fait rejaillir à la surface de la mémoire. Ces senteurs enfouies ou juste recouvertes d'autres parfums, sont les soubassements, les fondations et la charpente de chacun d'entre nous...elles nous façonnent, jamais à l'identique, et font de nous ce que nous sommes et ce que nous deviendrons. Une partition d'effluves, d'arômes et de bouquets apaisants ou entêtants, agressifs ou lénifiants, musique transparente et muette des épidermes et des corps.

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