Il est un enseignant de l'Advaita Vedânta traditionnel le plus radical. Il pointe directement notre essence de paix : le Témoin de l'apparition des pensées, le Témoin de la disparition des pensées. Évident, immédiat, plus proche que les pensées, plus facile que de ne rien faire. Ira précise que cela n'est pas un état mystique spécial, mais ce que je suis réellement, avant et après toute expérience mystique ou ordinaire. C'est comme l'espace : impossible de l'atteindre, impossible de le quitter, impossible d'en sortir. L'éveil, selon le Vedânta, n'est pas basé sur la foi, sur une croyance ou sur l'autorité d'un être supérieur.
Et pourtant, il affirme que nous ne pouvons en avoir qu'une compréhension "intellectuelle", comprenez : une compréhension superficielle. Selon Ira, il est quasi impossible de s'éveiller. Quiconque affirme qu'il est éveillé, est un menteur ou un ignorant. Il faut plutôt se purifier par un exercice quotidien et s'entraîner à se priver des choses se détacher. Un jour, à la Saint Glin Glin, nous atteindrons l'éveil.
C'est frappant : il affirme d'un côté que l'éveil est éveil à l'évidence ; et, de l'autre, que l'éveil est réservé aux saints.
Cela est typique d'une attitude très répandue. Elle consiste à présenter l'éveil, tout en l'éloignant, en le mettant sur un piédestal, sous prétexte de protéger sa "pureté" contre tout abus égotique.
Je ne suis pas d'accord. L'éveil ne fait pas de moi un saint, ni un sage. C'est juste l'éveil à un fait : la conscience, la présence, le vide, le silence dans lequel les bruits vont et viennent, sans séparation, comme des vagues sur l'eau. Si des individus "instrumentalisent" la vérité pour rationaliser leurs abus, je crois que cela n'a rien à voir avec l'éveil. Pourquoi ? Parce que je constate les mêmes abus dans des milieux qui n'ont rien à voir avec cet éveil, mais qui prônent, par exemple, la purification, l'ascèse et le travail intérieur, ou la foi aveugle en un maître. Ces abus viennent principalement de dynamiques de groupe. Et certes, je dois agir de façon moralement bonne. Mais l'éveil ne m'aide pas en cela. Je sais, de toutes façons, que je dois être bon, avant et après l'éveil, indépendamment de l'éveil.
Tout se passe comme si Ira mettait l'éveil sur un piédestal, dans un lieu inaccessible, alors qu'il pointe directement l'évidence par ailleurs. Comme s'il avait peur de l'éveil. A mon avis, c'est parce qu'il associe l'éveil à une sorte de pouvoir. Mais au prix d'une terrible contradiction, d'un terrible double langage. C'est le problème du Vedânta et des traditions d'éveil : sous prétexte de transmettre l'éveil, elles le mettent en cage.
Mais pourquoi compliquer ainsi les choses ? L'éveil est simple. La réalité est simple. L'éveil est juste un arrêt, un silence, un réveil. C'est indicible, mais très simple. Chacun vit au bord de l'éveil, car chacun vit ces moments de silence, absolument simple, indicible. C'est universel. Commun. S'éveiller pour de bon, c'est prendre confiance en ce silence nu. Ou plutôt, reprendre confiance. Et la vie intérieure est cette manière de vivre dans le silence intérieur. Quoi de plus simple ? Stop.
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