On n’est pas obligé d’être d’accord avec un livre pour l’apprécier. C’est ce que j’ai compris avec Le Pilon de Paul Desalmand. Il nous entraîne de façon originale dans la vie d’un livre dont on connaît le poids et la taille à la naissance, ou plutôt à la sortie de la maison d’édition. Nous n’en connaîtrons pas le contenu, sauf, ici ou là, quand il témoigne (sans doute sans le vouloir) de son époque, de ses opinions. C’est là que je ne peux pas être d’accord en tous points avec lui. Bien sûr comparer le client d’une librairie qui cherche un titre précis à un chasseur et celui qui se laisse guider par les ouvrages posés à plat sur les tables à un pêcheur est très juste. Bien sûr raconter le sort d’un livre volé ou d’un livre passant de mains bourgeoises à d’autres mains moins fortunées laisse entendre qu’il n’y a pas de hiérarchie dans le lectorat. Mais le livre qui se raconte dans ces pages n’oublie jamais qu’il est masculin ; il dit certes avoir entendu une phrase de Virginia Woolf, mais n’ira pas au-delà de quelques mots. Il traverse les époques, sans doute, mais, de même qu’il ne partage pas toutes les opinions dont il témoigne, il ne nous oblige pas à partager les siennes ou nous incite à faire mieux que lui, si on ose.
Chaque chapitre est introduit par une citation rigoureusement signée, et l’érudition, la culture de l’auteur sont omniprésentes comme s’il s’agissait d’un exercice de style : un jeu littéraire à qui reconnaîtra les sources.
Je ne connaissais pas les livres de Paul Desalmand. Celui-ci m’a été prêté et je vais le remettre en circulation dès que ce sera possible, parce que c’est son destin. C’est pour cela, passer de main en main, de lecteur, lectrice à lectrice, lecteur, qu’il a été conçu et publié.