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Un lieu rêvè

Par Antoine06 @AVissuzaine

Nous nous connaissions si peu et étions si différents. Elle si jeune, virevoltante, tourbillonnante, emplie d'une énergie qui habituellement m'aurait fait rire mais j'étais ailleurs, taciturne dans mes pensées sombres d'un espoir déçu, d'un destin amoureux brisé. La veille, elle m'avait dit qu'elle aimait marcher, je lui ai répondu que moi aussi, elle a aussitôt voulu organiser une randonnée, dès le lendemain.

Tout avait mal tourné, nous nous étions perdus, l'orage a éclaté, nous avions trouvé refuge dans une vieille cabane de berger et attendant que la pluie cesse. J'avais glissé en me précipitant dans l'abri et avais terriblement mal à la hanche et l'épaule gauche. Elle avait ri de ma chute, ce qui avait contribué à m'agacer.

Nous avions essoré nos vêtements tant bien que mal, j'avais froid, elle ne se plaignait de rien, était joyeuse malgré la présence à ses côtés d'un vieux con grincheux. Elle parlait beaucoup, me questionnait sans attendre la réponse, ce qui m'arrangeait. Je n'écoutais pas vraiment ce qu'elle disait mais parfois certaines phrases étaient captées par mon cerveau qui ne voulait plus les lâcher. " Quel est l'endroit où tu aimes te trouver le plus au Monde ". J'aurais pu lui répondre sournoisement " ta gueule " ou " dans ton cul " mais il aurait fallu pour cela que je prête une vague attention à ce qu'elle disait.

Il y a quelques semaines encore, sans doute pour la choquer ou la provoquer, je lui aurais répondu que l'endroit que j'aimais le plus au Monde était le lit d'une femme. Je lui aurais décrit la pièce, le lit en lui-même, la couleur des draps et la femme en elle-même. Ses courbes, ses cheveux, détaillé son épilation, ses tatouages, localisé ses piercings s'il en était. Je lui aurais aussi donné des détails les plus crus sur le déroulement de nos ébats.

Mais aujourd'hui, l'idée même d'évoquer une femme m'était trop douloureuse.

Plus certainement aurais-je répondu que j'aimais me retrouver dans un bar avec des vieux copains, ceux qui t'aiment depuis longtemps mais ne le disent pas, ceux qui t'écoutent, qui ne te jugent pas, avec qui tu prends une grosse cuite quand ça va mal, ceux que ta femme déteste parce que tu picoles avec eux et qu'en plus tu parles de cul et reluques les filles. Ceux avec qui tu ne t'engueules jamais, ou alors pas longtemps. Ceux que j'avais appelés à deux heures du matin après ma dispute irréversible.

Il ne pleut plus, on va pouvoir repartir.


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