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La conscience est parole

Publié le 29 mars 2020 par Anargala
Untitled (Open Mouth), B&W print, 64 x 46 cm (framed), 2011 Marzena Nowak

Le silence est éloquent, disait Ramana. Il parlait du silence intérieur qui est l'expérience nue, la pure présence, la vie à l'état brut. 

Or, ce silence est "éloquent". Il dit. Sans mots. Parce que qu'il dit ne peut l'être. "Le semblable connait le semblable" : avec des mots, on dit des mots. Pour dire ce qui ne peut l'être, il faut le dire autrement. Sans articuler. A travers le souffle indifférencié, inarticulé, venu directement du fond des entrailles.

Utpaladeva écrit :

abhinnavācyādyā vāg eṣā, nityacitsvarūpatvenānādyantāparatantrā, bhāvāntarānapekṣaṃ śuddham etat svātantryam aiśvaryasaṃjñam //
"Cette (expérience) est parole originelle, une avec ce qu'elle signifie. Etant expérience toujours présente, elle ne dépend pas d'une origine et d'un but. Elle ne dépend pas d'un contexte. Elle est donc pure liberté, autrement dit, elle est souveraineté". (I, 5, 13)
Le propos ici est de reconnaître le sacré dans le profane, de remettre ce que je désire, dans ce qui m'est imposé : l'expérience brute, brutale, du monde. La vie.
Or, nous dit Utpaladeva, la vie est parole. Une parole qui n'est pas encore séparée de ce qu'elle dit. Elle est donc la langue universelle, parole de vérité, puisqu'elle est ce qu'elle veut dire. Elle est aussi désir, désir originel, qui ne fait qu'un avec son objet. Donc désir comblé, désir qui n'est pas manque.
"Cela" est "cette" (eshâ, etat), car elle est proche, elle est l'expérience ordinaire, l'expérience authentique (akritrimâ), spontanée (sahajâ) qui ne dépend de rien d'autre, et pas d'un contexte (bhâva-antara-apeksham, litt. "elle n'a pas besoin d'autres phénomènes"), elle est absolue, elle parle sans hésiter, sans bafouiller. Ce qu'elle dit ? Elle dit tout. Une seule parole qui dit tout. Un seul silence, gros de tous les signes possibles. Elle ne parle pas "une" langue, ne dépend d'aucun convention. L'expérience ne dépend pas des expériences. Elle coule d'elle-même (svarasa-uditâ), comme un mouvement immobile. Elle est complète, sans être confinée en elle-même. Elle est, au contraire, pure ouverture, inépuisable fécondité. 
Je trouve que c'est une belle description de l'expérience. 

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