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J’ai le temps tu as le temps nous avons le temps

Publié le 31 mars 2020 par Paulo Lobo
J’ai le temps tu as le temps nous avons le temps

(Ce texte concerne uniquement ceux qui se retrouvent en mode lockdown, assignés à résidence)

Si comme moi vous êtes confinés dans votre domicile pour une période indéterminée, vous avez sûrement déjà eu un vertige en pensant à ce temps long qui soudainement vous a été gratifié. Certes, il y a l’angoisse de la situation, l’attente de la suite des événements, la peur devant l’inconnu, tout ce qui fait qu’on est devenus accros aux actualités, qu’on zappe entre chaînes de télé et réseaux sociaux, qu’on se demande tout le temps « et maintenant ? »

Mais, une fois qu’on a digéré les discours officiels et mesuré leur impact sur nos existences, une fois qu’on s’est inquiété de l’état du monde, on en revient à notre chez-soi barricadé, on se retrouve face à nous-mêmes, face à nos proches et face à un indicatif présent qui n’en finit plus de durer, de s’allonger, de s’étirer.

Il n’y a plus rien dans nos agendas, toutes les taches et tous les plans que nous avions pour les semaines et mois à venir ont été effacés, il nous faut attendre le dénouement de la crise pour reprogrammer des choses et de nouveau nous stresser, nous hâter, nous charger d’obligations et de rendez-vous en toutes sortes.

En attendant, il faut attendre. 

On a le temps. C’est un sentiment à la fois enivrant et dérangeant.

Quand on fait notre sortie journalière, pour aller aux courses ou à la boulangerie, on marche lentement, on roule lentement, on savoure le temps d’arrêt au feu rouge, au passage pour piétons, en faisant la file pour rentrer dans le supermarché. On est debout, solide sur nos deux jambes, on contemple les alentours, les architectures, les lumières, on regarde du coin de l’œil les gens à deux mètres de nous, distance de sécurité oblige, on regarde en notre for intérieur, on regarde les textures et les matières, on regarde les lueurs et les senteurs, on se rend compte d’un trou sans fond incommensurable. 

Parce qu’on a le temps.

On range la maison et on la rerange encore. On prend ensemble le petit-déjeuner. Et le déjeuner. Et le dîner. On discute, on bavarde, on blague.

On a le temps de se voir et de s’entendre.

On regarde les étoiles du ciel, la nuit dans le ciel très longtemps, on reprend son Tolstoi de 1000 pages qu’on a envie de relire depuis longtemps, 

on fait un brin de conversation avec la voisine qui demande si tout va bien, on promène son chien autant de fois qu’il veut, on scanne ses vieux négatifs, on réalise enfin ce livre photo des vacances de l’an passé, on s’ennuie en regardant la rue par la fenêtre.

Le temps, cet ami dont on avait oublié l’importance et dont l’obsession productiviste nous avait éloignés.

Nous voici devenus riches d’une montagne de temps.

Saurons-nous choyer ce bien si précieux lorsqu’arrivera l’après-Covid19 ?


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