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A la rencontre des membres de Babelio (35)

Par Samy20002000fr

Avec plus de 910 000 utilisateurs, on en croise du monde sur Babelio. Pour que la communauté demeure, malgré son ampleur, un endroit convivial où l’échange est roi, nous avons décidé de vous donner la parole. En cette période propice à la lecture confinée et au grand rangement de sa bibliothèque, nous avons posé quelques questions à Aela, grande lectrice éclectique.

A la rencontre des membres de Babelio (35)

Rencontre avec Aela, inscrite depuis le 21 janvier 2011.

Comment êtes-vous arrivée sur Babelio ? Quel usage avez-vous du site ?

J’ai rejoint Babelio en 2011, et je profite de cet échange pour remercier mon amie Nathalie, qui m’a fait découvrir le site. J’utilisais auparavant un service dédié à la gestion de mes lectures sur Facebook, mais il a fermé, et j’ai pu tout récupérer avant de rejoindre Babelio. J’aime particulièrement la richesse des notices d’auteurs, les citations, et lire ce que les Babelionautes ont pensé de leurs lectures. Ça donne beaucoup d’idées de lectures.

Vous êtes très active sur Babelio et avez publié plus de 1 000 critiques sur le site. Qu’est-ce qui vous décide à faire ou non la critique d’une lecture ?

Je réserve mes critiques aux livres que j’ai aimés. Je n’aime pas descendre un livre. Quel que soit mon avis, j’ai toujours du respect pour le travail de l’auteur. Mais si j’aime, même juste un peu, je publie un commentaire !

Vous avez également publié de nombreuses listes sur des thèmes variés, des thrillers ésotériques aux documentaires jeunesse. Comment procédez-vous pour choisir les thèmes et constituer ces listes de recommandations ?

J’ajoute régulièrement des listes thématiques. Certaines en littérature jeunesse, car j’ai été enseignante. D’autres en littérature étrangère, ou sur le thème du couple, qui m’intéresse particulièrement. Et d’autres encore sur la Bretagne, où je réside depuis quelques années. Je me suis d’ailleurs mise à l’apprentissage du breton !

Quelle est votre première grande découverte littéraire?

Résurrection, de Tolstoï (disponible en Folio). Il est moins volumineux que d’autres romans de Tolstoï. C’est une excellente porte d’entrée dans son œuvre. Un destin de femme tragique : une jeune fille de la campagne, séduite puis rejetée, qui se retrouve accusée à tort de vol et déportée en Sibérie. Son séducteur se met alors en tête de la retrouver et de se racheter. C’est une lecture très intense, qui m’a émerveillée.

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Résurrection
Illustration par Leonid Pasternak du chapitre 57 (Source Wikipedia)

Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Je suis très tentée de relire Sapiens, de Yuval Noah Harari (Albin Michel). J’ai été impressionnée par la capacité de synthèse phénoménale de cet historien israélien, capable de brosser ainsi 100 000 ans d’histoire de l’humanité. C’est un livre à mettre dans toutes les bibliothèques.

Dans un tout autre genre, j’aime me replonger régulièrement dans l’Ecclésiaste. C’est un livre de la Bible d’une grande profondeur, qui permet de surmonter les événements difficiles. Je l’ai lu pour la première fois après la perte de ma sœur, il m’a été d’un grand secours.

Vous êtes une lectrice éclectique, comme en témoigne votre présentation sur Babelio « J’aime la littérature russe, américaine, sud-américaine, les essais de philosophie, de relations internationales, les biographies…» Comment naviguez-vous entre les genres et les géographies ? Et quelles seraient vos recommandations pour les lecteurs de Babelio ?

J’ai étudié plusieurs langues étrangères : l’espagnol, le russe, l’allemand et l’anglais. Je lis en version originale en anglais et en espagnol. C’est peut-être cette pratique des langues qui me pousse vers la littérature étrangère. Elle me fait souvent plus vibrer qu’une littérature française parfois plus cérébrale. Mais je suis injuste, il y a bien entendu des auteurs français qui me font vibrer, tel Marc Dugain pour prendre un exemple.

En matière de littérature russe, je recommanderais Le journal de Léna, de Léna Moukhina chez Robert Laffont, qui m’a beaucoup touchée. C’est un récit de la vie pendant le siège de Leningrad, qui a démarré en 1941. J’ai eu l’occasion de visiter Saint-Petersbourg (anciennement Leningrad), où se trouve un musée du blocus très émouvant. Même en cette période de confinement, on a du mal à se figurer la violence de ce siège, qui a duré près de 900 jours et fait deux millions de morts. La vie quotidienne décrite dans Le journal de Léna en donne idée. Les assiégés en étaient réduits à manger la colle de leurs meubles pour ne pas mourir de faim.

J’ai aussi une affection particulière pour les lettres de Léon Tolstoï à sa femme, disponible aux éditions Rivages. De tempéraments opposés, ils formaient un couple explosif, mais très solide. Elle l’a soutenu toute sa vie, assurant l’intendance et mettant ses écrits au propre. Et l’on voit pourtant dans les lettres de Tolstoï à quel point elle pouvait l’excéder (on pense parfois à des couples que l’on connaît…) Mais il ne pouvait pas se passer d’elle.

Je suis également lectrice d’essais, notamment historiques, comme Sapiens. J’ai récemment découvert grâce à l’opération Masse Critique Les Deux clans, de David Goodhart, publié aux Arènes. Une réflexion passionnante sur la société anglaise, qui oppose les anywhere – une élite qui a embrassé la mondialisation – et les somewhere – qui sont au contraire enracinés, attachés à un territoire, à une culture locale. Délaissés, menacés économiquement, les somewhere représentent 75% de la population, et ne se retrouvent pas dans les décisions prises par les élites. C’est très éclairant, bien au-delà du cadre anglais, et peut permettre de mieux comprendre un mouvement comme les gilets jaunes.

Dans la même veine, je recommande L’Archipel français, de Jérôme Fourquet, au Seuil, dans lequel il explique que la France d’aujourd’hui est moins une nation homogène qu’une juxtaposition de communautés.

Une autre de mes passions, c’est l’astronomie. Même sans être scientifique, il existe des ouvrages remarquables sur ce sujet en constante évolution : la découverte des exoplanètes, par exemple, ne date que de 1995 ! Je recommande L’Univers à portée de main, de Christophe Galfard (Flammarion), un excellent travail de vulgarisation, qui peut même être conseillé à un adolescent. Les ouvrages de l’astronome Neil de Grasse Tyson sont également très accessibles, de même que certains livres de Stephen Hawking, ou ceux de Jean-Pierre Luminet.

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J’ai eu la chance d’avoir comme professeur de philosophie Sylviane Agacinski, lorsque j’étais en classes préparatoires au lycée Carnot à Paris. Une enseignante d’une grande érudition, mais toujours d’un abord simple, accessible pour ses étudiants. J’aime ses travaux sur la place des femmes dans la société.

J’apprécie également André Comte-Sponville, un philosophe discret, mais brillant. Notamment Le Sexe ni la mort (Albin Michel), un très bel essai sur le couple.

En polar, il faut reconnaître que les nordiques sont très forts… Je considère Arnaldur Indridason comme un véritable héritier de Simenon. Un maître de l’atmosphère et de la psychologie des personnages. Son compatriote Ragnar Jónasson peut constituer une bonne entrée en matière dans le genre. Et je viens de lire L’Archipel des larmes, de Camilla Grebe (Calmann-Lévy), que je recommande : sur une période de quarante ans, elle décrit l’évolution de la place des femmes dans la police et la société suédoise.

J’apprécie également les polars de Peter May, un auteur écossais amoureux de la France, par exemple L’Île au rébus (Le Rouergue), qui se déroule sur la petite île de Groix, à quelques encâblures de chez moi. Et pour rester en Bretagne, je tire mon chapeau à l’auteur allemand Jean-Luc Bannalec (c’est un pseudonyme.) Ses polars situés dans la région sont incroyablement bien documentés, comme par exemple L’Inconnu de Port Bélon (Presses de la Cité), sur les dessous du marché de l’huître.

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Pour conclure sur le polar, j’aime aussi les romans du Portugais José Rodrigues dos Santos, publiés chez HC Editions. Des romans policiers ésotériques pleins d’action, passionnants, qu’il évoque Christophe Colomb (Codex 632) ou la vie extraterrestre (Signe de vie).

En littérature anglaise, je viens de lire Le cœur de l’Angleterre de Jonathan Coe (Gallimard), qui montre à quel point la question du Brexit a pu déchirer les familles anglaises, au-delà des seuls enjeux politiques et économiques. Je recommande aussi les romans de Julian Barnes, comme La seule histoire, disponible en Folio, un portrait de femme courageux et inhabituel. Et dans un autre style, les romans historiques de Kate Mosse, sur Carcassonne ou les guerres de religions, toujours très bien documentés.

Impossible de parler de romans historiques sans citer Ken Follett. J’admire le travail colossal derrière ses sagas, comme Le Siècle, qui couvre l’histoire d’une famille depuis la Première Guerre Mondiale jusqu’à la guerre froide.

Dans les classiques, j’aime beaucoup Thomas Hardy, une sorte de Zola anglais. Tess d’Urberville (Le Livre de Poche), adapté au cinéma par Polanski, est un roman remarquable sur la disparition d’un monde, celui de l’Angleterre rurale à la fin du 19ème siècle.

De l’autre côté du Rhin, j’ai beaucoup aimé La Maison allemande, d’Annette Hess, sorti l’an dernier chez Actes Sud. Un très beau livre, centré sur une jeune femme chargée d’interpréter les dépositions de témoins polonais au second procès d’Auschwitz.

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Chez les Américains, j’ai trouvé extraordinaire American Darling de Russell Banks (Actes Sud / Babel). Un roman très mouvementé sur une femme issue de la bourgeoisie engagée qui part travailler au Liberia et sur le couple qu’elle forme avec un politicien local.

J’aime aussi Joyce Carol Oates, notamment Les Chutes (Points) et Blonde (Le Livre de Poche) qui donne à voir une Marilyn Monroe méconnue.

Et je suis obligée de citer Patricia Highsmith, elle aussi du calibre de Simenon. La série des Ripley, c’est formidable. C’est elle qui m’a conduite au roman policier. Elle est un peu oubliée aujourd’hui, c’est un tort qu’il faudrait réparer.

Parmi les auteurs scandinaves, en période post-metoo, j’aimerais aussi recommander Un verre de lait, s’il vous plaît, de Herbjørg Wassmo, sorti il y a quelques années chez Gaïa. Ce roman jette une lumière crue sur l’exploitation des femmes en Scandinavie, à travers le personnage d’une jeune lituanienne attirée à Stockholm qui se retrouve séquestrée et prostituée. Une lecture très dure, dont on ne sort pas indemne.

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Et sur un mode plus léger, j’ai apprécié Quatre jours en mars, du Danois Jens Christian Grondahl. Le récit d’une femme divorcée qui fait le bilan de sa vie en se demandant à quel point elle reproduit le parcours de sa mère.

Quelques romans français tout de même pour finir ce tour d’horizon ! Un hiver à Paris, de Jean-Philippe Blondel (Buchet-Chastel) restitue très bien l’ambiance des classes préparatoires aux grandes écoles. La femme gelée, d’Annie Ernaux, disponible en Folio, reste toujours d’actualité à propos de la pression qu’exerce la société sur les femmes. Et Voyage aux pays du coton, d’Erik Orsenna (Le Livre de Poche) est un formidable petit traité de la mondialisation.

Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

J’aime beaucoup cette citation de Jorge Luis Borges : « Uno llega a ser grande por lo que lee y no por lo que escribe », qu’on peut traduire ainsi : « Un homme est grand pour ce qu’il lit, non pour ce qu’il écrit. »

Et celle-ci, d’Albert Einstein : « Je crois en une vie après la mort, tout simplement parce que l’énergie ne peut pas mourir; elle circule, se transforme et ne s’arrête jamais. »

Quel est votre endroit préféré pour lire ?

Entre deux averses bretonnes, ma terrasse en bois. Avec un bon livre, c’est le bonheur !

Quelle sera votre prochaine lecture ?

White Palace, de Glenn Savan, disponible en poche chez Babel. Sorti dans les années 80, il raconte la rencontre entre deux êtres dissembables : un jeune publicitaire à qui tout réussit et une serveuse entre deux âges. Le livre a connu une adaptation au cinéma, avec notamment Susan Sarandon.

Merci à Aela pour ses réponses !


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