Me concernant, je la suis depuis son troisième album qui fut autant celui de la révélation que de l’explosion pour la jeune Canadienne. En effet, depuis 2012, Grimes est devenue un nom incontournable de la musique actuelle et, surtout, Visions puis Art Angels ont tous deux été des albums quasi unanimement salués par les critiques, aussi bien l’année de leur sortie respective qu’à l’heure du bilan final d’une décennie écoulée à laquelle elle a éminemment participé. Mais, depuis 2015, on l’attendait, et pas qu’un peu.
Après une seule et simple écoute de Miss Anthropocene, un premier constat semble sans appel : la voix inimitable de Claire Boucher m’avait manqué. Ensuite, il y a comme une sorte de profondeur mêlée de noirceur qui se dégage, ainsi que des effets très dynamiques et clinquants, c’est-à-dire respectivement comme sur Visions (album qu’on pourrait voir comme très mélancolique) et sur Art Angels (album, pour le coup, bien plus sanguin). Mais dans le même temps, rien ne nous rapproche jamais ni de l’un ni de l’autre de ses deux plus grands albums à ce jour.
En effet, Miss Anthropocene possède – je me répète, mais c’est tellement ça – des traits propres à ses deux derniers albums, ou pour être un peu plus honnête : Grimes semble avoir tiré une sorte de bilan de sa discographie, et les possibilités qui s’offrent à elle sont tout simplement faramineuse en terme de composition et même d’inventivité : car, qui peut se vanter de pouvoir créer une œuvre qui, comme nulle autre et de manière tellement prématurée, pourrait à elle seule résumer le son des années 2020 ? Cela, en allant aussi bien piocher des éléments dans le hip hop, la drum’n’ bass ou encore le rock saturé ou la pop fluo !
Le seul défaut de l’album, car il lui faut bien un talon d’Achille, réside dans l’immense densité de cette œuvre qui s’avérera difficile pour les néophytes. Vous pouvez bien sûr essayer l’un de ses précédents albums, ou alors entrer dans son univers avec Miss Anthropocene en faisant comme moi : le découvrir puis l’oublier un temps. Vous remarquerez, toujours comme moi, à quel point sa densité s’effacera finalement pour laisser place à dix chansons fascinantes de bout en bout.
Le comble dans cette histoire ? Je ne doute pas un seul instant que Claire Boucher sait qu’elle a, encore une fois, accouché d’un album démentiel, et même carrément monstrueux à bien des égards – et elle a tellement raison, car je n’ai pas entendu quelque chose d’aussi « lourd » depuis… Depuis quand déjà ? Eh bien, je ne sais même pas, à vrai dire.
(in Heepro Music, le 18/04/2020)
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