C’est avec une citation que commence ce livre. En anglais, signée d’un nom que je ne connais pas, mais que mon correcteur d’orthographe ne souligne pas.
We’ve read enough books (Jared Kushner)
C’est en août 2017 que le gendre de Donald Trump a tenu ce propos : « Nous avons lu assez de livres. »
Bruno Latour démontre que l’arrivée de Trump à la présidence des États Unis d’Amérique fait l’effet d’un révélateur. Avec cette élection, on peut comprendre ce qui relie des éléments qu’on n’avait pas reliés jusqu’alors. Après la chute du mur de Berlin, dans les années 1990 s’est enclenchée ce qu’on désigne sous le nom de « dérégulation », laquelle va donner à la « globalisation » un sens de plus en plus péjoratif, et provoquer l’explosion des inégalités. Ces trois aspects sont le credo des tenants du climatoscepticisme.
Tout se passe comme si les plus riches avaient compris que la terre n’était pas inépuisable et qu’ils devaient donc tout faire pour en profiter au détriment des autres. Rien de mieux pour cela que de se préserver un espace et, s’il le faut, de se couper des autres. La politique de Trump n’est pas autre chose : construire des murs, sortir de l’accord de Paris sur le changement climatique, réduire la participation américaine aux organismes internationaux (récemment encore l’OMS)… Tout cela repose, selon Bruno Latour, sur l’idée des classes dirigeantes de « se mettre à l’abri hors du monde ». Et tant pis pour les autres, les états-nations, les pauvres, les pays en guerre, les migrants. Il faut à leurs yeux abandonner « les fardeaux de la solidarité ».
Pour l’auteur, il est indispensable de faire « un pas de côté », de « basculer la ligne de front ». Il propose d’examiner ce qu’il désigne sous le nom de « Terrestre ». Il l’oppose à ce qu’il présente comme le « Hors sol » du trumpisme. Ce « Terrestre » nous amène à penser autrement la vie sur terre, non pas divisée en frontières, mais vécue en relations. Si je suis « terrestre », je dois penser mon « terrain de vie » (et pas mon « territoire ») en relation avec les autres terrestres.
Pas de solution toute faite dans cet ouvrage. Mais j’en retiens que la terre ne peut pas continuer d’être considérée comme un produit à transformer, à exploiter, et que le sol n’appartient à personne : nous lui appartenons.